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Sylvain FEREZ Depuis tes premiers Jeux en 2008, toi, en tant qu’athlète, comment tu as perçu les évolutions concernant la place des paralympiques ? Qu’est-ce qui t’as marquée ? Parce que j’imagine que tu as vécu des Jeux qui étaient très différents les uns des autres, et qui ont connus ces évolutions…

Marie-Amélie LE FUR Oui, en fait j’ai vu deux types d’évolution. Il y a eu les évolutions internes au mouvement parasportif français, c’est-à-dire un meilleur accompagnement et une meilleure identification par les acteurs clés du parcours de vie des sportifs de haut niveau, c’est-à-dire l’engagement et les moyens des fédérations, la communication et donc ton lien aux médias, mais aussi le lien aux secteurs économique et privé. Donc ça, il y a eu une évolution de la sphère française. Mais il y a aussi eu une évolution considérable de la sphère internationale. Bon, je trouve que, suite aux Jeux de Londres, les jeux paralympiques, dans leur dimension universelle, mondiale, ils ont pris une nouvelle ampleur. Et ça s’est ressenti dans le niveau de compétence exigé des athlètes de haut niveau. Clairement, le niveau qui m’était demandé quand j’étais athlète en 2008, n’est pas du tout celui qui m’a été demandé sur la fin de ma carrière, et il n’est pas celui qui est actuellement demandé aux jeunes. Donc, on a vraiment un mouvement qui s’est structuré, qui s’est développé, qui s’est ouvert à de nouvelles disciplines, à de nouvelles typologies de handicap, qui, petit à petit, se féminise ; et ça, je pense qu’on y reviendra un peu plus tard, mais ça, c’est un véritable enjeu. Et alors, je ne sais pas… je pense que la France n’a fait que répondre finalement à cette structuration du mouvement paralympique, mais je l’ai senti en tant qu’athlète. On a toujours été, je pense, bien identifié et accompagné par les collectivités locales[1], mais là… Et il y a une accélération encore plus grande avec les Jeux de Paris. Il y a une véritable identification. L’État, grâce aux Jeux de 2024, a aussi compris qu’il y avait besoin de mieux accompagner et mieux financer le parcours des athlètes de haut niveau. Mais pour autant, il y a encore des trous dans la raquette. Je pense que la façon de mettre le sport au coeur de la vie des personnes en situation de handicap n’est pas encore une évidence.

Donc, je trouve qu’on a un peu un système qui est en deux temps, où on est en train de très bien sécuriser le haut niveau – on en parle, on le médiatise, etc. –mais finalement ce développement de la base, cet accès au sport, le fait de le faire rentrer au coeur de la vie des personnes en situation de handicap, ça nécessite d’avoir une modification beaucoup plus fondamentale et profonde. Et ça, ça prend plus de temps. On est en marche, mais ça prend plus de temps.

Sylvain FEREZ Peut-être, pour avoir des exemples, est-ce que tu peux nous donner quelques repères sur ce qu’était ton suivi, toi, en 2008, et puis… ce qui a changé autour de toi, en termes à la fois de fréquence d’entrainement, d’accompagnement par les collectivités locales comme tu l’as dit, d’équipe d’encadrement, de moyens et de capacité à avoir des sponsors… ? Est-ce que tu peux nous donner des éléments sur la configuration dans laquelle tu t’inscrivais en 2008, et ce qui a changé en 2012, puis en 2016 ?

Marie-Amélie LE FUR Alors, ce qui va être difficile… (sourire) en réalité, moi je suis l’antithèse de ce qu’on défend ! Ou en tout cas, de ce que démontre le mouvement parasportif. Parce que, premièrement, moi j’ai eu un retour à la pratique sportive très rapide[2]. Parce qu’en fait, tous les freins qui sont inhérents à l’accès à la pratique sportive, c’est-à-dire l’autocensure, la censure de ton écosystème de proximité et la difficulté à accéder au matériel ; tout ça, pour moi, ça s’est levé en quelques semaines ! Parce que des bonnes rencontres, parce qu’un passé sportif, parce que des parents qui… finalement étaient à peu près aussi fous que moi, et ont cru dans ce projet-là ! Donc, en fait, j’ai un parcours qui défraie un peu la chronique, et ça m’a permis de reprendre assez rapidement la pratique sportive. Après, la difficulté que j’ai eue, et qui est toujours une difficulté actuelle, c’est celle de trouver un club de proximité. Et ça, c’est vraiment quelque chose où… pendant des semaines, pour ne pas dire pendant des mois, on a essayé de trouver un club sur le territoire pour pouvoir pratiquer entre pairs qui étaient capables de m’accepter dans ma singularité, et ça a pris beaucoup de temps. On a été obligé de s’expatrier un petit peu. Alors pas très loin, parce qu’on est allé sur Tours[3], mais… Mais ça, ça a été un peu la bataille ! Mais encore une fois, comme j’avais un écosystème familial qui était proche et qui y croyait, on a réussi et avancer. Et derrière, c’est aussi la possibilité d’avoir quelques entreprises qui te font confiance. Moi, tu vois, très rapidement je suis tombé dans les partenariats… J’ai été mis en lien avec les partenaires historiques du mouvement handisport, que ce soit EDF en 2011… Un de mes premiers partenaires, ça a été la Fondation FDJ ; parce que voilà, il ciblait les femmes et les personnes en situation de handicap. En fait, j’ai bénéficié un peu de la première aura des parasports.

