Comptes rendus de lecture

Katharina Reiss. La critique des traductions, ses possibilités et ses limites, traduit de l’allemand par Catherine Bocquet, Cahiers de l’Université d’Artois 23/2002, Arras, Artois Presses Université, 2002, 166 p.[Notice]

  • Claude Tatilon

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  • Claude Tatilon
    Collège Glendon
    Université York

Le but de cette étude, publiée en 1971 à Munich, est de présenter un modèle méthodologique permettant « une critique objective des traductions »(p. 12). Ce qui revient à poser la question : « Comment savoir si une traduction est bonne ou mauvaise ? » (quatrième de couverture). Pour y répondre, bien entendu. En cent cinquante pages d’une analyse serrée. Ce qui m’a surtout frappé à la lecture de Katharina Reiss, c’est le déroulement rigoureux de sa démarche théorique. Une démarche inscrite dans une perspective précise : celle de la « traduction normale », par laquelle « on tente d’élaborer en langue-cible un texte équivalent au texte-source sans rien retrancher, sans rien ajouter ni distordre » (p. 33) ― forme canonique de traduction qui exclut toute « réexpression en langue-cible d’un contenu reçu en langue-source [ayant une] visée différente de celle du texte original, ou un nouveau public-cible, autre que celui de l’original » (p. 41). Dans cette démarche, tout s’enchaîne en une suite logique de propositions : a) le texte à traduire s’inscrit dans une typologie « qui englobe la totalité des genres de textes que l’on rencontre dans la pratique » (p. 32) ; b) il correspond à un type précis ― « à dominante informative », « à dominante expressive » ou « à dominante incitative » c) ce type, à son tour, « détermine la nature de l’équivalence ― » ; laquelle penchera tantôt du côté de contenu, tantôt du côté de la forme (ces deux notions largement discutées et assez clairement définies). La typologie des textes apparaît donc comme la clé de voûte de tout l’édifice théorique : tout au long de l’ouvrage est développée l’idée d’un lien fort entre le type de texte de départ et la nature de l’équivalence à établir. Tirée au cordeau, la présentation ci-dessus, soucieuse avant tout de dégager ce qui m’a semblé constituer les lignes de force de l’ouvrage, ne rend pas bien justice à la souplesse de pensée de Katharina Reiss, qui souligne à maintes reprises la rigidité de sa classification. Mais, rigueur oblige : une méthode se doit d’avoir des contours nets, sous peine de ne pas être utilisable : « Commencer par déterminer le type de textes dont relève le texte en cause et ce, en se fondant sur le texte original. Cette étape une fois franchie […], on se demandera si le traducteur s’est conformé à la hiérarchie des éléments à conserver dans la version-cible. » (p. 68) Et, par la vertu d’une rédaction limpide, tout, du début à la fin de l’ouvrage, donne prise à une compréhension sans équivoque. Ce qui n’est pas une mince qualité pour un texte « informatif ». Les aspects de cette étude fouillée sont multiples, mais deux d’entre eux m’ont particulièrement attaché. D’une part, la classification proposée pour baliser la planète Texte ― son élaboration, sa nature et l’usage qui en est fait ; d’autre part, l’évaluation de la traduction d’une écriture singulière. L’élaboration de cette classification commence par un vaste tour d’horizon des propositions faites antérieurement par certains traductologues pour répondre aux besoins particuliers de la traduction. Dix tentatives typologiques sont ainsi analysées (celles, entre autres, d’Andrei V. Fedorov et de Georges Mounin). Se fondant sur les travaux de Karl Bühler (Sprachtheorie, 1934) qui distingue trois fonctions du langage fondamentales, à savoir l’information (Darstellung), l’expression (Ausdruck) et l’incitation (Appell), Katharina Reiss propose sa propre classification, que sa traductrice française, Catherine Bocquet, présente ainsi, avec mention, pour chaque type, de la stratégie préconisée : « pour les textes à dominante informative …