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Introduction

Le Québec a au fil du temps acquis la place de terre d’immigration (Lafortune et Balde, 2012; Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI, 2015). Or être une société d’accueil signifie avoir la responsabilité d’intégrer les immigrants. Cette responsabilité s’accompagne de défis majeurs, notamment pour les institutions scolaires (Balde et Mc Andrew, 2016). Bien que plus ancien et commun à Montréal que dans les régions (Ministère de l’Immigration et des communautés culturelles (MICC, 2011), le phénomène d’immigration pose les mêmes défis, certes à des degrés différents, et en termes d’adaptation institutionnelle, pour mieux accueillir, soutenir et intégrer les nouveaux élèves dans le milieu scolaire. Or le succès même du projet migratoire repose souvent, à plus long terme, sur la qualité de la relation que les enfants sont capables d’établir avec le système scolaire et, plus que tout, sur les bénéfices qu’ils en retirent (Crahay, 2000; McEwen, 1995; Organisation de coopération et de développement économique [OCDE], 2003), puisque l’une des principales raisons évoquées par les parents qui émigrent avec leurs familles est d’offrir à leurs enfants la possibilité d’une meilleure éducation (Suárez-Orozco et Suárez-Orozco, 2001). C’est ainsi que de nombreuses initiatives ont été prises au cours des dernières années afin de favoriser l’inclusion scolaire et l’intégration sociale de tous les élèves, en particulier de ceux dont la situation est plus préoccupante.

Ultimement, cette tâche revient aux acteurs du milieu scolaire, notamment aux enseignants. Or enseigner représente un défi important dans une société où la diversité ethnique et socioculturelle est présente (MIDI, 2015). Si l’on convient qu’il est important de se poser la question de la place accordée à l’éducation interculturelle au sein des programmes de formation à l’enseignement, il est tout aussi important de se demander si les activités pédagogiques proposées lors de la formation permettent aux futurs enseignants d’atténuer les biais ethnocentriques, de réduire les préjugés et de débusquer la discrimination dans leur classe. Car ces éléments comptent quand arrive le temps de « gérer » efficacement leurs classes en lien avec des différents aspects de l’expérience vécue dans la salle de classe. Ce constat, qui concerne l’ensemble des étudiants en éducation, pourrait avoir encore plus d’échos auprès des étudiants futurs enseignants de français langue seconde (FLS) et d’anglais langue seconde (ALS), parce qu’ils s’attendent à devoir gérer des classes accueillant toujours plus de diversité.

Cet article vise à rendre compte de l’effet structurant pour les étudiants en formation à l’enseignement de recevoir à des trimestres différents de la même année universitaire deux cours conçus dans une approche programme et dispensés par le même enseignant. Pour l’enseignant, retrouver les étudiants ayant suivi le cours précédent contribue à assurer une plus grande cohérence entre les thématiques abordées et l’harmonisation des contenus des deux cours ainsi que des stratégies pédagogiques.

Gestion de la classe et Éducation et pluriethnicité au Québec : deux cours, une perspective pédagogique 

Pour rendre compte de cet effet structurant, cet article présente un cours en gestion de classe et un cours sur l’éducation à la pluriethnicité au Québec. Le premier, mettant l’accent sur les aspects théoriques et pratiques de l’organisation de la classe en milieux pluriethniques, vise à développer la sensibilité des étudiants par la proposition de modèles opératoires personnalisés s’inspirant de courants de pensée assez proches de la réalité pour qu’ils soient en mesure d’instaurer, de maintenir et de rétablir efficacement un climat de classe propice à l’apprentissage. Le second cours, abordant les enjeux et l’impact de la diversité ethnoculturelle en éducation aux mêmes étudiants futurs enseignants de FLS et de ALS, vise à les sensibiliser à la réalité d’une société pluriethnique et à les préparer à mieux répondre aux attentes et aux besoins des élèves de groupes ethniques différents.

C’est dans ce contexte qu’ont été planifiés le Bilan des apprentissages et le Rapport de jumelage interculturel. En lien avec le cours de Gestion de la classe, le Bilan des apprentissages a permis aux étudiants : 1) d’identifier, de décrire et d’analyser trois stratégies de gestion de classe et 2) de les inscrire dans les apprentissages réalisés en classe et de les contextualiser à partir de cas vécus dans le stage précédent.