Sylvain FEREZ Dès 2008 ça, du coup ?

Marie-Amélie LE FUR Oui, je pense que ça doit être… dès la saison 2008, où j’ai mon premier contrat avec la Fondation FDJ. Et puis après, c’est le jeu de rencontre, c’est-à-dire que tu rencontres une personne sur ton territoire qui est touché par ton histoire et qui va utiliser son réseau pour te faire confiance. Là où vraiment mon destin il a pris une dimension nationale, c’est sur les Jeux de Londres, où en fait… je ressors des Jeux, je suis championne paralympique dans un sport qui est porteur, et avec un handicap qui est porteur aussi. Enfin je cochais les différentes cases ! Et c’est là où mon parcours de vie, il défraie la chronique. C’est-à-dire que généralement quand tu es une femme, quand tu as un handicap qui est plus complexe que le mien – soit moins visible, soit plus sévère – et que tu n’es pas dans un sport comme l’athlétisme, ben, tu as beaucoup plus de mal à faire ta place. Parce que médiatiquement, tu existes moins. Voilà, donc on a encore cette difficulté qui est inhérente à… Là on le voit, sur les Jeux de Paris 2024, il existe une volonté de sponsors intermédiaires et de « top » sponsors d’aller chercher des profils un petit peu nouveaux, un peu renouvelés, qui permettent vraiment d’accompagner tous les types de sportifs de haut niveau.

Sylvain FEREZ Et tu dis que Londres ça a été quand même un moment de bascule pour toi ? Tu l’associes à quoi… à la médiatisation ? Ça s’est matérialisé avant les Jeux, après les Jeux ?

Marie-Amélie LE FUR Non, pas avant les Jeux. En fait, avant les Jeux les médias français étaient totalement en train de passer à côté de l’événement. Enfin, je pense qu’avant Londres, j’ai dû faire trois papiers, en tout et pour tout ! Voilà, on avait eu sur le stage terminal quelques médias qui étaient venus, quelques papiers qui étaient répartis comme ça, sur l’équipe de France, mais c’était très léger. Et je pense que ce qui s’est passé outre-Manche, la ferveur qu’il y a eu pour les Jeux paralympiques, l’engouement, la campagne de communication ultra qualitative par les Anglais, ben, elle a commencé comme ça, un peu à infuser en France. Et les médias se sont dit : ah mais, finalement j’ai l’impression qu’il se passe quelque chose d’assez sympa et d’assez extraordinaire ! Et donc on va peut-être aller voir ce qui se passe ! Donc il y a eu un rattrapage durant les Jeux de Londres, et a posteriori des Jeux de Londres, qui nous a apporté cette première fenêtre médiatique. Et là je pense qu’il y a eu une prise de conscience des acteurs médiatiques, et notamment de France Télévision. Et c’est là où, en 2014, lors des Jeux d’hiver à Sotchi, il y a eu une volonté d’avoir une diffusion beaucoup plus importante d’un point de vue quantitatif et qualitatif de la part de France Télévision. Donc pour moi, c’est vraiment parti de ce moment-là, et de tout le travail qu’avaient fait les Anglais pour créer ce lien entre la population anglaise et les Jeux paralympiques, pour les reconnaitre comme une compétition planétaire à hauteur de ce qu’elle représente.

Sylvain FEREZ D’accord, tu as parlé aussi des conditions d’entraînement et des nouveaux types de ressources accumulées, comment toi, dans ta trajectoire… Tu as vu, j’imagine, des évolutions importantes entre 2008 et 2021 ? Comment tes staffs, les équipes qui te suivent, et puis plus globalement ton suivi ont-ils évolué ? Concrètement, quelles ont été les transformations, et comment ça a changé ton écosystème autour de la performance ?

Marie-Amélie LE FUR Alors moi je prépare mes premiers Jeux un peu… suite à une prise de confiance en 2006 aux Championnats du monde, je rentre triple médaillée d’argent, et on se dit que, finalement, les Jeux paralympiques sont possibles. Donc je m’engage dans cette préparation, en parallèle des études. À l’époque, je m’entraîne six fois par semaine, et on part du principe que pour être une bonne athlète, il faut s’entraîner comme une athlète classique. Donc, on ne prend pas forcément en compte, à ce moment-là, la spécificité. Et moi à ce moment-là, je ne prends pas en compte ce qui est véritablement l’exigence du haut niveau paralympique – sur la qualité de vie, sur le sommeil, sur l’alimentation. Donc, les premiers Jeux, en 2008, vont être pour moi un peu la douche froide ! Parce que certes, je rentre médaillée, mais je me rends compte que je n’ai pas mis tout en place pour être une véritable athlète de haut niveau et aller cherche l’or. Donc là, il y a déjà un premier cut qui se passe suite au Jeux de 2008, avec cette volonté de préparer 2012 comme une vraie athlète de haut niveau. Donc on va renforcer les entrainements, on va passer sur rythme de 10 à 12 entrainements par semaine, avec un suivi nutritionnel beaucoup plus important, avec une qualité de vie qui tourne autour du sport de haut niveau ; et donc le fait de mettre en place les sacrifices nécessaires. Donc ça, c’est le premier cut, mais je n’ai pas de changement significatif en fait dans les personnes qui m’accompagnent. Je continue avec mon coach « historique ». Comme je pars à ce moment-là sur Montpellier, je rejoins le pôle Décathlon et je m’entraîne avec Bertrand Valcin, mais il n’y a pas de prise en compte particulière encore à ce moment-là de ma singularité, de mon matériel et de mon handicap. Ça, ça va venir en fait sur le troisième temps, après les Jeux de Londres, où on va plutôt se diriger sur la longueur, et où Cyril – qui est mon coach « historique » – commence à me dire : « Bon, ben là, ton facteur limitant ce n’est plus ton corps, ça devient la prothèse ; la façon dont tu l’utilises, la qualité de cette prothèse-là… ». Donc on décide à ce moment-là de changer de matériel, de passer sur la nouvelle lame qui est développée par Ossur. Et pour moi ça va nécessiter que je me redéveloppe totalement physiquement, que je réapprenne à gérer ce matériel, parce qu’il ne restitue pas la même énergie.

