Comptes rendus

Piché, Claude Armand, La matière du passé : genèse, discours et professionnalisation des musées d’histoires au Québec (Québec, Septentrion, 2012), 410 p.[Notice]

  • Dominique Gélinas

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  • Dominique Gélinas
    Muséologue

L’historien Claude Armand Piché a longtemps travaillé pour Parcs Canada où il a géré de nombreux projets, dont celui de la revitalisation du canal de Lachine. Sa récente publication, La matière du passé, est dédiée à l’évolution des musées d’histoire au Québec : leur création, leur développement et leur professionnalisation. Le livre met plus particulièrement l’accent sur la muséohistoire, soit la mise en valeur du discours historique à travers la culture matérielle au sein de huit musées différents au cours des deux derniers siècles. Cette synthèse historique constituée d’études de cas vient combler le manque d’ouvrages consacrés à ces institutions. Piché aborde la professionnalisation de ces musées d’histoire sous l’angle managérial. En effet, il établit un lien direct entre les moyens financiers et la professionnalisation des pratiques muséales, comprenant aussi bien celles de l’exposition que celles du collectionnement. L’auteur classifie les musées selon les catégories suivantes : les institutions d’enseignement collégial et d’enseignement universitaire, les institutions étatiques, les sociétés savantes, les sociétés d’histoire, les entreprises privées, les musées commerciaux et les congrégations religieuses. Il justifie solidement ses critères de sélection qui sont la qualité représentative de l’institution, sa pérennité et, bien sûr, la disponibilité des sources primaires et secondaires. L’ouvrage de 410 pages est divisé en douze chapitres. Les deux premiers chapitres établissent l’historique de l’évolution des institutions étudiées et soulignent l’apport des principaux acteurs qui s’y sont distingués. Malgré les quelques tentatives de collectionnement qui précèdent la période étudiée, le début du XIXe siècle marque véritablement l’émergence de la muséohistoire, associée à la montée du nationalisme et à l’affirmation de la notion de conservation du patrimoine. Claude Armand Piché divise sa période d’étude en trois âges : l’institution en devenir (1806-1894), l’institution en transition (1895-1966) et l’institution à la maturation (1966-2000). En ce qui concerne les muséohistoriens, l’auteur les répartit en trois catégories : les professionnels, les semi-professionnels et les amateurs. Il établit également une relation entre les différents discours idéologiques et le travail du muséohistorien exercant les différentes fonctions muséales. Les huit chapitres suivants sont consacrés aux études de cas proprement dites. Chacune des institutions est abordée selon un même schéma : d’abord un historique général du type managérial de l’institution, ensuite le contexte de la naissance de même que la présentation des principaux acteurs qui ont façonné les musées. On aborde aussi l’évolution du discours et de la muséographie, et ce, selon les trois périodes précédemment mentionnées. Ainsi, nous découvrons le musée Pierre-Boucher, alias le musée du Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, qui est le fier représentant des collections pédagogiques collégiales, suivi du Fort Chambly, premier musée étatique destiné à l’histoire qui subit plusieurs transformations au chapitre de l’interprétation. Le musée du Château Ramezay, découlant de la Société d’archéologie et numismatique de Montréal, est ensuite présenté ; il s’impose comme un exemple concret d’exercice consensuel de l’histoire. Le Musée McCord, pour sa part, représente non seulement les collections universitaires, mais également l’idéologie impériale de son fondateur. Quant au musée de Bell Canada, il défend parfaitement l’esprit d’entreprise et l’idéologie du progrès, tout en témoignant d’un dynamisme hors pair sur le plan de la muséographie. L’évolution du musée de la Basilique Notre-Dame de Montréal illustre bien, par ailleurs, les défis qu’ont dû relever les congrégations religieuses face à la société postmoderne. Le défunt musée historique canadien, alias le musée de cire de Montréal, se rappelle à notre souvenir, pour sa part, pour son programme éducatif et ses mises en scène sensationnelles. Finalement, le musée de la Société historique du comté d’Argenteuil témoigne des difficultés de survie d’une communauté anglophone minoritaire en région et de l’enjeu que représente …