Comptes rendus bibliographiques

BRUN, ALexandre et LASSERRE, Frédéric (dir.) (2012) Gestion de l’eau. Approche territoriale et institutionnelle. Québec, Presses de l’Université du Québec, 207 p. (ISBN 978-2-7605-3313-4)[Notice]

  • Louis Guay

…plus d’informations

  • Louis Guay
    Département de sociologie, Université Laval

La gestion de l’eau a longtemps été un domaine réservé aux experts et spécialistes. Le terme « gestion » qui est accolé à eau le montre assez bien. Cependant, avec le temps, les conflits d’usage de l’eau étant mis à jour, l’eau est passée de la gestion à la gouvernance. Il ne s’agit plus uniquement de trouver les meilleurs moyens de s’assurer de la qualité de l’eau et de contrôler sa quantité, mais de donner des orientations sociales et territoriales à l’usage de l’eau et de mettre en place des institutions et des mécanismes d’une action concertée. Ce livre réunit des articles qui se penchent sur les aspects territoriaux et institutionnels de l’eau. La gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), souvent définie dans le cadre géographique d’un bassin versant, est une histoire relativement ancienne. Elle remonte, comme le notent Brun et Lasserre, à la fin du XIXe siècle aux États-Unis où en sont définis les grands principes. Julie Trottier, dans un autre article qui aurait pu commencer l’ouvrage, mais le termine, fait plus que rappeler cette origine ; elle en donne une interprétation à l’enseigne d’une co-construction d’un milieu naturel et d’un ordre social et institutionnel qui l’épouse tout en se l’appropriant et lui donnant un ensemble de significations particulières. L’eau qu’on doit gérer est, aux yeux des concepteurs de la GIRE, une entité qui est déterritorialisée, homogène, anhistorique, libre de toute interaction sociale (p. 188). C’est cette conception positive et positiviste de l’eau et de sa gestion qui s’impose dans un contexte particulier où l’on croit que la science vient à la rescousse de la décision, quand elle ne la remplace pas. Cette conception de l’eau est imposée par des hydrologues et ingénieurs qui ont peu de connaissance des rapports sociaux multiples à l’eau. Certes, durant une longue période de modernisation et d’urbanisation, il fallait trouver des manières nouvelles de gérer l’eau. Les demandes en eau et sur l’eau commencent à être nombreuses et, pour apaiser les conflits actuels et potentiels, une gestion experte élaborée dans un langage technique apparaît comme la voie royale à l’aménagement de l’eau. Cette conception est un construit social, porté par des acteurs identifiables qui, bien qu’introduisant de nouvelles idées, en éliminent d’autres. La conséquence, c’est que l’eau passe au domaine de l’expertise et évacue les rapports sociaux complexes à l’eau. Ce n’est que beaucoup plus tard, à partir des années 1980-1990 au Québec par exemple, que la gouvernance de l’eau, faisant place à des acteurs multiples, refera surface. La loi nationale de l’eau de 2002 vient consacrer cette nouvelle vision des choses. Paule Halley et Christine Gagnon, dans un portrait presque complet, décrivent l’évolution du droit québécois de l’eau. C’est un droit qui a changé au gré des changements de société. Plusieurs lois interviennent sur l’eau et les deux paliers de gouvernement s’y intéressent. Si l’eau est une propriété commune, ses usages peuvent être collectifs ou privés. Ils peuvent aussi être conflictuels, non seulement pour les quantités extraites, mais aussi pour la qualité à maintenir. Ainsi, les agriculteurs, les industriels et les riverains des cours d’eau sont souvent pointés du doigt parce qu’ils déversent dans l’eau des produits qui en réduisent la qualité et menacent d’autres usages. Au tournant du XXIe siècle et tout au long de la première décennie, le droit québécois a repensé sa conception et sa protection de l’eau pour culminer, en 2008, en un régime mieux intégré du droit de l’eau. La « chose commune » devient le patrimoine commun de la nation québécoise, ce qui fait de l’eau une propriété collective dont l’État est le …