Et donc là, voilà, on va prendre en compte le fait que, finalement, il y a quand même un accent handicap et technologie dans ma pratique sportive, et que si on ne l’explore pas, on se coupe de certains leviers d’amélioration de la performance. Donc, on va travailler beaucoup plus conjointement avec Ossur[4], avec Protéor[5], et avec les ingénieurs, les experts, pour faire en sorte d’être le mieux appareillé possible en termes de choix de lame, en termes de réglage de lame, en termes d’emboiture et des choses comme ça. Donc, la science va commencer à rentrer un petit peu par cette porte suite aux Jeux de Londres. Et puis après moi je vais étoffer mon staff. Je vais faire rentrer un coach de longueur, je vais faire rentrer un préparateur physique, je vais faire rentrer un réparateur mental, pour vraiment avoir une cellule d’accompagnement à 360[6]. Une sécurisation aussi par les partenaires du niveau de vie, du parcours de vie, du financement de ce parcours de haut niveau. Voilà, avec le choix de changer un petit peu de discipline pour… ben, pour assurer la capacité à gagner des médailles. Et après, il va y avoir la dernière paralympiade où là, bon, on n’avait plus beaucoup de levier à activer, hein, parce qu’on était sur une charge maximale, parce que la qualité de vie elle ne tournait qu’autour du sport. Et donc là, je fais rentrer encore un petit peu plus la science, où vraiment… c’est un test à Poitiers qui va permettre de choisir exactement la lame qu’on va utiliser lors des Jeux de Tokyo. Et puis, on va vraiment affiner l’entrainement, faire beaucoup plus de musculation, et adapter aussi l’entrainement au fait que mon corps a vieilli, est beaucoup plus fatigable, qu’entre-temps je suis devenue maman. Donc, il y a vraiment eu des changements, des ajustements, avec des temps de pause qui étaient quand même plus réguliers que quand j’avais 25-30 ans et que je préparais les Jeux. Voilà un petit peu les variations que j’ai pu connaitre.

Sylvain FEREZ Merci, c’est intéressant, ça donne une bonne idée des évolutions du côté des athlètes. On peut peut-être basculer sur la question de ton engagement dirigeant, des transformations sans doute que tu as vécues… qui venaient de l’extérieur, mais que tu as aussi impulsées, en partie, en tant que dirigeante. Donc, peut-être redonner quelques balises concernant les changements auxquels tu as participé ou que tu as accompagnés à partir du moment où tu as pris tes fonctions au Comité paralympique et sportif français (CPSF), donc en…

Marie-Amélie LE FUR En 2018.

Sylvain FEREZ Quels ont été les dossiers que tu as portés, les transformations que cela a permis, et peut-être aussi les obstacles ou blocages que tu as rencontrés… lorsque ça n’allait pas aussi vite que tu l’aurais souhaité ?