Pour le cours en pluriethnicité, les étudiants futurs enseignants ont réalisé un jumelage interculturel, qui est une activité de rencontre et d’échange entre de futurs enseignants francophones admis au baccalauréat en enseignement et des immigrants qui apprennent le français à l’École de langues. Pour les étudiants francophones, le jumelage permet de travailler avec des personnes aux origines variées, de se préparer à enseigner à des enfants d’immigrants nés ici ou ailleurs ainsi que de parler de l’histoire, de la langue et de la culture du Québec. Pour les non-francophones, le jumelage permet de pratiquer le français afin d’apprendre à découvrir la société d’accueil et à partager la culture et les valeurs de leur pays d’origine (Carignan, Deraîche et Guillot, 2015).

Cette expérience de jumelage a fait l’objet d’un rapport écrit présentant le jumeau ou la jumelle, décrivant le déroulement des activités ainsi que les apprentissages réalisés dans le cours en Éducation et pluriethnicité au Québec.

Ancrage théorique

Situé à l’intersection entre la gestion de classe et l’éducation interculturelle, notre cadre théorique provient de deux champs disciplinaires : la pédagogie et la psychologie sociale.

L’approche de la pédagogie différenciée

Burns (1972) et Astolfi (1995) ont mis en évidence la nécessité de s’intéresser à la diversité des profils des apprenants et à la complexité des tâches de l’enseignant pour satisfaire les attentes de tous les élèves. L’approche de Burns (1972) consiste à définir sept types de situations d’apprentissage qui mettent en relief les difficultés auxquelles sont confrontés apprenants et enseignants. Pour lui, il n’y a pas deux apprenants qui : 1) progressent à la même vitesse, 2) soient prêts à apprendre en même temps, 3) utilisent les mêmes techniques d’étude, 4) résolvent les problèmes exactement de la même manière, 5) possèdent le même répertoire de comportements, 6) possèdent le même profil d’intérêt et 7) soient motivés pour atteindre les mêmes buts. Dans ce contexte, comme le soulignent Evertson et Randolph (1995), la gestion de classe ne se limite pas à l’acquisition de compétences sociales, d’habiletés dans la communication interpersonnelle et de la capacité à gérer les conflits : elle devient surtout une façon de favoriser l’apprentissage dans le contexte particulier qu’est la classe.

Selon Doyle (1986), l’indicateur d’une bonne gestion de classe est le degré de coopération entre les élèves et entre les élèves et l’enseignant. Il s’agit concrètement de développer des relations positives entre élèves et enseignants, entre pairs et avec les parents (Archambault et Chouinard, 2016; Doumen et collab., 2008; Edmunds et Edmunds, 2015; Hamre et Pianta, 2005; Wang, Haertel et Walberg, 1993/1994).

L’enseignant qui valorise le respect mutuel favorise dans sa classe les interactions positives, encourage l’utilisation des habiletés de communication et l’acceptation des différences et ne laisse aucune place aux insultes et aux critiques négatives (Ryan et Patrick, 2001). De cette manière, il crée un environnement à l’intérieur duquel les élèves sentent qu’ils peuvent prendre des risques et commettre des erreurs sans être jugés (Richardson et Fallona, 2001).

D’ailleurs, à travers leurs observations des enseignantes, Lessard et Schmidt (2011) ont recensé les valeurs que ces dernières ont communiquées à leurs élèves. Il s’agit de la gentillesse, de l’équité, de l’entraide, de la coopération, de l’apprentissage, de l’empathie, du respect, de l’autonomie, de l’effort et du dépassement de soi. Des qualités essentielles à l’établissement d’un environnement propice à un bon apprentissage.

