Entretiens

Formation et transmission : la passion des origines. Entrevue avec Jean Bossé[Notice]

  • Réal Laperrière

Durant cette époque trouble — ne l’est-elle pas pour chacun de nous ? — j’ai assisté à des conférences sur la psychanalyse données à mon collège par les Drs Karl Stern et Victorin Voyer. C’est à ce moment que s’est formulé pour la première fois dans ma tête le désir de pratiquer ce métier ; j’y ai reconnu une possibilité d’ouverture, une voie pour moi. Je me suis dit : « Voilà ce que je veux faire » et le projet de travailler avec Dr Stern et Dr Voyer s’est élaboré dans ma tête. Et, aussi, celui d’entrer en analyse dès que j’en aurais les moyens financiers. J’ai eu l’opportunité de travailler avec ces deux psychiatres au cours de ma formation médicale. L’été suivant ma troisième année d’études de médecine, j’ai pu me faire embaucher comme interne à l’Institut Albert-Prévost, où ils travaillaient tous les deux, et j’ai passé quatre mois avec eux. Ce fut une expérience très importante que le contact avec, non seulement la psychiatrie, mais avec l’approche dynamique, psychanalytique. Une deuxième expérience marquante s’est présentée aussi au cours de ma formation psychiatrique à l’Institut Albert-Prévost. Ce fut un moment significatif. Une troisième expérience, maintenant. Elle consiste dans ma première rencontre avec mon analyste. C’est un autre moment significatif. Le plus énigmatique de cette expérience fut ma propre réaction de protestation. D’où venait-elle ? C’est à partir de cette question que s’engagea mon interrogation sur la formation, sur la transmission et sur le processus analytique qui doit être protégé de l’ingérence institutionnelle. Celle-ci peut venir de plusieurs sources : de l’institution et son mode de fonctionnement, de l’analyste et de son degré d’autonomie par rapport à l’institution, de sa propre formation, i.e. comment lui-même est devenu analyste, etc. À cette époque, il y avait un mouvement de crise à l’intérieur de la Société de Paris. Elle venait de l’influence des autres groupes, de même que des conceptions critiques de Lacan sur la formation. Ces critiques le rejoindront plus tard dans son propre groupe, en 1967-68, où se produira une autre scission, qui provoqua la formation d’un quatrième groupe (Groupe IV). L’enjeu de cette scission fut, comme pour toutes les scissions antérieures d’ailleurs, les questions de la fonction des analystes et les différences de conceptions concernant la formation et la transmission. À l’intérieur de la Société de Paris se déroulait également le travail de réflexion sur la formation de Robert Barande. Et surtout celui de Conrad Stein — je veux en parler, parce qu’il fut très important pour moi — concernant le rôle négatif que l’entrée en formation joue sur le processus de la cure personnelle des candidats. À propos de cette problématique, Stein à élaboré le concept de secteur réservé, ou protégé, du transfert. La prise en compte de ce fait dans l’analyse des candidats va l’amener, en 1967, à une remise en question de son rôle à la commission de l’enseignement. Il prenait conscience de la grande complicité des didacticiens dans le projet de devenir analystes des candidats et de l’influence néfaste de cette dernière dans la création de cet espace protégé, du fait de leur position à la Société et surtout à l’Institut. Didacticien ou non, l’analyste, selon Stein, doit se démarquer du projet de devenir analyste de l’analysé dès qu’il se présente dans la cure. J’ai été pour le moins étonné de cette réflexion et j’ai repensé à ma propre formation. J’ai été aussi influencé par la scission du groupe lacanien et la formation du quatrième groupe avec Piera Aulagnier, François Perrier, Nathalie Perrier, Claude Chabreul, Jean-Paul Valabrega. Tous leurs débats ont …