Marie-Amélie LE FUR Alors déjà peut-être, effectivement, rappeler le cheminement qui m’a conduit à cette prise de fonction en 2018. Donc, il y a un déclic qui se passe après les Jeux de Londres en 2012 où… voilà, c’est l’euphorie, c’est génial ! Je sentais à la sortie des Jeux paralympiques une ferveur extraordinaire. Et puis, quelques mois derrière tu te dis : « Ben oui, c’est bien, t’es championne paralympique… et alors ?! ». Et alors ?! Et il y a vraiment un peu… comme si je devais endosser un nouveau rôle social et sociétal par ce titre paralympique, et faire en sorte que, au-delà de ma propre personne, de ma petite personne, ce titre, il puisse être utile à d’autres personnes. Donc c’est à ce moment-là où je vais prendre conscience que… eh ben, on m’a offert un encart médiatique, et que cet encart médiatique, il faut que je l’utilise pour, finalement, faire en sorte que ce qui a été mon parcours de vie, ça devienne quelque chose de systémique et de systématique pour toutes les personnes en situation de handicap. Donc, je vais commencer comme ça à m’investir dans les écoles, je vais commencer à travailler auprès de la fédération, je vais être repérée par certaines institutions ; puisqu’à ce moment-là, je vais rentrer au Centre national pour le développement du sport (CNDS)[7], parce qu’il y avait aussi, une volonté aussi de féminiser un peu ces instances-là. Donc, je vais prendre comme ça des mandats dans différentes institutions ou instances du système sportif français. Après il y a un moment marquant qui, je pense, va propulser ma mise en avant, c’est le fait qu’en 2015 je rejoins la candidature de Paris en tant que co-présidente du comité des athlètes. Donc là, voilà, on est co-présidents avec Teddy Riner ; il y a une volonté d’avoir un binôme homme-femme, olympique-paralympique. Et donc je rentre un peu plus dans le sérail de la création de projets, et notamment, la dimension d’héritage qu’on pourrait attendre de ces Jeux. Je participe aussi, sur demande du CPSF, au rapport Onesta[8], et donc à établir un constat de ce qui est actuellement la préparation des athlètes paralympiques. Et puis, un jour, alors que j’étais en préparation pour les Jeux de Tokyo, je suis contactée par Emmanuelle Assman, qui m’annonce donc son départ du Comité paralympique[9], et son souhait finalement que… après réflexion, je puisse prendre sa succession en présentant ma candidature. Alors moi, bon, c’est une chose à laquelle je réfléchis. J’étais impliquée dans un mandat local qui me convenait bien, et j’ai plutôt tendance à refuser au départ parce que je… enfin, pour moi, ça parait un peu trop grand ! Ce n’est pas la dimension que j’avais imaginée à ce moment-là. Et puis au bout de quelques mois de réflexion, je vais m’engager. Et derrière, ça a été une aventure extraordinaire ! Moi j’arrive finalement avec cette envie, qui est finalement de… de faire en sorte que cet accès à la pratique sportive de toutes les personnes en situation de handicap, et notamment des jeunes, elle soit beaucoup plus facile et facilitée. Et c’est vraiment l’axe du développement de la pratique qui compte pour moi, plus que la sécurisation du haut niveau. Alors même que je suis une athlète de haut niveau, c’est vrai que je suis vraiment avec cette volonté de généraliser l’accès à la pratique sportive. Et derrière, ça va permettre de lancer beaucoup de projets, parce qu’on est dans une temporalité extraordinaire. C’est-à-dire que le fait d’avoir les Jeux à la maison nous a ouvert la capacité d’échanger, de dialoguer avec des acteurs auxquels on n’avait pas accès avant. On a beaucoup plus dialogué avec les collectivités territoriales, ce qui fait qu’on a pu faire bouger les mentalités sur les politiques publiques du sport et du handicap, et les faire un peu mieux fonctionner entre elles. On a pu travailler avec les acteurs de la santé, et notamment les Agences régionales de santé (ARS), qui maintenant financent énormément de nos projets qui visent à mettre en relation les établissements spécialisés et les clubs de proximité[10]. On s’est aussi rendu compte, en discutant avec les fédérations – dont le nombre s’est aussi étoffé au sein du comité paralympique[11] – qu’un des premiers freins c’était la crainte, la peur, de ne pas connaitre le public, et donc de ne pas être en capacité de l’accueillir. Donc, c’est pour ça qu’on a lancé le programme « clubs inclusifs », avec la volonté de former trois mille nouveaux clubs d’ici la fin de 2024. Voilà, donc on essaie vraiment, avec les différents acteurs en responsabilité, de développer des projets, de développer des programmes. Et surtout, une des choses qui a beaucoup évolué – et ça c’est quelque chose que moi, je souhaite voir perdurer après Paris 2024 –, c’est cette capacité à travailler ensemble ; et à générer en fait, sur les territoires, des réseaux en faveur du parasport. Nous, au CPSF, c’est vraiment le rôle de nos référents paralympiques qui sont arrivés entre 2019 et 2021 sur toutes les régions métropolitaines, c’est vraiment de créer ces réseaux de parasport dans les territoires. Et ça c’est une des grandes nouveautés. Parce qu’en fait il y avait beaucoup de gens qui faisaient des choses, mais chacun le faisait dans son périmètre. Et là, grâce aux Jeux finalement, on a appris aux gens à travailler ensemble, en cohérence et de manière pertinente pour la personne en situation de handicap. Donc, on est loin d’être dans une situation idéale, parce qu’en fait si tu conçois l’accès à la pratique sportive comme un continuum qui va de la prise de conscience à la pratique effective, eh ben, il y a encore beaucoup de freins : sur la mobilité, sur l’accompagnement humain, sur la formation des éducateurs. Mais, petit à petit, on a des programmes qui se mettent en place et qui permettent de résoudre ces freins. Maintenant, il faut vraiment que les acteurs des territoires s’en emparent, les comprennent et les déploient dans leurs actions.

Sylvain FEREZ Quels sont pour toi les changements marquants dans cette période, en tant que dirigeante… y compris en lien avec les Jeux paralympiques, entre Rio et Tokyo ? Et puis peut-être, toi, porteuse de Paris 2024, est-ce qu’il y a un saut qualitatif lié à Paris 2024 ? Et s’il fallait le qualifier, il serait situé à quel niveau par rapport aux paralympiades précédentes ?

