Introduction

Considérer le rythme en formationQuelle importance pour l’apprentissage professionnel et la professionnalisation ?[Notice]

  • Lucie Roger

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  • Lucie Roger
    Département d’éducation et de formation spécialisée, Université du Québec à Montréal, 1205, rue Saint-Denis, local : N-5100, Montréal (Québec) Canada H2X 3R9
    Roger.lucie@uqam.ca

La question du rythme en formation est souvent entendue comme la recherche d’une répartition optimale des stages à l’intérieur du calendrier de la formation. Cela suppose implicitement qu’il serait possible de trouver un rythme idéal entre les stages et les présences en classe qui, à lui seul, permettrait de développer l’apprentissage professionnel, comme si il était possible de définir une alternance idéale, identifiée comme processus de professionnalisation. Cependant, plusieurs travaux concernant les temporalités en formation (Aubry, 2012; Lesourd, 2009; Pineau, 2000) démontrent que la question du temps en formation ne peut être réduite à une simple répartition mécanique des situations formatives et qu’il est indispensable de considérer les processus de construction des connaissances, ainsi que les processus de professionnalisation pour repenser les temporalités des formations professionnalisantes. Cela implique que le temps doit être compris et étudié en formation selon une approche compréhensive et dialectique, où la notion de rythme devient nécessairement significative dans la construction de l’apprentissage professionnel et de la construction de la professionnalité. Chez Bachelard (1932), le rythme permet une reconstruction du temps et donne forme et sens aux instants qui structurent et scandent indiscutablement tout projet de formation. Pineau (2000) mentionne d’ailleurs à propos de la rythmanalyse de Bachelard que « cet apprentissage formation fait mettre ensemble et en sens des moments autrement séparés » (p. 122). Il s’agit pour Pineau de penser la « complexité des métamorphoses de la formation » (Ibid.). Cette affirmation invite à requestionner les processus de professionnalisation moins sur le plan organisationnel que sur le plan de la construction des connaissances et de l’apprentissage professionnel dans le registre du temps vécu. Pineau rappelle à cet effet que pour Bachelard, « comprendre un phénomène nouveau, ce n’est pas simplement l’adjoindre à un savoir acquis, c’est réorganiser le principe même du savoir » (Pineau, 2000, p. 135). Cette réorganisation du savoir, nécessaire à tout apprentissage professionnel, se joue dans un instant complexe qui mobilise lui-même différents instants situés comme des marqueurs de situations. La construction et la maîtrise de cet instant complexe nécessite un mouvement où la dimension rythmique est centrale dans la mesure où chaque apprenant définit son propre rythme d’apprentissage. Dès lors, questionner les processus de professionnalisation, c’est repenser les rythmes qui permettent la construction de l’apprentissage professionnel. La formation doit donc pouvoir prendre en compte ce mouvement perpétuel de dialogue entre différents instants (Fabre, 1994), ce qui supposerait de mettre en place des situations qui ne soient plus des « unités temporelles très liées à un lieu » (Pineau, 2000, p. 160), comme représentatives d’une forme d’alternance définie au regard d’une visée organisationnelle de la formation, mais comme une dialectique de situations relatives, formelles et non formelles, parfois dépourvues de significations, mais qui, repensées dans un instant complexe et fécond, développent un apprentissage professionnel. Comment ainsi considérer une formation professionnalisante reposant sur une mise en mouvement d’instants, selon un rythme défini par le formé, soutenant une visée d’apprentissage professionnel? Ce numéro propose d’étudier cette question du rythme en formation dans une perspective dialectique et en considérant que les processus de professionnalisation s’appuient sur la construction de l’apprentissage professionnel. Michel Alhadeff-Jones propose d’envisager six finalités caractéristiques d’un apprentissage réflexif et critique permettant de concevoir et d’interroger les rapports entre professionnalisation et temporalités. Il propose en particulier d’interroger la façon dont on apprend à discriminer, évaluer, interpréter, argumenter, juger et mettre en crise les temporalités et les rythmes, vécus ou observés, tels qu’ils déterminent la vie quotidienne et l’apprentissage tout au long de la vie. Ce faisant, cette réflexion suggère de concevoir la professionnalisation comme capacité à (ré) organiser une autonomie …

Parties annexes