Compte rendu

Les transformations de l’intervention sociale. Entre innovation et gestion des nouvelles réalités ? par Evelyne Baillargeau, Céline Bellot (sous la dir.) Collection « Problèmes sociaux et interventions sociales », Montréal , Presses de l’Université du Québec, 2007, 255 p. Préface rédigée par François Aballéo Postface de Jean-Pierre Deslauriers[Notice]

  • Normand Boucher

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  • Normand Boucher
    Chercheur au CIRRIS et
    Professeur associé
    École de service social
    Université Laval, Québec

Dans le contexte des transformations de la régulation du social par l’État touchant les politiques sociales des dernières années, les auteurs ouvrent une fenêtre sur une analyse des conséquences de ces mutations pour les interventions sociales. Sous la direction d’Evelyne Baillargeau et de Céline Bellot, les collaborateurs à cet ouvrage développent une lecture critique mais « aussi une exploration des opportunités d’innovation en matière de soutien spécialisé envers les populations vulnérables » (p. 2). Les mutations au plan des politiques sociales et au plan des pratiques sociales constituent les deux principes structurant de cet ouvrage. Ce livre rend compte des débats qui ont eu lieu autour de ces thèmes lors d’un colloque organisé par le Groupe d’analyse des politiques et des pratiques sociales (GAPPS) de l’Université de Montréal. De manière à saisir ces phénomènes dans leurs dimensions les plus larges, Evelyne Baillargeau et Céline Bellot, en introduction, adoptent aussi une « posture d’observation » assez large, celle « du champ d’intervention sociale qui va au-delà de la profession et de la discipline dans son sens le plus traditionnel » (p. 4). Dans la première partie qui comprend trois chapitres, Pierre-Joseph Ulysse s’intéresse d’abord aux structures médiatrices non-étatiques en proposant « d’analyser la manière dont se nouent les alliances et s’expriment les rapports de solidarité entre les individus et les organismes, pris entre les contraintes institutionnelles d’une part, et les processus d’individualisation des problèmes sociaux d’autre part » (p. 4). Elles sont caractérisées par l’émergence de nouvelles formes de relations entre les institutions publiques et les autres composantes de la société. Des structures qui sont définies comme une interface à l’intérieur de laquelle des « espaces de transactions » se forment entre des acteurs afin de contrer les impacts négatifs des réformes des politiques sociales. Dans ce processus, l’État fait du territoire l’instrument essentiel d’analyse de ces mutations et de leurs conséquences pour les individus. Le partenariat, la concertation et la proximité sont des vecteurs importants de création de nouvelles pratiques de citoyenneté; ce qui conduit l’auteur à insister sur l’importance d’une « double action », de proximité et sociétale, caractérisée tantôt par une mobilisation des individus tantôt par une transformation des rapports sociaux et des dynamiques structurelles des inégalités afin de favoriser « l’être et l’être-ensemble ». Dans la foulée du processus de décentralisation en France, Michel Messu s’intéresse au passage d’une politique d’intégration à une politique d’insertion; un processus qui va entrainer « un effet de retour sur la définition, ou plutôt, sur le contenu de savoirs et de savoir-faire qui caractérisait les professions du social » (p. 42). Des mutations qui marquent l’émergence de nouveaux acteurs, intervenants provenant du milieu en quête de reconnaissance professionnelle, et le déclin de ce qu’il désigne comme « l’intervention républicaine », définie comme une manière d’envisager l’action publique sociale et qui produisait un certain type de citoyen républicain (…) soutenu, protégé par la collectivité sociale et nationale avec laquelle il fait corps (p. 47). Ces intervenants sociaux républicains qui ont participé à « l’invention du social », par l’entremise entre autres de la socialisation de la réponse et de la mutualisation des risques, se retrouvent aujourd’hui en déficit d’identité professionnelle. Et enfin, Claude Larivière retrace les quatre grandes étapes de développement et de réformes des CLSC au Québec en décrivant les enjeux qui ont caractérisé chacune des périodes; une démarche essentielle afin de mieux cerner l’évolution actuelle qui se caractérise, selon lui, par un déclin significatif du « modèle CLSC » et où l’instrumentalisation du travail social est de plus en plus présent et confirmé avec la dernière réforme Couillard. Dans la …