Marie-Amélie LE FUR Alors il y a peut-être trois caps qui ont été franchis. D’abord, celui de la médiatisation. Je pense qu’on n’a jamais eu autant de médiatisation du sport, mais aussi du parasport et des athlètes paralympiques, qui commencent à vraiment exister et à peser dans le secteur audiovisuel. Le fait d’avoir créé l’équipe de France unie, ben, c’est aussi un symbole très fort. Et au-delà d’un symbole, c’est quelque chose qui est incarné, qui est porté par les athlètes, qui est vécu par les athlètes. Et on donne vraiment les mêmes formes de valorisation, que tu sois un sportif d’été ou d’hiver, olympique ou paralympique. Et ça, c’est un symbole qui est très fort, qui a vraiment permis à nos athlètes de passer dans une sphère nouvelle ; et qui leur permet aussi, à l’échelle individuelle, d’aller chercher beaucoup plus de partenaires privés, et donc de sécuriser ce qui est leur parcours de vie de sportifs de haut niveau en situation de handicap. Donc ça, c’est un des premiers caps qui est franchi. Il y a encore du travail à faire, hein, pour vraiment faire en sorte que les médias s’approprient la bonne sémantique, choisissent la bonne ligne éditoriale, qu’on soit sur la performance et pas sur le pathos. Donc ça, c’est tout un travail qui est encore à mener d’ici les Jeux de Paris 2024, mais il y a une très belle progression dans la volonté en tout cas de promotion. Le deuxième cap qu’on est en train de franchir, c’est celui de la performance. À un moment donné, les moyens ils ont été augmentés de 200%, on a pris conscience que la science elle avait une importance et qu’il fallait la mettre à profit pour la performance paralympique, et tout ça est en train de porter ses fruits. Voilà, parce qu’on avait un retard considérable en France. On ne l’a pas totalement rattrapé, mais en tout cas, les nouveaux moyens qui ont été mis à disposition des fédérations, des athlètes, de l’écosystème de proximité, portent leurs fruits. Ce qui devrait nous permettre – alors pas sur 2024, mais certainement sur une échéance 2028 – de pouvoir tendre vers le top cinq des nations paralympiques, là où on était quatorzième à Tokyo. Voilà, donc ça, c’est le deuxième point. Et le troisième, c’est… c’est d’être arrivé finalement à rappeler l’importance du sport dans le parcours de vie des personnes en situation de handicap, et de faire comprendre que c’était une responsabilité partagée ; donc que, bien évidemment, il y avait une responsabilité de la part du mouvement sportif. Et moi, je l’ai vu, sur maintenant un peu plus de cinq ans de mandat, il y a une vraie prise de conscience de nos fédérations. Et au-delà de la prise de conscience, il y a une véritable volonté d’agir, d’être accompagné, de créer un réseau, d’ouvrir leurs publics… Parce qu’ils ont senti l’intérêt, en fait, humain et social pour leur club et pour leur fédération. Mais il y a aussi énormément d’autres acteurs, hein, comme par exemple les collectivités territoriales, qui ont pris conscience de ça. Le secteur de la santé aussi qui commence à s’y intéresser. Voilà, on a vraiment des acteurs qui sont en train de bouger, qui créent des projets pour durablement changer les choses. Et au plus haut niveau de l’État, je trouve que le défi il a été relevé. Alors peut-être pas suffisamment sur certains sujets ! Mais en tout cas, sur la pratique sportive, on est en train de passer un véritable cap. Là où j’ai un petit regret, c’est… c’est finalement sur ce qu’on pouvait attendre des Jeux paralympiques en termes de puissance sur le changement sociétal, sur l’accessibilité, sur la place des personnes en situation de handicap en France. Je trouve que là, voilà, notre… on avait des ambitions, on avait une volonté, et c’est peut-être là qu’on a le moins cheminé par rapport au début de la phase de candidature.

Sylvain FEREZ Tu penses que les objectifs étaient du coup ambitieux, et que ça sera peut-être un peu en deçà de ce que vous aviez prévu initialement, c’est ça ?

Marie-Amélie LE FUR Oui, je pense que vraiment les Jeux paralympiques avaient la capacité de faire changer plus les choses, de contraindre positivement – on va le dire comme ça ! – les acteurs. Notamment sur la mise en accessibilité de l’espace public, des transports… Enfin avoir une véritable prise de conscience que, à un moment donné, l’inclusion, elle ne se décrète pas, elle doit se vivre par… par et pour tout le monde, et que c’est chacun dans nos propres comportements qu’on doit arriver à agir. Je trouve que c’est ça le message aussi qui est porté par les Jeux paralympiques. Et ça, on ne l’a pas suffisamment incarné par des actions concrètes qui ont permis de modifier pleinement notre société. Alors on ne peut pas dire que rien n’a été fait, mais je pense qu’on aurait pu faire un petit peu plus.

Sylvain FEREZ Est-ce que tu as identifié des freins particuliers à ça, des obstacles qui expliquent cette difficulté ?

Marie-Amélie LE FUR Ben, parce que… on te ramène toujours aux freins financiers, de te dire que ça coûte cher, que c’est compliqué. Et en fait, tant qu’on se cachera derrière ces arguments-là, c’est-à-dire que l’accessibilité ne sera pas vécue au coeur des préoccupations de chacun, on n’y arrivera pas ! Parce qu’on trouvera toujours des obstacles, parce que c’est toujours compliqué de faire différemment. Donc le parti-pris qu’on a adopté, et c’est peut-être pour ça que j’ai l’impression que finalement, ça n’a pas suffisamment bougé, c’est de capitaliser sur la génération future. Et donc d’être sur des actions éducatives, pédagogiques, pour parler du handicap dès le plus jeune âge, pour finalement que ça soit compris et qu’à l’âge adulte ce soit un réflexe. Voilà, mais cette génération elle deviendra adulte d’ici dix ou douze ans, donc… on n’a pas encore effectivement totalement les effets de ce qu’a été la campagne éducative portée par les Jeux paralympiques, et par des actions comme la semaine olympique et paralympique, comme la billetterie qui va amener énormément de scolaires sur les Jeux paralympiques. Tout ça, on en mesurera l’effet dans plus de dix ans.

