RecensionsBook reviews

WEETALTUK, Eddy (en collaboration avec Thibault Martin), 2009 E9-422. Un Inuit, de la toundra à la guerre de Corée, traduit de l’anglais par Marie-Claude Perreault, Paris, Carnets-Nord, 385 pages.[Notice]

  • Murielle Nagy

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Peu d’Inuit ont été militaires et encore moins ont publié leur biographie. C’est pourtant le cas d’Eddy Weetaltuk (1932-2005), un Inuk né sur une des îles Strutton de la baie James. Après 15 ans passés dans l’armée canadienne, il retourne en 1974 dans sa communauté de Kuujjuarapik (Nunavik) et rédige ses mémoires en anglais. L’année d’après, il envoie son manuscrit au Musée de l’Homme du Canada (aujourd’hui Musée canadien des civilisations) afin qu’il soit publié mais rien ne sera fait à cet égard. Trente ans plus tard, il réussit à obtenir que son manuscrit lui soit renvoyé et tenta à nouveau de le faire publier. Le travail de révision du manuscrit se fit avec l’aide du sociologue Thibault Martin qu’Eddy Weetaltuk connaissait déjà. Le résultat est un livre où le narrateur raconte son enfance dans un milieu inuit traditionnel, ses années au pensionnat oblat de Fort George, sa vie de militaire, dont sa participation à la Guerre de Corée comme opérateur de mortier et ses séjours en Allemagne, ainsi que son retour au Canada. Après la conclusion, Thibault Martin signe deux textes: un racontant l’histoire du manuscrit et l’autre sur l’expérience d’Eddy Weetaltuk dans le contexte de la participation des Autochtones aux guerres canadiennes. Ce dernier chapitre présente aussi les injustices du gouvernement canadien envers les vétérans autochtones et leurs familles. Le début du titre du livre, «E9-422», vise à indiquer au lecteur que durant les années 1930 à 1960, plutôt que d’apprendre à écrire leurs noms, le gouvernement canadien assignait des identifiants numériques aux Inuit vivant dans le Nord, qu’ils devaient porter sur eux sous forme de petites plaques circulaires (Alia 1994). Le «E» pour «Est» (de l’Arctique canadien), le «9» la région et le reste des chiffres, le numéro de l’individu. Eddy Weetaltuk mentionne les numéros de ses parents et ajoute un laconique: «C’était comme cela en ce temps-là», mais on sent bien qu’il est cynique. L’enfance de l’auteur est particulièrement intéressante car elle se passe le long de la baie James, un territoire que l’on associe habituellement aux Cris. Rupert Weetaltuk, le père d’Eddy, fréquentaient d’ailleurs des familles cries de la région et avait appris à deux trappeurs cris comment chasser les bélugas (p. 35). Weetaltuk précise que ces baleines passaient l’hiver à la baie James et étaient alors chassées de la même façon que les phoques, en trouvant les ouvertures dans la glace où elles allaient respirer. Dans cette première partie de l’autobiographie, on apprend aussi que le grand-père d’Eddy, George Weetaltuk, avait été le guide de Robert Flaherty lors des expéditions qu’il avait faites à la baie James et la baie d’Hudson d’abord comme prospecteur puis pour les repérages du film Nanook of the North. Pour le remercier, Flaherty lui avait donné une goélette et des outils. George Weetaltuk utilisait ces derniers pour construire des canots qu’il vendait aux différents postes de traite de la Compagnie de la baie d’Hudson de la région. La qualité de ses canots lui valut une très bonne réputation (p. 68). Eddy Weetaltuk se souvient que pendant son enfance la nourriture manquait fréquemment; trois de ses soeurs sont mortes durant des périodes de famine, et la tuberculose frappait plusieurs Inuit. Il avoue même: «Mon désir de fuir la faim et la pauvreté sont sans doute la cause de mes longues aventures autour du monde» (p. 26). L’été de ses 7 ans, Eddy Weetaltuk et sa famille allèrent à Eastmain et il y apprit l’alphabet en allant à la maternelle avec des enfants cris pendant un mois. C’était un oblat qui leur enseignait et Weetaltuk décida même de se convertir …

Parties annexes