Comptes rendus

Andrée Fortin et Duncan Sanderson, Espaces et identités en construction. Le Web et les régions du Québec, Québec, Éditions Nota Bene, 2004, 155 p.[Notice]

  • Ndiaga Loum

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  • Ndiaga Loum
    GRICIS, Université du Québec à Montréal
    et CRDC, Université du Québec en Outaouais

Examiner comment les identités s’expriment et se transforment dans le cyberespace ainsi que leurs relations avec les milieux locaux, régionaux et communautaires, n’est pas une tâche facile. C’est le défi qu’ont tenté de relever Andrée Fortin et Duncan Sanderson dans cet ouvrage. D’emblée, les auteurs désignent les destinataires de leur ouvrage : sociologues, géographes, mais aussi tous ceux qui désireraient avoir un bilan sur l’utilisation de l’Internet au Québec, principalement du côté des organismes communautaires, municipaux et régionaux. Ils affichent une posture théorique (refus de tout déterminisme technique sur le social) et font également une promesse formelle (un aller-retour entre les données empiriques et les concepts). Il n’est pas toujours sûr cependant que cette promesse soit tenue avec la même rigueur sur l’ensemble de l’ouvrage. Il apparaît que la description et le recours aux données empiriques, tirées des entrevues ou de l’observation du contenu des sites, l’emportent sur la conceptualisation théorique, même si on ne peut dénier aux auteurs un réel effort de théorisation en parcourant les six chapitres. Dans le premier chapitre (Du Flower power à l’intérieur citoyen, les aléas d’une utopie), les auteurs ont passé en revue les écrits importants dont les discours souvent optimistes portent l’espoir d’une démocratie informatique, que les auteurs perçoivent plutôt comme une utopie. Ce faisant, le point de départ de l’analyse, dans cette partie, c’est cette question : Internet a-t-il servi d’outil de libération au Québec et de construction d’une société nouvelle ? En scrutant les discours utopiques, les auteurs semblent partager l’idée de Philippe Breton selon lequel ces chantres du cyberespace, dont Pierre Lévy constituerait la figure emblématique, sont déconnectés des pratiques actuelles tout en contribuant cependant à les façonner. Ils soulignent fort justement que ce prophétisme, cette utopie « n’est pas tant celle de la démocratie que de la transparence et de l’harmonie ». L’apport incontestable dans cette partie, c’est de montrer que les réseaux communautaires sont des producteurs importants de discours (voir les principes proposés par le regroupement des réseaux communautaires en Angleterre en 1997), au même titre que les États. Les discours gouvernementaux sont, bien sûr, accompagnés de programmes qui varient beaucoup au fil des années, et qui peuvent être liés directement ou indirectement à l’informatisation. Les auteurs soulignent le rôle important joué par le Fonds de l’autoroute de l’information (FAI) dont le programme est orienté à la fois vers la production de produits et de services et le développement local, ainsi que celui rempli par le Programme d’accès communautaire (PAC) orienté d’abord vers les collectivités rurales et qui, par la suite, a aidé les collectivités urbaines à se brancher à l’autoroute de l’information. Analysant le rôle du PAC, les auteurs évoquent l’exemple des demandes de subventions ; celles-ci indiquent comment Internet est perçu ainsi que les espoirs qu’il suscite. L’idée qui mérite d’être soulignée ici est celle de l’espoir placé en Internet dans le but d’accroître le sentiment d’appartenance et l’esprit communautaire, et le fait que cela ait des incidences sur l’économie régionale. Après avoir rappelé la question qui consiste à savoir si l’utopie démocratique pourrait se déployer une fois le branchement réalisé et la formation de base assurée, les auteurs ont porté leur attention sur les expériences québécoises dans le monde communautaire. Ils rappellent que le milieu communautaire québécois s’intéressait déjà à l’informatique au début des années 1980, mais c’est véritablement avec la fondation de la Puce communautaire en 1984 que la formation à l’informatique et la réflexion à ce propos s’amorcent et s’inscrivent dans la continuité. En 1995, elle s’unit avec l’Institut canadien d’éducation aux adultes pour mettre sur pied Communautique dont la mission …