Sylvain FEREZ Dans un dernier temps, je voudrais qu’on aborde des questions liées à la recherche, et que tu me donnes ton avis sur ce qui a été fait en matière de recherche. Et puis quels sont, à ton avis, les enjeux un peu prospectifs, d’innovation, pour lesquels la recherche serait utile, en étant attentif à distinguer ce que pourrait apporter plus spécifiquement la recherche en sciences humaines et sociales dans le domaine du parasport ?

Marie-Amélie LE FUR Alors sur la recherche on a vraiment franchi un cap grâce aux Jeux de Paris 2024. C’était quelque chose qui était totalement, je trouve, délaissé, hein, la recherche dans le parasport n’existait pas. Et là, finalement, notamment au travers des crédits de recherche de 20 millions d’euros, donc deux millions ont été dédiés au projet PARAPERF ; ça a permis d’avoir des premiers investissements conséquents, mais qui dans un premier temps sont quand même assez circonscrits à la question du haut niveau[12]. C’est-à-dire qu’on investit dans la recherche pour faire en sorte que nos sportifs paralympiques, ils soient plus performants, ils aient du meilleur matériel, ils… Voilà, maintenant, je pense que l’enjeu qui est devant nous c’est de continuer cet investissement sur la recherche avec peut-être, pour moi, plusieurs axes. Le premier déjà, c’est celui de… comment on fait en sorte que cette recherche, elle nous aide dans nos façons d’enseigner, d’accompagner, de prodiguer le sport, et à mieux protéger l’intégrité de la personne en situation de handicap. Je pense que ça, c’est un des enjeux, d’avoir une bonne modélisation du geste, de pouvoir vraiment faire en sorte que dans nos actions… que ce soit sur du champ compétitif ou parasportif, d’avoir une vraie préservation de l’intégrité de la personne, eu égard à son handicap et à la pratique sportive qu’on lui propose. Deuxième levier, c’est celui de la question du genre, et de permettre à la recherche de s’orienter sur… ben, pourquoi on a aussi peu de pratique parasportive féminine. Comment on l’explique ? Parce que nous après, en tant qu’institution, ça nous permet aussi d’avoir les bons leviers d’action, et de se dire… voilà, on n’agit pas comme ça à vue, en se disant ça doit être tel ou tel point. Non, le fait de caractériser la situation grâce à de la recherche, nous permet derrière d’identifier quels sont les véritables leviers d’action sur… notamment sur la pratique parasportive féminine.

Sylvain FEREZ Où est-ce qu’on en est sur ce point, en termes de ratio hommes/femmes, que ce soit à l’échelle du parasport français ou au niveau des Jeux paralympiques ? Quels sont les équilibres ? Quelles sont les données ?

Marie-Amélie LE FUR Alors je n’ai les données qu’à l’échelle des Jeux paralympiques – on a très peu de données sur le parasport. Mais, sur les Jeux paralympiques, la délégation française sur les Jeux d’été, c’est un quart, c’est-à-dire qu’on a entre 22% et 25% de femmes. Si tu veux être une nation qui réussit les Jeux paralympiques, c’est du 50-50. En fait, quand on regarde un petit peu les nations qui sont devant nous, les nations qui sont devant la France en termes de médailles, elles ont réussi ce 50-50. Voilà, là où nous on est sur du 25-75. Donc, c’est une vraie marge de progrès.

Et en se disant aussi que, à un moment donné, si l’équipe de France est composée de 50-50, ça veut dire aussi que tu as travaillé sur la base, et donc que tu as favorisé l’accès aux sports pour TOUTES (quelle que soit la motivation pour la pratique, qu’elle soit compétitive – haut niveau – ou bien simplement de loisir et de plaisir au quotidien). Donc ça, pour moi c’est un axe de travail majeur, parce qu’on a des idées… c’est assez empirique, il y a eu des recherches faites un peu à l’international, mais on a besoin de travailler un peu sur ce modèle français. Il y a aussi un enjeu de la recherche, mais qui dépasse peut-être le handicap, mais qui est celui des violences sexuelles et sexistes, parce qu’on sait que ça peut être véritablement un frein, notamment au regard de la prévalence qu’on observe chez les personnes en situation de handicap d’être potentiellement victimes de ces violences. Donc ça, c’est des axes de recherche qui sont absolument majeurs. Après, un autre axe que j’ai trouvé très fertile grâce aux Jeux de Paris 2024, c’est finalement toutes les innovations que ça a permis de développer pour le quotidien de la personne en situation de handicap. Il y a eu énormément d’incubateurs, de start-ups, de recherches… d’innovations technologiques en fait, que moi je relie un petit peu à la recherche, même si ça n’est pas tout à fait… Mais voilà, c’est toutes ces innovations qui ont été nourries par l’effet des Jeux. Parce qu’on a eu des incubateurs en Ile-de-France qui ont travaillé sur le handicap et sur le sport, et ça a fait naitre des solutions qui sont finalement des solutions universelles pour toutes les personnes en situation de handicap, dans leurs pratiques sportives mais aussi dans leur quotidien.

