Comptes rendus

Pascale Laborier, Pierre Noreau, Marc Rioux et Guy Rocher (dirs), Les réformes en santé et en justice. Le droit et la gouvernance, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008.[Notice]

  • Cécile Vigour

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Cet ouvrage rassemble des contributions sur les réformes judiciaires et sanitaires menées ou envisagées en France et au Québec. Le sous-titre met en évidence l’hypothèse centrale qui sert de fil directeur et en constitue l’originalité : le droit reste un élément structurant des nouveaux modes de gouvernance des démocraties, même si des modalités de formalisation juridiques plus souples semblent mises en avant. Certaines contributions témoignent d’un réel effort pour définir et caractériser les réformes. Pour G. Rocher, cette composante du changement social s’oppose à la révolution par le respect de la légitimité de l’ordre existant et sa non-radicalité. La grille d’analyse qu’il propose s’articule autour de six dimensions : localisation du palier de la société concerné ; dynamique des rapports État-société civile ; verticalité du processus ; typologie des acteurs impliqués (concepteurs, promoteurs, modélistes, passeurs, réalisateurs, opposants) ; rapports de pouvoir ; analyse du rôle et de la place du droit. Les réformes sont appréhendées comme un mode d’action caractéristique des démocraties contemporaines et révélateur des transformations de la gouvernance des États (Contandriopoulos). Trois fonctions – orientation, gestion des actions, promotion et maintien du sens et des valeurs collectives – peuvent être dégagées, qui contribuent à la légitimité de l’action publique. Enfin, la formalisation juridique des principes et dispositifs apparaît au coeur des réformes. Le lecteur peut progressivement reconstituer les principales composantes d’une sociologie politique des réformes comme un travail politique de construction de discours, idéologies, catégories, pratiques et instruments portés par des acteurs aux intérêts divers. Selon les articles, l’accent porte davantage sur les orientations idéologiques et les principes organisateurs (Denis, Noreau, mais aussi Jaccoud), sur les réseaux d’acteurs réformateurs impliqués au niveau national (Rocher, Vauchez et Willemez) ou international (Pierru, qui étudie les mécanismes de transferts de politique et les modalités de réappropriation différenciées selon les configurations d’acteurs nationales), sur les instruments d’action mobilisés – qu’il s’agisse de statistiques, de comparaisons internationales, de benchmarking ou encore de dispositifs juridiques. Une attention particulière est portée à la formation et aux modes de structuration des champs réformateurs (ressources, trajectoires des acteurs, lieux privilégiés : commissions, organisations internationales, …), au sens commun réformateur que certains acteurs s’efforcent d’élaborer et de diffuser (dans le sillage notamment des analyses de Christian Topalov (dir.), Laboratoires du Nouveau Siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, Paris, Éditions de l'EHESS, 1999). Les articles québécois mettent en exergue les dynamiques des processus de formalisation juridique (l’influence du pluralisme juridique est manifeste), tandis que les auteurs français soulignent le caractère fondamentalement politique des processus réformateurs, en déconstruisant les discours sur la « crise ». Tous insistent sur « la mise en idées » des réformes et l’importance des représentations cognitives et normatives qui guident les pratiques et qu’il convient d’étudier de manière longitudinale. Ces contributions permettent d’identifier plusieurs tendances de transformations de l’action publique en France et au Québec en santé et justice. D’une part, le primat d’une logiquemanagériale s’affirme clairement dans les projets récents, bien que ce registre d’action soit hybridé avec d’autres rationalités et qu’il ne soit pas juste d’y réduire l’ensemble des réformes. D’autre part, on ne peut manquer d’être frappé par le maintien de la centralité de l’État français ou québécois (hauts fonctionnaires, acteurs politiques), en dépit du recours plus fréquent aux contrats ou à des formes hybrides comme les conventions (Noreau) et de la pluralité des acteurs impliqués (Rioux, Buton). M. Rioux montre que la mise en forme par le droit a lieu tant en amont de l’action publique (lors de l’émergence de l’élaboration et de l’explicitation des normes à la base de la règle juridique) qu’en aval (lors …