Dossier 2 : Les fictions de l’histoire – Configurations germano-canadiennes et transculturelles

Les fictions de l’histoire. Configurations germano-canadiennes et transculturelles[Notice]

  • Louise-Hélène Filion,
  • Robert Dion et
  • Hans-Jürgen Lüsebrink

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  • Louise-Hélène Filion
    Université du Michigan

  • Avec la collaboration de
    Robert Dion
    CRILCQ, Université du Québec à Montréal
    Hans-Jürgen Lüsebrink
    Université de la Sarre

Parmi les termes qui, au cours des quinze dernières années, ont sollicité la critique littéraire désireuse de commenter le rapport qu’entretient la fiction contemporaine avec l’histoire, on pourra songer d’emblée à ceux d’« autofiction », de « biofiction », d’« enquête », de « témoignage ». On sait que ce dernier terme a tout particulièrement suscité l’engouement critique (voir notamment Coquio 2004; Jouhaud, Shapira et Ribard 2009; Marcus 2018; Mesnard 2007; ou le numéro « L’aire du témoin » [Acta fabula 2013]), comme si, depuis que les témoins des deux grandes guerres du XXe siècle ont pour la plupart disparu, il s’agissait de s’interroger sur la présence – ou l’absence postulée, selon le cas – de la posture du témoin direct au sein de la littérature contemporaine. Certains, comme Emmanuel Bouju, suggèrent qu’une telle posture subsiste bel et bien dans le « roman istorique », fondé sur la figure ou sur une fiction du témoin oculaire, de l’istor. Évolution récente associée au roman de la fin du siècle dernier, ce sous-genre « actualise le temps historique comme temps vécu au présent » (Bouju 2013 : 52); alors que le « roman de l’historien », en déclin après avoir été dominant depuis les années 1980, serait fondé sur la rétrospection, sur une entreprise qui remonte clairement du présent pour se réapproprier ce qui demeure des événements du passé, lesquels, cependant, se présentent souvent dans la fiction sous la forme de simples indices, de bribes, de reliquats (Bouju 2013). Sans songer à nier les mérites d’une telle distinction, qui permet notamment de réfléchir autrement à la thématique de la « filiation », qui a été associée par de nombreux chercheurs à l’une des tendances des littératures française (e. g. Demanze 2008; Viart 1999) ou québécoise récentes (e. g. Caumartin et Lapointe 2007; Cellard et Lapointe 2011), ni à désavouer les constats, souvent pertinents, des chercheurs qui évoquent une poétique de l’« archive » (Huglo 2007) ou de l’« événement » (Parent 2011), il nous semble également nécessaire d’avoir recours à d’autres avenues pour examiner le « retour à l’histoire » dont seraient porteurs, outre le roman contemporain, d’autres médias tels que le film et la bande dessinée. De ce point de vue, s’attacher à l’écriture contemporaine de l’histoire en contexte littéraire et médiatique sous l’angle de la mise en scène de l’Autre nous paraît une avenue toute désignée. À cet égard, deux voies principales nous intéressent : d’abord, les dimensions proprement interculturelles de la mise en fiction de l’histoire, qui nous semblent de plus en plus thématisées dans les oeuvres contemporaines, jusqu’à être parfois pleinement revendiquées; puis, celle de la « fiction biographique », un moyen que privilégient les écrivains contemporains pour intégrer l’histoire à la fiction. Le dossier que nous proposons met ainsi en relief l’importance, dans le traitement réservé à l’histoire au sein d’oeuvres littéraires et cinématographiques contemporaines, de phénomènes complexes de perception de l’Autre (Lüsebrink 1996) et d’intertextualité transculturelle (Schmeling 2010 : 16), au même titre que l’élaboration d’une mémoire interculturelle (Keller 2003; Lüsebrink 2016 : 41-42) et de rencontres interculturelles. Quant à la deuxième voie, celle de l’écriture contemporaine de l’histoire par le biais de la représentation de personnages illustres ou, au contraire, de personnages méconnus dont les auteurs contemporains dressent la biographie fictionnelle, le dossier que nous proposons a l’intérêt d’exhiber l’actualité ou la concordance, en contexte québécois et canadien, de constats qui ont souvent été prioritairement associés à la littérature française (Viart 2014 : 89-103). Sous ce rapport, la parution récente de l’ouvrage de Robert Dion, Des fictions sans fiction ou le …

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