Sylvain FEREZ Tu as quelques exemples de solutions ? J’imagine que c’est des applications ou des choses de ce genre-là ?

Marie-Amélie LE FUR Oui, il y a des applications ; des applications autour de la mobilité, du covoiturage. Il y a aussi une montée en gamme autour du tourisme-handicap, et là je sais qu’il y a des choses qui ont été incubées dans le cadre des Jeux dans ces secteurs-là. Il y a eu énormément d’innovations autour de la façon dont on peut vivre un spectacle sportif quand on est en situation de handicap, parce que ça c’était un axe fort de Paris 2024.

Sylvain FEREZ Donc l’accessibilité médiatique, et des choses liées au fait… quand on est sourd ou malvoyant, avoir du sous-titrage et de l’audiodescription ?

Marie-Amélie LE FUR Exactement, oui. Et puis après il y a des choses de la vie quotidienne. Mais en fait, comme il y a eu vraiment des incubateurs qui ont été liés au handicap parce que… territoire-hôte, et donc une volonté de travailler pour les Jeux paralympiques et donc pour le handicap, ben, derrière, c’est des innovations pour prendre la douche, pour… voilà, qui vont vraiment servir le quotidien. Mais sans les Jeux de Paris, tu n’aurais pas eu cet incubateur. En tout cas, il n’aurait pas été coloré de cette façon-là dans le champ du handicap.

Sylvain FEREZ Oui, il y a un effet de synergie et de… et d’encouragement, d’accord.

Marie-Amélie LE FUR Oui.

Sylvain FEREZ Euh... Tu avais fini sur les axes de recherche qui te semblaient importants ?

Marie-Amélie LE FUR Oui, j’avais fait le tour. J’avais noté trois choses, c’était ça.

Sylvain FEREZ La question des violences sexuelles et sexistes rejoint d’ailleurs le premier point sur l’intégrité, même si ça n’est pas l’intégrité dans les gestes et dans la pratique, mais, en tout cas, de protéger les pratiquants et de considérer leurs capacités et aussi leurs vulnérabilités…

Marie-Amélie LE FUR Oui, pour le CPSF c’est absolument essentiel. Mais voilà, quand je dis intégrité… J’aime bien spécifier aussi le champ des violences, parce que c’est tellement un champ spécifique et important que… Voilà, on peut le mettre dans un chapeau global de l’intégrité, mais je le différencie toujours parce que c’est un sujet que je souhaite véritablement pointer. Bon, on est très attaché à ce sujet-là, c’est un axe de recherche absolument majeur. Parce que, on peut dire ce qu’on veut, mais notre milieu n’est pas épargné. Quand tu regardes les statistiques, c’est impossible de penser qu’actuellement les signalements qu’on reçoit correspondent à la réalité de la situation. Il y a une telle prévalence chez les personnes en situation de handicap que… Donc, il faut qu’on continue à libérer la parole, à comprendre comment on peut agir, à faire de la prévention, à aider et à outiller tous les acteurs de l’écosystème pour bien identifier ce que sont des situations qui ne peuvent pas être mises en lumière par la personne en situation de handicap elle-même.

Sylvain FEREZ Peut-être pour approfondir un point, concernant la question – dont on n’a encore pas beaucoup parlé – de l’intégration des fédérations sportives dans le mouvement paralympique, c’est-à-dire d’un système qui a quand même évolué de la pratique dans les fédérations spécialisées vers la pratique dans une logique d’inclusion dans les fédérations dites « classiques » des athlètes paralympiques, est-ce que là aussi il y a… ? Comment cette transition se gère ? Les compétences à construire pour préserver l’intégrité des parasportifs, est-ce qu’elles ne sont pas aussi liées à cette transition ? Et quels sont les problèmes organisationnels qui se posent, et est-ce que la recherche ne peut pas faciliter cette intégration organisationnelle du parasport dans les clubs para-accueillant et dans l’univers sportif « classique » ? Et puis comment tu vois, du coup, l’évolution de l’équilibre entre fédérations spécialisées et inclusion dans celles qui ne le sont pas ? Parce qu’on est un peu en phase de transition sur ces questions, mais j’imagine que ça pose des enjeux prospectifs sur lesquels la recherche peut peut-être avoir une utilité, à la fois pour faciliter ce mouvement, comprendre quel est le bon dosage et saisir ce qu’il implique en termes de transformation des organisations, des formations, etc. Est-ce que tu vois un intérêt particulier de la recherche pour ça ?

