Comptes rendus

Baskerville, Peter, A Silent Revolution ? Gender and Wealth in English Canada, 1860-1930 (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2008), 375 p.[Notice]

  • Bettina Bradbury

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  • Bettina Bradbury
    Département d’histoire, York University

Le livre décrit et compare des modes de possession, de transfert et de transmission des biens à Victoria, en Colombie-Britannique, et à Hamilton, en Ontario, durant la période allant des années 1860 jusqu’aux années 1930. Cependant, l’analyse porte principalement sur les années 1880 et les décennies suivantes. Ainsi, l’auteur traite surtout des années qui suivent la mise en vigueur de lois sur la propriété des femmes mariées dans la plupart des provinces canadiennes à l’extérieur du Québec, y compris la Colombie-Britannique et l’Ontario. Comme Lori Chambers, Christopher Clarkson et d’autres historiens canadiens l’ont démontré, ces lois controversées permettaient essentiellement aux femmes mariées de garder leurs revenus et avoirs. Elles devenaient indépendantes de leur mari, ce qui leur ouvrait de nouvelles possibilités. De nouvelles stratégies d’investissement pouvaient également émerger pour les couples. Baskerville présente de façon habile des preuves quantitatives d’une « révolution tranquille » suscitée, selon lui, par ces lois. Il explique qu’elles représentaient « la plus grande redistribution de la richesse depuis la conquête des terres amérindiennes par les Européens » (p. 236). Cette révolution impliquait un rôle plus important pour les femmes dans l’économie, en tant qu’héritières de terres et d’argent, actionnaires (surtout de banques), propriétaires, prêteuses et femmes d’affaires. Ainsi, à la lumière de sources judiciaires, Baskerville modifie sinon rejette un argument majeur qui figure dans les interprétations antérieures des lois sur la propriété des femmes mariées, argument selon lequel une magistrature conservatrice aurait minimisé l’autonomie et les avantages que les femmes auraient pu tirés de ces lois. Au contraire, l’auteur démontre que la richesse manifeste des femmes et leur influence dans toute une gamme d’activités économiques augmentent de façon dramatique dans les années qui suivent l’adoption de ces lois. Il prétend également que cette activité économique ne peut pas s’expliquer selon le concept des « sphères séparées » (un concept que les historiennes féministes critiquent depuis environ vingt ans) et que ces femmes agissaient de leur propre volonté selon leurs situations particulières et pour différentes raisons, quoique la nature des sources utilisées ne permet pas à l’auteur d’approfondir cette question davantage. Il souligne de plus l’importance du lieu de résidence de ces femmes (p. 243), et combien les structures démographiques, économiques et légales – surtout les lois sur le douaire – déterminaient le degré d’autonomie d’une femme. Dans leur ensemble, ce sont des femmes qui « voulaient prendre leur juste part du gâteau économique » (p. 245). De façon générale, ce sont des arguments convaincants et les résultats de l’analyse sont frappants. Par moments, cependant on ne ne tient pas assez compte de l’appartenance des femmes à leurs réseaux familiaux et je me demande si l’auteur ne minimise pas trop la possibilité que certaines de ces femmes n’aient été propriétaires que de nom dans des cas où le couple cherchait à protéger ses biens face à ses créditeurs. De plus, les femmes sont présentées de façon imprécise : on décrit souvent (mais pas toujours) leur statut civil, mais on fait rarement référence à d’autres identités interdépendantes de classe, race, ethnicité ou religion. Car ces femmes possédant des biens provenaient principalement de la classe moyenne ou de l’élite. Afin de comparer le patrimoine financier des femmes habitant Victoria et Hamilton, Baskerville analyse les recensements, les rôles d’évaluation foncière, les documents de succession, les testaments et les listes des porteurs d’actions de banques et de compagnies d’assurances. Il jongle avec les données de façon habile et il réfléchit intelligemment sur les facteurs qui auraient pu les influencer. Dans les annexes, il cherche à évaluer comment les préconceptions au sujet de la différence sexuelle influençaient ces sources. J’aurais aimé …