Regards sur l’évaluation diagnostique[Notice]

  • Sébastien Béland et
  • Géry Marcoux

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  • Sébastien Béland
    Université de Montréal

  • Géry Marcoux
    Université de Genève

L’idée même du diagnostic n’est pas neuve. On en retrouve des traces dans le contexte médical de l’Égypte antique il y a plus de 4500 ans (Deng, 1999/2005). En éducation, le diagnostic est bien plus récent et principalement associé au terme « évaluation » depuis les années 1970 (Marcoux, Fagnant, Loye & Ndinga, 2014 ; Mottier Lopez, 2015). En effet, bien que déjà utilisé dans les années 1920, comme nous le présenterons ci-dessous, ce concept d’évaluation diagnostique est attribué avant tout à Bloom, Hastings et Madaus (1971) pour sa diffusion. L’évaluation diagnostique, au départ, avait pour ambition d’effectuer la distinction entre « formatif » et « sommatif » en désignant l’évaluation qui vise à préparer une nouvelle action. Dans ce cadre, les années ultérieures ont vu cette notion prendre au moins deux directions se chevauchant, résumées par Hadji (1989) : l’une comme « objet » dans une fonction de régulation à visée formative, l’autre comme « forme » dans une fonction pronostique à visée d’orientation. En ajout, alors qu’à l’origine, dans le monde francophone, l’évaluation diagnostique se pratiquait au coeur de la classe entre un enseignant et ses élèves (Bloom, 1979), la fin des années 1990 a vu l’émergence d’évaluations externes centrées sur la mesure des acquis d’apprentissage des élèves, inspirées du modèle nord-américain (Mons, 2009). Puis, les années 2000 ont vu leur extension à une visée diagnostique (Dierendonck & Fagnant, 2014). Ainsi, pour exemple, le rapport d’Eurydice de 2009 présentait 12 pays ou régions pour lesquels des évaluations externes standardisées avaient également pour objectif de « contribuer au processus d’apprentissage des élèves à titre individuel en identifiant leurs besoins d’apprentissage spécifiques et en adaptant l’enseignement en conséquence » (p. 8). Il en est de même dans le monde anglo-saxon, où le profil diagnostique mettant en exergue les forces et faiblesses d’un apprenant est reconnu depuis longtemps. En effet, si, dès les années 1920, apparaissent les premiers tests standardisés (p. ex., le Standford Achievement Test), de nombreuses épreuves externes actuelles sont conçues sur le modèle des tests à référence critériée (criterion-referenced tests) développés à partir des années 1950, dans la lignée des travaux de Tyler (Madaus & Stufflebeam, 1988), mais aussi de Bloom (Stufflebeam, Madaus & Kellaghan, 2000). Pour le Québec, comme le soulignent Loye et Lambert-Chan dans leur article, si « des évaluations diagnostiques se développent à l’interne, à l’initiative d’enseignants dans leur classe ou de conseillers pédagogiques dans leur école » (p. 31) ou si des expérimentations existent (p. ex., Dionne & Laurier, 2010), le besoin de tests diagnostiques, non encore complètement opérationnalisé, reste d’actualité. Ce bref panorama du développement de l’évaluation dite diagnostique montre la diversité des possibles à ce sujet et ne serait pas complet si l’on prenait en compte son extension possible, comme le font Casanova et Demeuse dans cet ouvrage, en l’ouvrant par exemple non seulement aux apprenants, mais également aux évaluateurs. Dès lors, nous conviendrons que l’évaluation diagnostique « sert à préciser un état, une situation par l’identification de paramètres significa- tifs » (Legendre, 2005, p. 397) permettant de faire ressortir les forces et les faiblesses d’un sujet ou d’un groupe de sujets (Tatsuoka, 2009) dans une visée de prévention lorsqu’elle est effectuée avant un apprentissage ou de régulation lorsqu’elle est effectuée durant une séquence d’apprentissages (Scallon, 1999). En fin de compte, la complexité des contextes et les nombreux défis auxquels doivent faire face les acteurs de l’éducation engendrent une multitude de regards qui peuvent être portés sur l’évaluation diagnostique. D’abord, l’évaluation diagnostique à grande échelle, qui est davantage de l’ordre du regard « macro », est aujourd’hui au coeur …

Parties annexes