Marie-Amélie LE FUR On pourrait avoir un intérêt de la recherche pour essayer de définir finalement quel est le bon modèle. Parce que, c’est ce qui est compliqué… Est-ce que, finalement, le modèle du tout inclusion est-ce que c’est véritablement le bon modèle ? Est-ce que – et moi ça a été mon cas – le fait de pouvoir pratiquer entre pairs peut être aussi un sas de protection qui répond, à un moment donné, aux besoins de la personne en situation de handicap. Nous, au CPSF, on est toujours en train de réfléchir à ce qui est le bon modèle. On a beaucoup travaillé, hein, après ce choc de 2017 – où il y avait eu cette grosse campagne de délégations qui avait été très traumatisante, notamment pour la Fédération Française Handisport –, à faire en sorte que quand une délégation finalement, elle est attribuée à une nouvelle fédération, en tout cas, lorsqu’elle est transférée de la FFH à une fédération homologue olympique, que ce soit sur des critères palpables, cohérents, liés à une stratégie ; et une stratégie qui doit être celle de l’accompagnement du sportif de haut niveau, des moyens qui sont investis, mais aussi la stratégie de développement qui sera portée par la fédération et déclinée dans les territoires. Donc, on a essayé finalement d’assainir un petit peu ce modèle, et de se dire, ok, il faut qu’il y ait une concurrence entre les fédérations, mais posons les critères qui doivent permettre de savoir à quelle fédération on attribue la délégation, et ces critères ils doivent être objectifs, objectivables, et compris par les fédérations. Après, ce qu’il faut comprendre, c’est que ce que nous on est en train de vivre à l’échelle française, c’est quelque chose qui se vit à l’échelle internationale. Il y a beaucoup, beaucoup de discussions - et la dernière assemblée générale du Comité paralympique européen en était, je trouve, le meilleur exemple - c’est qu’on a passé la moitié du temps à comparer nos modèles et à se demander où est-ce qu’on en était finalement du lien avec le champ olympique. Alors, on se rend compte que dans beaucoup de pays, il y a encore UNE fédération spécifique qui gère beaucoup de sports, mais qu’il y a quand même des fédérations homologues… notamment sur des nouveaux sports – qui ne sont pas des sports historiques du concept des Jeux paralympiques – qui sont portés par des fédérations olympiques. Voilà, mais on a une diversité des modèles, une diversité de maturité, d’avancement. Mais je pense qu’à terme, pour des enjeux de cohérence territoriale, on a quand même besoin du maillage des clubs des fédérations olympiques pour offrir cette densité et cette proximité de pratique. Ça, c’est un des enjeux, et ça fait le lien pour nous avec « Club inclusif »[13]. Le but, c’est vraiment de former les clubs des fédérations homologues, parce que c’est elles qui ont cette densité et ce maillage dans les territoires. Un des enjeux, c’est d’arriver à travailler ce modèle-là, à l’accompagner, et à faire en sorte que la transition, elle soit la meilleure pour le pratiquant, avec des critères qui sont objectivés. Ce qu’on a fait aussi, lié au fait d’obtenir la délégation, ce qui est un peu une entorse au Code du sport… C’est-à-dire que la délégation, normalement, elle n’a trait qu’au champ du haut niveau : équipes de France, règlements, classifications. Et nous au CPSF, on a dit, oui, mais à un moment donné la fédération elle ne peut pas récupérer que ce qui brille, il faut aussi que le fait de récupérer la délégation sur le champ du parasport, ça embarque le développement de la pratique du sport pour tous. Donc ça, on l’a ajouté en fait dans les critères de la délégation parasportive, c’était qu’il fallait qu’il y ait une stratégie de développement, et ça venait un peu défrayer la chronique sur… finalement, ce qu’était le fait d’être délégataire d’un sport paralympique. Et après, peut-être aussi par rapport au modèle international, c’est que nous on répond aussi à une évolution qui est celle des fédérations internationales, où pendant très longtemps on avait l’International Paralympic Committee (IPC) qui était comité paralympique, mais aussi, fédération pour différent sports, et que là petit à petit on se rend compte que les fédérations internationales olympiques se dotent de la double compétence. Donc derrière, à un moment donné, si toi ton modèle fédéral national ne répond pas au code de l’international, tu as un choc des interlocuteurs – et tu crées un modèle qui est un peu complexe. Donc, on suit aussi une dynamique qui est celle portée par l’international dans le choix des fédérations délégataires. Mais ce qui est très important, c’est de faire en sorte que, dans le modèle qu’on pense demain, personne ne reste sur la touche, aucun sport et aucune sévérité de handicap. Ça, c’est vraiment aussi un des enjeux, c’est de faire en sorte que quand tu emportes cette délégation des para-sports, tu ne peux pas embarquer que le handicap facile : il faut vraiment embarquer toutes les typologies de handicap, même celles qui nécessitent le plus d’adaptations. Après, charge à nous d’outiller, d’accompagner les fédérations dans la prise en compte de ces singularités plus forte de certains types de handicap. Et là on a encore du chemin à parcourir !

Sylvain FEREZ Super, ça va beaucoup intéresser les lecteurs de la revue Aequitas.

Marie-Amélie LE FUR Il y a plusieurs vertus pour moi à l’inclusion. J’ai cité tout à l’heure la question du maillage et de la densité territoriale. Il faut vraiment agir sur le fait que, actuellement, les personnes qui sont en situation de handicap, elles font trop de kilomètres pour aller chercher un club : cinquante kilomètres en moyenne ! Mais, il y a aussi l’enjeu de faire du sport un véritable levier de l’inclusion sociale. Parce qu’à un moment donné, quand tu fais du sport avec une personne en situation de handicap, ben, tu la vois autrement, tu vis un moment différent avec elle. Et ça, c’est un enjeu vraiment de changement des mentalités ; voilà, et que tu ne trouveras pas si on est sur deux modèles séparés, où chacun pratique son sport de son côté.

Sylvain FEREZ Super, merci beaucoup.