Éditorial[Notice]

  • Georges L. Bastin

Les voeux de santé, formulés dans le dernier numéro, doivent malheureusement être réitérés ici. Après le répit de l’été, la deuxième vague de la COVID-19 a fait son apparition avec son lot d’inconvénients. Directeurs de revues, réviseurs, imprimeurs ont du mal à retrouver le rythme d’avant la pandémie. Seuls les auteurs semblent continuer avec enthousiasme leurs travaux de recherche. Et c’est tant mieux. À nouveau, ce numéro comprend un In Memoriam. Il s’agit cette fois d’un collègue très proche, Gilles Bélanger, pionnier de l’enseignement de la traduction à l’Université de Montréal. Nous lui rendons un hommage mérité. Le numéro s’ouvre sur la question du public cible des traductions modernes. L’étude de cas d’Omri Asscher de l’Université Bar-Ilan, concerne les traductions en anglais des écrits du Rabbin Abraham Isaac Kook (1865-1935), père du sionisme religieux, depuis les années 1980 et 1990. Selon l’auteur, qui analyse en détail le contexte théologique et politique de la pensée de Kook tant dans son contexte original (fin xixe, début xxe) que contemporain, les nouvelles traductions ciblent les communautés juives israéliennes et américaines se réclamant du courant moderne orthodoxe, en particulier les jeunes Juifs américains. L’auteur y découvre ce continuel « glissement à droite » que connaît le judaïsme moderne orthodoxe américain depuis quelques décennies. L’article suivant soulève une problématique assez rarement abordée : celle du texte source. Les auteures, Laura Ivaska et Suvi Huuhtanen, observent que cinq traductions finnoises de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne ont en réalité des textes sources différents. Soulevant la question de la retraduction, de la traduction indirecte, de la pseudo-traduction et de l’auto-traduction, les auteures voient dans les « textes » des représentations d’une « oeuvre » et dans les « oeuvres » des créations littéraires impliquées par divers « textes ». Elles dévoilent ainsi la complexité des relations intertextuelles et montrent que le texte source ne correspond pas toujours au texte original. La retraduction est également le sujet de l’article de Javier Ortiz García de l’Universidad Autónoma de Madrid. Il s’agira aussi d’un classique, The Business Man d’Edgar Allan Poe (1840) traduit en espagnol par trois traducteurs. Trois retraductions dont l’auteur cherche à retracer le parcours en Espagne. En particulier, déterminer les objectifs des traducteurs et évaluer la trajectoire de l’oeuvre et de l’auteur. L’article envisage les retraductions « passives » et « actives » de Pym (1998) et se fonde sur les critères énoncés par Venuti (2012) qui expliquent l’apparition des retraductions. L’examen des divergences entre ces retraductions met en lumière le rôle qu’elles jouent dans la canonisation des auteurs littéraires. La place de la presse dans l’histoire de la traduction n’est plus à faire, tant les traductions dans ces périodiques de la première heure ont contribué à modeler les identités nationales. Aura Navarro de l’Université Concordia nous revient avec un article sur la presse. Il s’agit cette fois de l’un des premiers périodiques de la presse canadienne du XIXe siècle, La Minerve. Publié tout au long du siècle, ce périodique traduit énormément. Et l’analyse de ces traductions révèle un rapport d’inégalité politique entre le Canada anglais et le Canada français. L’auteure montre ainsi comment ce périodique emploie la traduction comme instrument de défense des Canadiens francophones. L’article suivant, tout en restant au Canada du xixe siècle, prend, dans une certaine mesure, le contre-pied du précédent. L’auteure, Alexandra Hillinger de l’Université Laval, s’attaque à la traduction vers l’anglais de quatre romans canadiens-français. Avec une approche historique, l’auteure porte un regard critique sur la production et la réception de ces traductions qui, soit jouissent encore aujourd’hui d’une …