Comptes rendus

HARRIS, Richard, Creeping Conformity : How Canada Became Suburban, 1900-1960 (Toronto, University of Toronto Press, coll. « Themes in Canadian History », 2004), 205 p.[Notice]

  • Claire Poitras

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  • Claire Poitras
    INRS-Urbanisation, Culture et Société

Depuis quand le Canada est-il devenu une nation suburbaine, suivant de ce fait une trajectoire tracée par des pays comme l’Australie et les États-Unis ? Quelles forces politiques et économiques ont façonné les espaces qui se trouvent en périphérie des villes-centres ? Qu’entend-on par banlieue et quels modes de vie y sont associés ? Quels groupes sociaux y habitent ? Divisé en sept chapitres, incluant l’introduction et la conclusion, l’ouvrage de synthèse de Richard Harris répond à ces questions en nous exposant une histoire où sont engagées des dynamiques économiques et sociopolitiques ayant soutenu le développement des espaces suburbains des régions métropolitaines canadiennes entre les années 1900 et 1960. Parmi les facteurs à l’oeuvre, Harris fait ressortir les mouvements migratoires, la déconcentration de l’emploi, le redéploiement de la mobilité, l’action des pouvoirs publics locaux et supérieurs, de même que les aspirations des ménages à devenir propriétaires afin d’améliorer leurs conditions de vie et de logement. La principale thèse mise de l’avant par l’auteur est que la banlieue, telle que mise en forme au début du xxe siècle, a progressivement perdu de sa diversité sociale et fonctionnelle initiale pour devenir, entre les années 1945 et 1960, un milieu homogénéisant et conformiste. Pour étayer sa thèse, Harris utilise une approche sociospatiale présentée dans le deuxième chapitre. Le troisième chapitre vise à éclairer les interrelations qui prévalent entre l’urbanisation et les mutations de la périphérie, les banlieues s’inscrivant en continuité avec le processus d’urbanisation. La périodisation élaborée par Harris permet de dégager les tournants qui ont marqué le processus de développement de la banlieue au Canada. Certes, comme le souligne l’auteur, dans la partie nord du continent, à l’instar de ce qui est survenu aux États-Unis, la suburbanisation a pris son envol avant 1900. Par ailleurs, à partir du début du xxe siècle, la croissance démographique, l’extension des réseaux de transport et la spéculation foncière et immobilière ont amplifié le mouvement. Entre les années 1900 et 1929 (chapitre 4), quatre types de banlieue ont pris forme : la banlieue réservée aux élites, la banlieue non planifiée (shacktowns), la banlieue industrielle et la banlieue destinée aux ménages appartenant à la classe moyenne. Un des thèmes principaux de l’ouvrage est la diversité des milieux suburbains. En mettant l’accent sur cette caractéristique, l’auteur cherche à confronter l’idée reçue selon laquelle les banlieusards ont constitué un groupe homogène. Ses recherches sur les villes de banlieue au Canada montrent qu’elles ont accueilli des activités industrielles, des ménages ouvriers souvent locataires, des représentants des classes moyennes et des membres de l’élite. Cela dit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une conjoncture favorable au développement de nouvelles zones résidentielles pavillonnaires, destinées d’abord et avant tout aux nouvelles classes moyennes, a bouleversé cette mosaïque. Entre la fin des années 1920 et 1945 (chapitre 5), la banlieue commence déjà à perdre de sa diversité fonctionnelle, institutionnelle et sociale. Ce processus de modernisation et de normalisation a été alimenté par l’intervention accrue du gouvernement fédéral, et ce, en particulier en ce qui a trait aux modalités de financement et de construction des lotissements résidentiels. Qui plus est, une réglementation municipale plus stricte quant à l’occupation du sol, à la configuration des lotissements et à l’implantation des maisons, a contribué à uniformiser les espaces suburbains. Dès lors, la diversité qui avait marqué la première phase de développement suburbain a cédé la place à une homogénéisation des lieux et des modes de consommation qui s’y sont déployés. Les années 1945 à 1960 (chapitre 6) constituent le moment clé au cours duquel l’image stéréotypée de la banlieue conformiste et homogénéisante a …