Échos et débats

L’empowermentDe quel pouvoir s’agit-il ? Changer le monde (le petit et le grand) au quotidien[Notice]

  • Yann Le Bossé

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De quel pouvoir s’agit-il lorsqu’on se réfère à la notion d’« empowerment » ? La question mérite effectivement d’être explorée plus à fond tant elle est essentielle à l’appréciation du potentiel de cette notion dans le champ des pratiques sociales. En effet, ce champ d’études particulier donne souvent lieu à l’émergence de « nouveaux concepts » qui s’avèrent rapidement autant de coquilles vides ou de tentatives de reformulation plus contemporaines de notions éculées. Sommes-nous, oui ou non, en présence d’un phénomène d’intérêt réel pour le renouvellement des pratiques sociales ? C’est là, semble-t-il, la question centrale. Souhaitons que le lancement d’un débat autour de la nature du pouvoir auquel on se réfère lorsqu’on utilise la notion d’« empowerment » contribue à dégager des espaces de convergence plus nets dans ce champ de recherche particulièrement hétérogène. Dans un premier temps, il convient de préciser dans quel champ d’application précis s’inscrit ce questionnement. En effet, il ne faut jamais perdre de vue que le terme « empowerment » est un nom commun dans la langue anglaise dont on retrace les premiers usages lors de la colonisation du continent américain. Encore de nos jours, cette notion est couramment utilisée comme un synonyme de succès dans la langue vernaculaire ou de promotion interne dans le domaine des relations industrielles (The American Heritage Dictionary of the English Language, 2006). Cette pluralité de sens témoigne-t-elle d’une confusion langagière ou s’agit-il plutôt de différentes désignations d’un phénomène unique ? En d’autres termes, y a-t-il quelque chose de commun entre la revendication des premières communautés protestantes américaines pour le maintien de leurs pratiques religieuses spécifiques, celle des suffragettes pour obtenir le droit de vote, l’attribution de nouvelles responsabilités aux cadres intermédiaires d’une entreprise et le sentiment de réussir ce que l’on entreprend ? L’analyse linguistique de l’expression « empowerment » suggère que ce terme peut désigner un phénomène global susceptible de se manifester sous des formes très spécifiques, voire apparemment contradictoires, en fonction des contextes dans lesquels il se déploie. Sans prétendre rendre compte de toutes les nuances possibles en la matière, on peut décomposer l’expression « empowerment » en trois éléments distincts. Tout d’abord, le préfixe « em » qui, en anglais, traduit souvent l’idée d’un mouvement. Vient ensuite le radical « power » qui correspond au terme « pouvoir » en français et précise l’objet du mouvement introduit dans le préfixe. Enfin, le suffixe « ment » qui rend l’idée d’un résultat tangible (Rodwell, 1996). Dans un premier temps, on peut donc considérer que la notion d’empowerment renvoie globalement à un « mouvement d’acquisition de pouvoir qui débouche sur un résultat tangible ». De fait, une telle définition générale permet d’intégrer la quasi-totalité des usages de ce terme dans la langue anglaise. Mais, bien sûr, cette première définition laisse entière la question de la nature du pouvoir auquel on se réfère, et cela, notamment parce que la réponse dépend du contexte dans lequel ce phénomène se manifeste. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’expression « empowerment » peut être utilisée pour soutenir des points de vue très différents. Ainsi, les tenants de la libéralisation des marchés emploient régulièrement cette expression comme un synonyme d’élimination des barrières commerciales ou administratives à la liberté d’entreprendre alors que ceux qui prônent une plus grande équité dans l’accessibilité et la distribution des ressources utilisent souvent la notion d’empowerment comme un équivalent de « mobilisation collective ». De manière peut-être plus concrète, on constate que si de nombreux auteurs en sciences sociales s’entendent pour associer l’idée d’empowerment à un gain de contrôle, il existe des contextes …

Parties annexes