Les étudiants en FLS et en ALS visent à acquérir ces qualités dans le cours de Gestion de la classe qu’ils ont suivi, lequel leur a permis de commencer à préparer leur futur stage en planifiant des pratiques de gestion de classe efficaces et en adoptant un point de vue critique en regard de leurs retombées potentielles sur les comportements et les apprentissages des élèves. Il s’agissait, concrètement, de choisir trois pratiques de gestion de classe observées dans leur classe lors de leur stage précédent. Le travail consistait à décrire et à analyser, de manière détaillée et rétroactive, chacune des stratégies de gestion de classe choisie en fonction de leurs effets sur les élèves, des contenus abordés durant le cours et d’écrits lus sur le sujet. Cette rétroaction, à partir des thématiques abordées dans le cours de Gestion de la classe et des situations vécues dans le stage précédent, a permis aux étudiants de faire le bilan des apprentissages et de mieux préparer le stage suivant.

L’hypothèse de contact intergroupe d’Allport (1954)

Un élément souvent évoqué dans les théories de contacts intergroupes concerne le sentiment de menace que représentent les normes et les coutumes propres aux groupes minoritaires à l’égard du maintien de la culture et du mode de vie de la majorité d’accueil. Ce sentiment de menace est dit réaliste lorsqu’il met en scène la perception d’être en compétition pour des ressources limitées (emploi, avantages sociaux, pouvoir), tandis qu’elle est qualifiée de symbolique lorsqu’elle crée un sentiment d’envahissement et de perte d’identité (Stephan, Diaz-Loving et Duran, 2000).

D’entrée de jeu, il faut saisir que l’endogroupe désigne le groupe d’appartenance tandis que l’exogroupe désigne un autre groupe que le sien (Bourhis et Gagnon, 2006). Les rapports entre l’endogroupe et les exogroupes sont souvent empreints de préjugés, soit la tendance des membres de l’endogroupe à adopter une attitude négative envers ceux d’un exogroupe. Phénomène ancien, le préjugé, qui renvoie à l’idée de juger avant de connaître, repose sur une généralisation erronée (Allport, 1954) qui fait fi des différences individuelles (Brown, 2010).

Ainsi, les attitudes négatives de la majorité d’accueil (l’endogroupe) à l’égard des minorités immigrantes (les exogroupes) vont contribuer à l’émergence de deux groupes antagonistes : les « eux » et les « nous ». Dans le cadre des jumelages interculturels proposés, les « eux » sont des étudiants en apprentissage du français, soit les non-francophones, et les « nous » sont des étudiants en enseignement du FLS et ALS, soit les francophones). Une telle catégorisation contribue à la manifestation de préjugés et de discrimination, qui est un comportement négatif dirigé contre les membres d’un exogroupe envers lequel nous entretenons des préjugés. Quant à elle, la stigmatisation est un comportement négatif injustifié envers une personne dévalorisée en raison du poids, de la taille, d’un physique ingrat ou d’une déficience (Bourhis et Gagnon, 2006).

Afin de réduire les préjugés et la discrimination, Pettigrew et Tropp (2011) ainsi que Paluck et Green (2009) évoquent les trois conditions « gagnantes » de l’hypothèse du contact. Dans le contexte des jumelages interculturels, ces trois conditions sont : 1) les étudiants en apprentissage du français ont un statut équivalant à celui des étudiants en enseignement du FLS et ALS, 2) le but commun des étudiants jumelés est de communiquer en français et de discuter de différents aspects des cultures d’origine et d’accueil, 3) les étudiants en enseignement du FLS et ALS doivent décrire et analyser les échanges effectués lors du jumelage en rédigeant un travail de réflexion obligatoire. Puisque la volonté individuelle ne suffit pas pour assurer la pleine réussite du contact entre les groupes, la troisième condition préconise le soutien institutionnel des activités de jumelage, c’est-à-dire que les étudiants y participant doivent répondre aux exigences de leur programme universitaire respectif (Allport, 1954).

Le modèle d’acculturation interactif de Bourhis, Moïse, Perreault et Sénécal (1997)

Le modèle d’acculturation interactif (MAI) proposé par Bourhis, Moïse, Perreault et Sénécal (1997) permet de comprendre la dynamique relationnelle, durant les jumelages interculturels, entre les étudiants en enseignement du FLS ou de l’ALS et ceux en apprentissage du français. Ce modèle propose six attitudes et tendances comportementales que les membres de la communauté d’accueil peuvent adopter envers les immigrants.

