Comptes rendus

Colette Parent, Chris Bruckert, Patrice Corriveau, Maria Nengeh Mensah et Louise Toupin, Mais oui c’est un travail ! Penser le travail du sexe au-delà de la victimisation, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2010, 137 p. (Problèmes sociaux et interventions sociales.)[Notice]

  • Jacqueline Comte

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Face à la prostitution, deux positions s’affrontent. D’un côté, les prohibitionnistes et les néoabolitionnistes réclament son abolition, les premiers affirmant qu’il s’agit d’une activité immorale et source de désordre social et les seconds qu’il s’agit d’un haut lieu de l’exploitation de la femme par l’homme. De l’autre côté, de nombreuses associations de travailleuses du sexe, appuyées par des professionnels/les du droit et de la santé et des chercheurs/ses en sciences humaines réclament la décriminalisation totale de la prostitution en plaidant qu’il s’agit d’un travail dont la principale caractéristique est d’être criminalisé et stigmatisé. Quand on ne connaît pas bien la question et qu’on se fie au « sens commun », lequel soutient que les prostituées constituent une population vulnérable provenant d’un milieu familial dysfonctionnel, aux prises avec différentes toxicomanies, portées sur divers petits crimes et victimes de violence, voire d’esclavage, on ne peut qu’être d’accord avec toute tentative d’éliminer le problème, c’est-à-dire, de ce point de vue, la prostitution elle-même. Or, la réalité de la prostitution est beaucoup plus vaste et complexe que celle véhiculée par les médias et nourrie par l’imaginaire commun. Cet ouvrage invite le lecteur à reconsidérer sa perception des travailleuses (et travailleurs) du sexe de manière à tenir compte du point de vue de ces dernières. Pour ce faire, les auteurs/es s’appuient surtout sur des études empiriques provenant de la sociologie et de la criminologie, mais également sur l’expertise développée par les nombreuses associations de travailleuses du sexe existant dans différents pays occidentaux et non occidentaux. Le premier chapitre présente les différentes positions idéologiques concernant le travail du sexe. Il élabore d’abord le contexte historique dans lequel ces positions se sont développées pour ensuite présenter les arguments soutenus par chacune des positions. Ce faisant, il déconstruit le discours abolitionniste en soulignant, entre autres, les glissements de concepts et l’utilisation de statistiques non fondées sur des données de recherche. À partir d’études réalisées dans le cadre de la sociologie du travail, il soutient par ailleurs que la prostitution est un travail. Le chapitre suivant permet de mieux saisir les enjeux et les effets découlant de la répression légale de la prostitution au Canada, de même que ceux liés aux autres approches proposées par différents groupes sociaux : l’approche néoabolitionniste de criminalisation des clients, l’approche réglementariste légalisant et encadrant la prostitution, et l’approche de décriminalisation totale de la prostitution. Suivant l’exemple de la Nouvelle-Zélande, la dernière approche est privilégiée car elle semble, dans les faits, la plus respectueuse des droits et de la dignité des travailleuses du sexe. Le troisième chapitre se penche, quant à lui, sur les ressemblances et les différences entre le travail du sexe et les autres types d’emploi. Alors que les ressemblances sont liées à l’organisation du travail, aux compétences nécessaires, et au fait qu’il offre des bénéfices secondaires qui en font un choix possible, les différences sont liées à sa criminalisation et sa stigmatisation : violence, difficulté de négocier des conditions de travail respectant les normes minimales légales, manque de protection policière et effets néfastes du stigmate de « pute » dans sa vie et ses relations personnelles. La richesse du chapitre suivant se trouve dans la présentation d’une réalité des travailleuses du sexe bien différente de celle « de la victime » ou encore de celle de la « femme socialement dysfonctionnelle » : ce sont des actrices sociales organisées. En effet, afin d’aider les plus démunies d’entre elles et de répondre à leurs besoins de conseils juridiques ou en santé sexuelle, mais aussi afin de créer les conditions sociales nécessaires à une décriminalisation et à une déstigmatisation de leur travail, un …