Comptes rendus

Roland Pfefferkorn Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classes, rapports de sexes. Paris, La Dispute, 2007, 412 p.[Notice]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Université Laval

Roland Pfefferkorn est un sociologue connu pour son analyse des inégalités sociales en prenant appui sur les diverses statistiques sociales. Dans cet ouvrage, basé sur un mémoire d’habilitation à diriger des recherches, il se propose d’examiner comment rapports de classes et rapports de sexes se conjuguent dans les sociétés contemporaines – et singulièrement la société française – pour se cristalliser en fait d’inégalités sociales. Cependant, le mode d’exposition, centré sur l’« éclipse des classes, l’émergence du genre » (p. 7) tend à opposer les deux formes d’inégalités sociales, au moins à des fins heuristiques, plutôt que de mettre en lumière leur consubstantialité. L’introduction est un peu lourde et témoigne des origines « scolaires » du texte. Elle combine une approche du type journalistique sur le retour des classes sociales dans le discours sociologique français, déplore la myopie de la sociologie française en ce qui concerne les rapports sociaux de sexes, explique ce qu’est un rapport social et situe le travail de l’auteur comme un travail engagé, tout en étant scientifique. Bref, des éléments qui figurent à juste titre dans une thèse, mais qui se révèlent souvent fastidieux dans un livre. La première partie de l’ouvrage est consacrée aux rapports de classes et se décompose en trois chapitres. Elle est introduite par une analyse de la notion de rapport de classe chez Marx, Durkheim et Weber, trop rapide pour apporter quelque chose de nouveau dans la compréhension de ces auteurs, mais qui sert surtout à poser que les sociétés contemporaines sont segmentées, hiérarchisées et conflictuelles et que la notion de rapports de classes permet de voir les dynamiques sociales qui les organisent. Le premier chapitre porte sur le « paradoxe du tournant néo-libéral » (p. 57), paradoxe que Pfefferkorn situe dans le fait qu’à une époque – les deux dernières décennies du XXe siècle – où les inégalités sociales s’accroissent (ce qui est vérifiable à la lecture des statistiques sociales produites par les gouvernements occidentaux), le discours sur les classes, auparavant prégnant dans la sociologie française, dont l’auteur nous brosse un panorama allant d’Halbwachs à Bourdieu, tend à s’estomper. En fait, le paradoxe n’est nullement expliqué par une analyse des caractéristiques du néolibéralisme, dont la négation des rapports sociaux, l’auteur se contentant d’observer que le discours sur les classes sociales est largement lié au sort du marxisme, tandis que la sociologie empirique nous permet de constater que les inégalités sociales s’accroissent. Le panorama de la sociologie française et européenne se poursuit dans le deuxième chapitre pour montrer que les discours de substitution à celui des rapports sociaux, notamment ceux de la « moyennisation », de la montée de l’individualisme ou de l’exclusion, ont principalement pour fins d’occulter la « conflictualité » sociale. Ce panorama est complété, toujours sur le mode du survol, dans le troisième chapitre qui porte sur le retour d’une analyse en termes de classes sociales. Celle-ci peut se comprendre par la remontée des luttes sociales et plus particulièrement des luttes syndicales du mouvement de 1995 au « non de gauche » au projet de constitution européenne. Ce vaste survol se conclut par le fait que la constitution d’une conscience de classe homogène, qui permettrait de passer de la classe en soi (déterminée objectivement par les rapports sociaux capitalistes) à la classe pour soi (luttant consciemment contre son exploitation et sa domination), se heurte au « fait que d’autres rapports sociaux sont à l’oeuvre qui s’entremêlent et s’articulent aux rapports de classe » (p. 195) et que « le mouvement ouvrier, ou « salarial », ne dispose pas du monopole de la lutte contre les oppressions et les …