L’individualisme est l’orientation « adoptée par les membres de la communauté d’accueil lorsqu’ils se définissent et définissent les autres en tant qu’individus plutôt que comme membres de catégories sociales “Eux-Nous“. Dans leurs relations avec les immigrants, ce sont les caractéristiques personnelles, les compétences et l’accomplissement individuel qui prévalent, et non le fait d’appartenir à un groupe culturel, linguistique ou religieux en particulier » (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015, p. 18).

L’intégrationnisme « valorise le maintien de la culture d’origine des immigrants tout en favorisant l'adoption de la culture d’accueil par les immigrants » (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015, p. 18). La particularité de l’intégrationnisme de transformation pratiquée par les membres de la communauté d’accueil est leur acceptation de « modifier certains aspects de leur culture et de leurs pratiques institutionnelles afin de faciliter l’intégration des immigrants » (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015, p. 18). L’adoption de l’individualisme, de l’intégrationnisme et de l’intégrationnisme de transformation favorise des relations harmonieuses avec les immigrants parce que ces trois orientations d’acculturation sont accueillantes envers eux.

Quant aux membres de la communauté d’accueil qui adhèrent à l’assimilationnisme, ils s’attendent à ce que les immigrants renoncent à leur culture d’origine pour endosser la culture de la majorité. Les assimilationnistes considèrent que les immigrants doivent s’assimiler en adoptant la langue, la culture et la religion de la société d’accueil (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015).

Les ségrégationnistes acceptent, quant à eux, que les immigrants conservent leur héritage culturel. Toutefois, ils « ne souhaitent pas que les immigrants adoptent ou influencent la culture d’accueil » (Bouhris, Carignan et Sioufi, 2015, p. 18) et ils tendent à éviter les relations avec eux, préférant qu’ils se regroupent dans leurs quartiers (ghettos) afin de ne pas « diluer » la culture d’accueil.

Enfin, les exclusionnistes refusent que les immigrants préservent leur culture d’origine. Ils s’opposent aussi à ce qu’ils influencent la culture d’accueil. Ils considèrent que les immigrants risquent de « contaminer » l’authenticité de la culture d’accueil (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015). L’endossement de ces trois dernières orientations entraîne des relations problématiques ou conflictuelles avec les immigrants parce qu’elles sont négatives envers eux et risquent d’avoir un impact sur les rencontres lors des jumelages.

Plusieurs études ont démontré que les étudiants universitaires endossent surtout l’individualisme et l’intégrationnisme. Ceci pourrait s’expliquer par la culture organisationnelle universitaire, qui valorise l’accomplissement personnel (méritocratie) indépendamment de l’origine ethnique, culturelle ou religieuse (Bourhis, Barrette, El-Geledi et Schmidt, 2009).

En résumé, les étudiants individualistes et intégrationnistes sont moins ethnocentriques et plus enclins à intégrer les immigrants dans leurs réseaux d’amis. Ils perçoivent positivement les relations avec les immigrants et leurs relations interculturelles sont harmonieuses. À l'opposé, les étudiants assimilationnistes, ségrégationnistes ou exclusionnistes, qui sont plus ethnocentriques, ont le sentiment que leur groupe est menacé par la présence des immigrants, avec qui les relations sont problématiques, voire conflictuelles.

Méthodologie

Sélection des participants

S’inscrivant dans le champ de la recherche qualitative, cet article repose sur l’analyse des informations discursives formulées par les participants. Au total, 42 étudiants étaient inscrits au cours Gestion de la classe à l’automne. Parmi eux, 10 étudiants libres, une étudiante au certificat en arts plastiques et 31 étudiants au baccalauréat en enseignement du FLS et de l’ALS, dont 25 dans le domaine de l’enseignement du français et 6 dans celui de l’anglais. Donné à l’hiver, le cours Éducation et pluriethnicité au Québec a accueilli 41 étudiants. Parmi ceux-ci, 10 étudiants libres, une étudiante au certificat en éducation à la petite enfance, une étudiante au baccalauréat en formation professionnelle et technique et 29 étudiants au baccalauréat en enseignement du FLS et de l’ALS, dont 24 dans le domaine de l’enseignement du français, et cinq dans celui de l’anglais.

