Entrevue

Principes féministes et intégration théorie-pratique — Un parcours universitaireEntrevue avec Cécile Coderre[Notice]

  • Madeleine Dubois

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  • L’entrevue a été réalisée par
    Madeleine Dubois

Au cours de sa carrière à l’Université d’Ottawa, débutée en 1983, madame Cécile Coderre a occupé les postes de professeure de sociologie, de professeure et de directrice de l’École de service social et de vice-doyenne de la Faculté des sciences sociales. Peu importe la nature du poste qu’elle occupait, elle a toujours mis de l’avant les principes des approches féministes en reconnaissant, notamment, l’importance de tisser des liens entre les diverses formes de connaissances ainsi qu’entre les assises théoriques et les manifestations de savoirs pratiques. Son engagement au sein d’associations vouées au développement communautaire et au bien-être des femmes, jumelé à la rigueur intellectuelle qui l’anime, vivifie son enseignement et nourrit sa réflexion sur les rapprochements qu’elle fait entre les diverses formes de savoirs.

C. Coderre : J’ai fait mes études de baccalauréat en service social à l’Université Laval de 1974 à 1977. Mon intérêt pour la formation en service social a découlé de mon implication dans le mouvement étudiant au CÉGEP de Joliette. Au cours de mes études de CÉGEP, les mouvements étudiants étaient en ébullition et ils s’intéressaient, notamment, à la démocratie directe. J’avais plusieurs intérêts dans les domaines des sciences sociales et des sciences politiques. Et quoique j’aie été passionnée par mes cours de sociologie et de psychologie, je cherchais plutôt un programme universitaire où je pouvais faire du changement politique et social. Je participais à de nombreuses manifestations. C’était une époque où la majorité des étudiantes et des étudiants faisaient front commun et où le Québec était en évolution. Je voulais donc m’inscrire dans un programme d’études qui me permettrait de nourrir mes aspirations de changement, ce qui m’a amenée à fixer mon choix sur le programme de service social de l’Université Laval, qui offrait un domaine d’études sur l’action communautaire. Les stages dans le domaine communautaire ont été remplis de défis associés aux particularités et aux raisons d’être du développement communautaire. Au cours des années 1970, il se faisait beaucoup de rénovation urbaine. On transférait des populations entières, un peu comme ce qui s’est fait dans la Basse-ville à Ottawa à la même époque. Je souhaitais mettre sur pied un projet bien défini avec une collègue stagiaire, mais nous avons rapidement constaté qu’il serait impossible de mettre à exécution toute la planification que nous avions faite si diligemment parce que les situations changeaient du jour au lendemain. J’ai fait un premier stage avec la centrale syndicale CSN, qui soutenait la création d’un village vacances-famille pour des travailleuses et des travailleurs de Québec. Notre projet initial a dû être transformé complètement pour s’adapter à la réalité du contexte. La même situation s’est répétée au cours de mon deuxième stage avec les comités de citoyens des HLM. Avec des collègues, nous avons alors décidé de créer une boite à outils pour l’animation communautaire. Il s’agissait d’outils techniques qui nous auraient été utiles pendant nos stages, présentés sous forme de fiches portant notamment sur l’incorporation des organismes, la rédaction d’ordres du jour et de procès-verbaux, la préparation de budgets et l’organisation d’une conférence de presse. C. Coderre : En effet, j’ai fait de nombreux apprentissages au cours de ces stages, non pas en réalisant concrètement ce que j’avais conceptualisé, mais en m’engageant véritablement. J’ai appris, notamment, à m’adapter au milieu, à être à l’écoute, à me montrer souple et ouverte aux changements et à tenir compte des points de vue de plusieurs personnes. J’ai ainsi fait des apprentissages extrêmement importants. Par ailleurs, comme l’université nous encourageait beaucoup à faire des stages communautaires avec d’autres étudiantes ou étudiants de l’école, j’ai donc travaillé en collaboration avec une collègue. La planification et la préparation aux stages s’effectuant en collaboration, nous avons pu développer nos aptitudes pour le travail d’équipe, raffiner nos capacités de coopération et de partage. Pour réussir, il fallait que notre projet soit développé en commun pour ensuite être adapté aux besoins de communautés particulières. Ce type de collaboration m’a beaucoup interpellée, m’amenant à effectuer des transformations personnelles, parce qu’en quelque sorte, j’ai émergé de l’étudiante très studieuse que j’étais. J’ai baigné dans la communauté et je me suis éveillée aux questions sociales, notamment à la pauvreté. C’était une réalité qui m’était jusqu’alors inconnue. Je reconnais sans contredit avoir beaucoup acquis des stages qui s’échelonnaient sur une année pendant ma formation universitaire. Mes études de baccalauréat ont aussi concrétisé mon désir de …

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