Recensions hors thème

The Politics of Possibility : Risk and Security Beyond Probability, de Louise Amoore, Durham et Londres, Duke University Press, 2013, 220 p.[Notice]

  • Adib Bencherif

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L’ouvrage de Louise Amoore s’inscrit dans le champ des études critiques de sécurité au sein de la sous-discipline des relations internationales. L’auteure se penche sur la gestion du risque et sur les décisions politiques associées. À travers cet ouvrage, particulièrement riche empiriquement, elle questionne la méthodologie et l’épistémologie associées à la représentation et à l’analyse du risque au sein de notre société. Selon Amoore, il est possible de constater, depuis les événements du 11 septembre 2001, que l’on accorde de plus en plus d’importance aux risques dits « à faible probabilité et à fort impact » (p. 11). L’accent est mis sur la capacité des analystes et des gestionnaires du risque à imaginer le scénario catastrophe et à empêcher sa survenance. Le calcul du risque est dès lors changé. Il ne s’agit plus d’observer et d’agréger des données pour établir des tendances lourdes par la connaissance du passé. Pour l’auteure, ce nouveau calcul du risque est basé sur la mise en relation de données parcellaires unifiées par des intuitions, déguisées sous une « grammaire mathématique » et portées notamment par les algorithmes. Ces derniers n’effacent pas pour autant la subjectivité initiale des présupposés de l’analyste, ni le caractère spéculatif de cette nouvelle manière d’analyser le risque pour faciliter la prise de décisions dans un contexte d’incertitude. Les analystes et les gestionnaires du risque, dans les sphères privée et publique, vont ainsi recourir à l’établissement et à la projection de scénarios, mêlant à la fois des éléments intuitifs et d’autres probabilistes. Un des postulats au coeur de l’ouvrage, et partagé par l’ensemble des études critiques de sécurité se penchant sur le risque en général, est que l’ère actuelle n’est pas caractérisée en soi par davantage d’incertitudes ou par l’observation et l’émergence de risques nouveaux (p. 8). Le véritable changement de la période actuelle serait dans nos représentations collectives. La société se pense elle-même en termes de risques et de gestion des risques. Cette préoccupation d’anticiper les risques entraîne le basculement d’une logique de prévention à une logique préemptive (p. 9). Les scénarios possibles sont tous explorés. Il s’agit d’une nouvelle forme de corrélation qui se n’inscrit plus dans l’usage traditionnel des statistiques et des probabilités. Penser le risque conduit ainsi à réifier le virtuel, à donner corps à des scénarios issus d’imaginaires. Les technologies du risque ont alors une relation ambiguë avec le futur. Elles sont une promesse de faire des incertitudes et des inconnus qui accompagnent le futur des éléments connus et calculables. La première partie de l’ouvrage, qui correspond aux chapitres 1 et 2, se penche justement sur les politiques du possible et sur les « techniques » pour penser le risque ; les outils pour analyser le risque y sont explorés. L’incapacité à empêcher les attentats du 11 septembre 2001 aurait incité à développer des pratiques analytiques encourageant les analystes et les observateurs à imaginer l’ensemble des possibilités et à « routiniser » les intuitions pour anticiper les risques. Le spéculatif, l’intuitif et le raisonnement probabiliste entrent à présent en dialectique dans l’usage des algorithmes (p. 58-59). Pour Amoore, ce n’est finalement pas la précision de l’analyse et de la collecte de données qui est la source des préoccupations des gestionnaires du risque, mais davantage l’intelligibilité des réponses apportées par les algorithmes, pourtant sur des bases de données parcellaires. Les algorithmes permettent par conséquent d’offrir une grille facilitant la prise de décision, sans en interroger pour autant la pertinence. La seconde partie de l’étude, c’est-à-dire les chapitres 3 et 4, se penche sur les « espaces » où se manifestent le plus les politiques ancrées dans cette volonté …