Pour préserver la confidentialité, l’anonymat a été de rigueur. Les étudiants en enseignement FLS et ALS du cours Gestion de la classe ont été identifiés par les lettres GC suivis d’un numéro d’ordre. Les étudiants en enseignement FLS et ALS du cours Éducation et pluriethnicité au Québec ont été identifiés par les lettres EPQ, également suivies d’un numéro d’ordre.

Les participants retenus sont les étudiants du programme de baccalauréat en enseignement du FLS et de l’ALS qui ont suivi les deux cours – Gestion de la classe et Éducation et pluriethnicité au Québec – l'un à la suite de l'autre (automne et hiver) et qui ont effectivement participé aux deux activités, le Bilan des apprentissages (N = 31) et le Rapport de jumelages interculturels (N = 29).

Outils méthodologiques

Bilan des apprentissages du cours Gestion de la classe

Le Bilan des apprentissages visait à amener les étudiants à faire la synthèse des thématiques abordées dans le cours Gestion de la classe, à établir des liens entre la théorie et la pratique, et à rétroagir sur leurs apprentissages en lien avec la façon d’instaurer, de maintenir et de rétablir efficacement un climat de classe propice à l’apprentissage. Au cours du trimestre, quatre séquences vidéo furent projetées en classe. Pour chacune des séquences, les étudiants étaient invités à observer les scènes, à les décrire et à établir les liens avec les aspects abordés dans le cours à partir desquels ils devaient indiquer les inconvénients et les avantages de l’intervention de l’enseignante en action. Tout en justifiant leurs réponses, ils devaient expliquer comment ils auraient procédé s’ils étaient à la place de l’enseignant en question. Finalement, dans une posture réflexive, ils devaient dire, en tant qu’enseignants en formation, les leçons qu’ils tiraient des scènes observées.

C’est donc à partir de ces analyses que les étudiants ont rédigé leur bilan des apprentissages, en choisissant des cas qu’ils avaient vécus au cours de leur précédent stage pour identifier leur propre cadre de référence et modèle opératoire personnalisé. Ils ont ainsi pu présenter trois stratégies de gestion de classe qu’ils pourraient mettre en oeuvre en prévision d’une intervention qui permettrait d’instaurer, de maintenir et de rétablir efficacement un climat de classe propice à l’apprentissage. Chaque stratégie était présentée sur une fiche d’une à deux pages.

Rapport de jumelages interculturels du cours Éducation et pluriethnicité

Le jumelage interculturel est une activité obligatoire visant à favoriser l’ouverture à la diversité ethnoculturelle et développer la capacité d’intervenir en classe en s’appuyant sur les aspects cognitifs et émotifs des modes de communication. Il s’adresse aux futurs enseignants, lesquels sont majoritairement des Québécois francophones natifs.

Contexte et conditions de rédaction

Le jumelage se réalisant dans un climat de réciprocité, les termes jumelles et jumeaux désignent tous les étudiants participant à ces rencontres. Les étudiants inscrits au cours Éducation et pluriethnicité au Québec du programme de baccalauréat en enseignement du FLS et de l’ALS ont été jumelés à des étudiants de l’École de langues inscrits à un cours de Compréhension de textes et enrichissement du vocabulaire. Ce cours de français permet à l’étudiant d’approfondir ses stratégies de lecture et ses habiletés à analyser et à comprendre des textes variés qui reflètent l’actualité et la réalité socioculturelles du Québec.

Précisons que les non-francophones apprenant le français ont pour la plupart déjà fondé une famille et leurs enfants fréquentent déjà l’école québécoise francophone. Ils viennent de Chine, d’Europe, d’Amérique latine et du Moyen-Orient. Plusieurs possèdent une formation universitaire dans leur pays d’origine ainsi que de l’expérience professionnelle. Ils ont également acquis un niveau avancé de compétence en français, soit dans leur pays, soit par les cours de francisation du Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI). Arrivés au Québec, ils doivent entamer des démarches pour la reconnaissance de leurs diplômes et de leurs expertises professionnelles. C’est alors que, s’ils veulent exercer leur profession au Québec, ils sont obligés de reprendre leurs études et de passer les examens des ordres professionnels en français.

Ces étudiants sont admis dans un certificat composé de cours développant les habiletés de compréhension et de production tant orales qu’écrites. Aux fins de cet article, seul le volet des activités de jumelage réalisé par les étudiants en enseignement du FLS et de l’ALS sera développé.

