Comptes rendus : Mondialisation et transnationalisme

Des États remaniés. Mondialisation, souveraineté et gouvernance.Smith, Gordon et Moisés Naîm. Ottawa, Centre de recherche pour le développement international, 2000, 86 p.[Notice]

  • François Constantin

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  • François Constantin
    Département de science poilitique
    Université de Pau et des Pays de l’Adour, France

Sous un titre principal assez peu heureux tant par le qualificatif mis en évidence (mais comment innover après des décennies d’États « mous », « faibles », « pénétrés », de « pseudo-» ou « quasi » et autres, qualifiant d’ailleurs des choses différentes) que par la mise en avant de l’institution étatique (car c’est plutôt du fonctionnement du système international qu’il s’agit), deux éminentes personnalités alliant l’expérience du diplomate, de l’expert international, de l’universitaire et de l’homme politique ont entrepris, sous les auspices du Fonds pour un Monde meilleur (Better World Fund) et de la Fondation des Nations Unies, la formalisation d’une réflexion globale sur les incidences de la mondialisation. Cette réflexion, basée sur la constatation des limites des méthodes d’action traditionnelles fondées sur la souveraineté étatique, souligne la nécessité d’ouvrir les procédures de négociation et d’action aux autres acteurs non étatiques de fait déjà impliqués (une nouvelle gouvernance) et propose des lignes d’action fondamentales dans trois domaines identifiés comme décisifs pour l’avenir de l’humanité dans son ensemble, à savoir la prévention des conflits, l’intégration des nouvelles générations et la gestion du changement climatique. Le document était originellement destiné à interpeller les délégations appelées à siéger lors de l’Assemblée générale des Nations Unies du millénaire (septembre 2000). L’échéance symbolique est passée, et il en reste au moins ce rapport. Modeste par la taille, mais intéressante, cette synthèse s’inscrit dans le contexte actuel d’une remise en cause, au sein même des cénacles qui les ont produites et mises en oeuvre, de la politique et de l’idéologie de la Banque mondiale, du pnud et des organisations intergouvernementales aussi bien que privées qui participent au pouvoir économique international. Confrontés aux désenchantements de l’ajustement structurel, les auteurs sont à la recherche sinon de formes d’action radicalement nouvelles, du moins d’un nouveau discours légitimateur. Ceci passe par l’abandon des certitudes et de l’arrogance de l’expert international au profit d’une prise de conscience plus humaniste des enjeux planétaires contemporains et à venir. Affichant le souci de « démocratiser la mondialisation » et plus largement les débats internationaux, les auteurs accumulent les bons sentiments, la générosité, la modestie, l’esprit d’ouverture, notamment vers les plus pauvres et les plus défavorisés, au point d’apparaître proches des manifestants de Seattle ou de Barcelone s’ils ne complétaient leur critique des modes actuels de gouverner le monde par des propositions témoignant d’une grande confiance dans les vertus de l’Organisation des Nations Unies et plus précisément dans son Secrétariat général placé sous l’autorité de Koffi Annan. En d’autres termes, leur démonstration vise à mettre en évidence l’existence d’une alliance plus qu’objective entre différentes composantes de la société civile internationale (ou du moins ce qui est présenté comme tel : ong, entreprises, jeunesse...) et le sommet institutionnel du système mondial, alliance dont le fonctionnement, ultime paradoxe, permettrait de redonner au concept de souveraineté une actualité et une pertinence, et donc de réhabiliter le rôle incontournable de l’État dans le contexte d’une gouvernance totalement rénovée et effectivement régulatrice des rapports de force tant nationaux qu’internationaux. La démonstration se développe en deux temps. Elle part du « climat de confusion » né de la dialectique associant mondialisation et fragmentation. Les auteurs identifient alors trois défis décisifs, à savoir les intérêts (qui concernent aussi bien les entreprises que les ong), l’équité (plus éloignée que jamais) et la gouvernance (rappelant le rôle de l’État). Or désormais, l’État même le plus puissant (suivez mon regard...) ne peut résoudre à lui tout seul les problèmes essentiels. Les échecs accumulés (pauvreté, guerres, violences...) viennent ainsi de ce que l’on s’en tient aux anciennes façons de gouverner reposant sur …