Comptes rendus

Thomas Hurka, Virtue, Vice and Value, Oxford University Press, Oxford, New York, 2001, 272 pages. [Notice]

  • Christian Nadeau

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  • Christian Nadeau
    Université de Montréal

Dans ce livre, Thomas Hurka présente, à la suite de ces précédents travaux, une approche « perfectionniste » du problème des vices et des vertus. Le perfectionnisme de Hurka est présenté comme une théorie conséquentialiste où le bien est pensé de manière objective. Comme le conséquentialisme, le perfectionnisme exhorte l’agent à accomplir des actions dont les conséquences seront bonnes ou qui sont bonnes en elles-mêmes. Mais à la différence de l’utilitarisme, le perfectionnisme accorde de la valeur non pas à des entités subjectives (plaisir, bonheur, réalisation des préférences) mais à des activités ou états objectifs, tels que le savoir, la réussite, le plaisir esthétique. Ces actions ou états sont dits « objectifs » car leur valeur est intrinsèque et ne dérive pas de l’appréciation de l’agent. Ainsi le plaisir esthétique est objectivement bon, indépendamment de la satisfaction ou du plaisir d’un individu. Il faut donc reconnaître deux manières d’évaluer le plaisir esthétique, selon l’agent ou de manière intrinsèque. Un agent qui ne connaîtrait jamais un tel plaisir a une vie moins bonne que celle d’un autre agent qui ferait l’expérience d’un tel plaisir et ce, même si le premier n’éprouve aucun regret à ne pas connaître ce plaisir. À la différence de ces travaux antérieurs, Hurka soutient maintenant que malgré la structure de son approche « perfectionniste » il est possible de penser la valeur de la vertu sans l’astreindre à une fonction strictement instrumentale. Il s’agit ici, pour l’essentiel, d’une analyse des vices et des vertus selon une échelle de valeur que la théorie de Hurka a pour objet de définir. Dans le paysage des théories éthiques contemporaines, la question des vertus est souvent étudiée en fonction d’approches conséquentialistes ou déontologiques. Dans la première, une vertu telle que celle du bien (goodness) est vue comme première par rapport à celle du juste (rightness). Dans l’optique déontologique, le juste est souvent vu comme une entité autonome par rapport au bien. Dans ces deux cas, on a tendance à concevoir la vertu comme une sous-catégorie conceptuelle : elle est condition du bien ou du juste, et est limitée à un rôle purement instrumental. Une autre approche est celle où la vertu n’est plus instrumentale mais valorisée pour elle-même : c’est le cas de l’éthique de la vertu et du perfectionnisme. Si Hurka tente de voir dans la vertu autre chose que l’instrument du juste ou du bien, il n’en est pas moins opposé au néo-aristotélisme des éthiques de la vertu. C’est à une thèse intermédiaire entre celle où la vertu est observée pour elle-même et en elle-même et celle où elle n’est que l’instrument du juste ou du bien qu’il tente d’arriver. Hurka propose une théorie de la vertu où cette dernière est jugée bonne en elle-même (intrinsically good) et indépendamment des conséquences auxquelles donne lieu une attitude ou une action vertueuse, et où, en toute logique, le vice est jugé mauvais en soi. Cette lecture du problème du vice et de la vertu ne suppose pas une critique des modèles conséquentialistes ou déontologiques. Elle n’est par contre, comme l’expliquera Hurka, pas conciliable avec les présupposés de l’éthique de la vertu. En outre, Hurka maintient qu’elle semble plus propre à satisfaire les exigences d’une théorie conséquentialiste que de toute autre théorie. Dans le premier chapitre de son livre, Hurka explique sa thèse (nommée « recursive account » car elle suppose des principes dont l’application est récurrente) selon laquelle les états moraux des agents doivent être évalués intrinsèquement, ou pour le dire autrement, selon laquelle leur valeur est intrinsèque. De même, des attitudes appropriées à l’égard de ces états sont elles-mêmes intrinsèquement …

Parties annexes