Comptes rendus

Paul St-Pierre et Prafulla C. Kar (dirs). In Translation–Reflections, Refractions, Transformations. Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, coll. Benjamins Translation Library, vol. 71, 2007, 313 p.[Notice]

  • Madeleine Stratford

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  • Madeleine Stratford
    Université Laval

La première partie, « Translation studies in context », donne le ton en situant la traductologie parmi les disciplines émergentes du XXe siècle qui ont à la fois bouleversé et enrichi le panorama traditionnel des sciences humaines. Daniel Simeoni explique l’avènement tardif de l’approche sociologique en traductologie, postulant que le contexte nationaliste ayant donné naissance à la sociologie n’était pas propice à l’étude d’un objet culturellement hybride comme la traduction. Dans l’article qui suit, R. Anthony Lewis suggère que la traduction opère une transformation non seulement entre les langues, mais au sein du langage, condamnant les théories structuralistes qui la conçoivent comme un simple transfert normé entre langues source et cible. Hélène Buzelin propose quant à elle d’adopter une perspective ethnographique afin d’étudier la traduction comme une production culturelle et le traducteur comme un maillon dans une longue chaîne d’intermédiaires. Délicieusement métaphorique et ironique, Probal Dasgupta critique les théoriciens « missionnaires » qui dirigent les « écoles de conduite » décernant les « permis » de traduire. Il invite les nouveaux « conducteurs » à s’engager par eux-mêmes sur l’« autoroute » de la traduction en prêtant une attention particulière à la « circulation » pour mieux entrer en dialogue avec les autres chauffeurs. Alors que les quatre premiers articles de la section (voire du livre en entier) soulignent le besoin pour la traductologie de voler de ses propres ailes, Rajendra Singh plaide pour un retour au bercail de la linguistique, exposant au grand jour les tensions sous-jacentes entre la discipline-mère et sa fille en pleine émancipation. Considérant la traductologie comme une branche de la linguistique appliquée, Singh va jusqu’à juger la qualité d’un manuel de traduction à son utilité potentielle dans un cours de linguistique. Aussi utile le métalangage des linguistes puisse-t-il être en traductologie, il ne faut pas oublier pour autant que cette dernière possède depuis longtemps son propre métalangage, à la fois accessible et scientifique. Or, en reprochant aux traductologues qui affirment le caractère pluriel de leur objet d’étude d’en brouiller les contours, Singh semble adhérer à la « pensée d’exclusion » critiquée plus haut par Simeoni (p. 25). En illustrant, peut-être à son insu, les propos de Simeoni, l’article de Singh boucle avec subtilité la première section du livre. La deuxième section, « Writing and translation », se centre sur le rôle du traducteur, que l’on situe à mi-chemin entre celui de lecteur et d’auteur. Les deux premiers articles traitent de l’impact des choix traductifs sur la réception de l’oeuvre originale. Contrairement à ce que peut suggérer le titre du premier article, « Translation and displacement : The life and works of Pierre Menard », Sukanta Chaudhuri n’analyse pas la nouvelle de Borges, mais s’en sert plutôt comme prétexte pour revisiter la traduction d’un point de vue herméneutique, comme une création à la fois « dérivative » et « originale ». Chaudhuri rappelle en terminant que tout acte de traduction présuppose une série d’« intentions cachées » qui dépassent le simple transfert linguistique, une théorie que Judith Lavoie exemplifie ensuite en présentant un cas typique de « belle infidèle ». En effet, Lavoie démontre avec brio à quel point William-Little Hughes, le traducteur des Aventures de Huck Finn, renverse le postulat original de Mark Twain, le rendant ainsi paradoxalement plus visible. Alors que l’auteur exploite positivement le parler noir de Jim pour donner plus de profondeur au personnage, Hughes le fait correspondre en français au stéréotype de l’esclave soumis et idiot. Au chapitre suivant, on s’éloigne pour la première fois de la traduction proprement dite pour se pencher sur une de ses manifestations plus …

Parties annexes