Comptes rendus

André Gélinas, L’intervention et le retrait de l’État. L’impact sur l’organisation gouvernementale, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2002, 427 p.[Notice]

  • François Pétry

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  • François Pétry
    Département de science politique
    Université Laval

L’ouvrage d’André Gélinas vient s’ajouter à une série déjà longue de travaux sur le désengagement de l’État au Québec. Il conserve toutefois son originalité, et ceci pour deux raisons principales. En premier lieu, y est étudié l’effet du retrait de l’État sur l’organisation et le fonctionnement de l’appareil administratif, un thème rarement abordé dans les écrits. En effet, les chercheurs qui travaillent sur le retrait de l’État s’intéressent surtout à ses répercussions sur la mise en oeuvre des politiques et des programmes et bien moins à ses conséquences administratives. Autre originalité de l’ouvrage : il retrace l’évolution des interventions gouvernementales sur le long terme, incluant non seulement la période récente de désengagement (1986 à aujourd’hui), mais aussi celle de l’accroissement de l’État qui la précède (1960-1985). Cette juxtaposition de deux époques permet d’effectuer d’intéressantes comparaisons historiques. La question centrale est de savoir si la croissance puis le désengagement de l’État ont eu des effets inverses sur l’organisation de l’appareil administratif au Québec. Plus précisément, l’hypothèse de recherche pose qu’il y a eu correspondance entre l’intervention accrue de l’État et un accroissement de la décentralisation et de la déconcentration fonctionnelle de l’appareil administratif. À l’inverse, la période de retrait de l’État a correspondu à une centralisation et une concentration accrues de l’administration centrale aux dépens de l’administration territoriale. Pour tester cette hypothèse, André Gélinas divise son exposé en deux périodes, la première correspondant à l’expansion de l’État québécois entre le début de la Révolution tranquille et la chute du gouvernement de René Levesque ; la deuxième portant sur les années 1986-2002. La deuxième période comprend elle-même quatre phases qui coïncident respectivement avec a) la vague de privatisations et de déréglementations au début du gouvernement libéral de Robert Bourassa ; b) la première initiative de dévolution des charges financières du gouvernement provincial vers les commissions scolaires et les municipalités au début des années 1990 ; c) les réductions dans les dépenses des programmes sociaux et dans les effectifs de la fonction publique comme préalables à l’élimination du déficit budgétaire sous le gouvernement de Lucien Bouchard ; et enfin d) les récentes fusions municipales. Le prétexte invoqué pour inclure les fusions municipales dans le lot est qu’elles diminuent le nombre de municipalités, cette réduction étant elle-même un indicateur de la décroissance de l’État. Il semble cependant que le lien entre le retrait de l’État et les fusions municipales est dû autant à une coïncidence qu’à une volonté délibérée de réduire la taille de l’État. Chaque phase successive d’intervention et de retrait de l’État est examinée selon une liste de critères empiriques (jusqu’où y a-t-il eu accroissement puis retrait de la présence de l’État ?) et normatifs (qu’est-ce qui justifie l’intervention puis le retrait ?). La méthode consistant à soumettre chaque phase aux mêmes critères a un avantage didactique certain, mais elle rend parfois la présentation répétitive. Quelle a été l’importance du retrait de l’État québécois après 1985 ? Les chiffres confirment-ils la thèse d’un retranchement profond ? L’ouvrage montre qu’il n’en est rien. Suivant en cela une tradition bien établie, André Gélinas distingue les indicateurs institutionnels (le nombre d’établissements publics de santé et d’éducation ; de commissions scolaires et de municipalités, de directions centrales et de ministères ; les emplois dans la fonction publique) des indicateurs financiers (les dépenses des administrations publiques ; la dette ; les actifs des entreprises publiques). Les séries chronologiques montrent clairement l’absence de changement important dans la plupart des indicateurs tant institutionnels que financiers entre 1985 et 2000. La seule exception notable est la réduction importante du nombre de commissions scolaires et d’établissements de santé publique. Les compressions …