Témoignages

E MATCATC. Le grand Départ[Notice]

  • Jeannette Coocoo

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  • Jeannette Coocoo
    Enseignante et experte culturelle à Wemotaci

Je dédie ce témoignage à mes enfants, à mes petits-enfants, à mes arrière-petits-enfants ainsi qu'à tous les héritiers de la culture et des savoirs atikamekw. J'espère que ce texte pourra leur être utile pour comprendre que la culture atikamekw est une culture vivante qui s'est toujours adaptée au changement. Elle continuera de vivre à travers vos gestes et vos actions. Chaque individu a reçu l’enseignement venant de sa propre famille. Comme vous le savez, le christianisme a fait beaucoup de ravages et certains ont vécu beaucoup dans la peur, la peur de suivre ses propres croyances. Peur de parler des rites traditionnels, parce que tout ce qui venait de notre peuple était mauvais. Pratiquer ces rites, c’était comme acheter un billet pour aller en enfer. Ce que je vais me remémorer dans ce texte, ce sont les évènements que j’ai vécus, mais aussi les enseignements que j’ai reçus. Je vais gratter dans les cicatrices du passé pour vous partager nos rites funéraires. C’est l’évolution de notre environnement qui modifie nos rites et, en même temps, il y a adaptation au changement. Une mortalité dans la communauté, c’est un évènement déclencheur pour que les discussions sur la mort refassent surface dans les familles. Pour ma part, j’ai eu des discussions avec mon défunt père et ma grand-mère sur ces sujets. Et je me souviens, quand j’étais plus jeune, quand un aîné partait pour ce grand voyage qu’est la mort, aucune musique ne devait se faire entendre. On devait le plus possible baisser la voix pour parler, pour ne pas déranger l’esprit qui entamait son grand voyage dans le monde des esprits. Dans nos croyances dépendamment comment tu entames cette porte de l’Ouest, si on part sereinement, le passage vers cette étape de la vie sera plus facile et l’esprit aura moins de difficulté à quitter le corps charnel. Et quand il y a un décès d’une façon tragique, l’esprit sera dans un état de choc et de désarroi. Il sera perdu de se retrouver ainsi dans l’autre vie, sans préparation pour ce grand voyage. Voilà pourquoi nous devons vivre chaque jour de notre vie en prônant les valeurs humaines pour ne pas souiller notre corps avec des mauvaises actions. Vivre avec amour avec tout ce qui nous entoure car on peut revenir dans ce monde pour se parfaire comme citoyen de la terre. Et quand vient la fin d’une vie, nous préparons le grand voyageur pour son entrée par la porte de l’Ouest. Cette préparation se fait avec douceur et plénitude afin que celui-ci bénéficie de tout l’amour de ses proches jusqu’à la fin et jusqu’au dernier moment du grand départ. Pendant toute la durée des derniers jours de la personne, les gens apportent des gibiers ou des plats préparés pour que celui qui se prépare puisse se nourrir une dernière fois de ces mets tant chéris dans sa vie durant. C’est une nourriture tant pour le corps que pour l’esprit. Ce sont des moments de remerciements aux animaux de la forêt d’avoir donné leur vie afin que nous puissions nourrir notre famille. Il est aussi important que la famille se rassemble autour de ce grand voyageur pour donner l’opportunité de s’exprimer sur ses sentiments, ses visions ou ses conseils face à la vie. On profite de ce temps des derniers moments de lucidité pour donner à celui qui va voyager chaleur humaine et joie. Ces moments sont aussi importants pour ceux qui deviendront orphelins de cette relation, afin de leur éviter le plus possible les sentiments de regrets après le grand départ du voyageur éternel. Et quand le moment approche, …