Les étudiants de FLS ou de l’ALS ont eu à décrire les caractéristiques de leur jumeau/jumelle (deux pages) et une des thématiques discutées lors de leur rencontre (deux pages). Il pouvait s’agir du parcours migratoire du jumeau ou de la jumelle, de son adaptation à la société d’accueil, de la reconnaissance de diplômes et des expériences acquises à l’étranger, de la discrimination, de la langue, de la religion ou de l’éducation. Après avoir décrit leur première rencontre, les étudiants rédigeaient l’analyse d’un thème abordé à l’aide de la littérature scientifique parcourue dans le cours (une page). L’étudiant reprenait les mêmes consignes pour les deuxième et troisième rencontres, avant de rédiger sa conclusion.

Les bilans et les rapports rédigés par les étudiants ont fait l’objet d’une lecture attentive aux fins d’analyse. Les descriptions, les synthèses, les commentaires et les réflexions formulés sur les apprentissages réalisés et sur la façon de les réinvestir en situation de classe ont été soigneusement sélectionnés et classés de manière à être les plus représentatifs possible de la diversité des opinions émises.

Appréciation des étudiants en Gestion de la classe 

De l’instauration d’un climat de classe efficace par le choix de modèles judicieusement adaptés aux besoins des élèves

Les réflexions des étudiants ont permis de constater qu’ils ont pris la mesure de la diversité des techniques et des stratégies en gestion de classe et de la nécessité d’être bien outillé et suffisamment informé avant de poser une intervention. On peut aussi constater que la majorité d’entre eux ont mentionné la nécessité de tenir compte du contexte de l’intervention, de soupeser les avantages et les inconvénients de chaque technique.

Il existe différentes techniques de gestion de classe. Il faut choisir laquelle ou lesquelles il faut utiliser, car elles ne sont pas toutes adaptées à chaque situation.

GC3

Ce travail m’a permis de réaliser plusieurs apprentissages. Tout d’abord, il m’a permis de bien réfléchir aux différentes stratégies que l’on emploie en classe. Puis, sur l’importance de réfléchir à leurs avantages (pertinences) et leurs inconvénients en salle de classe afin qu’elles aient réellement un impact [positif] sur les élèves.

GC31

Par ailleurs, le fait de questionner ses pratiques ne doit pas occulter, en matière de gestion de classe, qu’il existe des fondamentaux dont on ne saurait se passer. Cet aspect semble avoir été bien intégré par les étudiants.

Il faut savoir être critique face aux théories apprises, aux techniques enseignées dans les livres de pédagogie, savoir s’adapter aux différents apprenants et être toujours prêt à changer des choses à nos pratiques. Il y a cependant des éléments de base reconnus que l’on doit respecter et chaque pratique de gestion de classe peut être adaptée en fonction de notre philosophie d’enseignement, de nos ressources et des élèves auxquels ils s’adressent.

GC27

Le cours Gestion de la classe nous a permis de développer notre capacité d’analyse réflexive face aux techniques et aux approches de gestion de classe proposées. Toutefois, en tant que futurs enseignants, nous sommes conscients que tout ce que nous ferons en classe avec les enfants qui nous sont confiés doit toujours être fait dans le but de favoriser leur apprentissage.

GC12

Du maintien d’un climat de classe efficace par la volonté/nécessité d’entretenir un environnement où il fait bon apprendre sans peur

En outre, le cours a permis aux étudiants de prêter une oreille attentive à leurs valeurs et à leurs traits de personnalité en lien avec le métier d’enseignant.

Le fait de décrire et d’analyser différentes stratégies de gestion de classe que je souhaite appliquer dans mon futur milieu de stage me permet de faire le lien entre certains modèles théoriques et leur application concrète dans une situation d’enseignement. Ce travail m’a amenée à visualiser plusieurs situations et à me projeter dans celles-ci afin d’évaluer mes attitudes et comportements potentiels et leurs conséquences sur la classe. Les lectures, les recherches et la réflexion ont clarifié mon cadre de référence personnel de gestion de classe. En d’autres mots, je suis plus en mesure d’identifier mon style d’enseignement, la façon dont je souhaite intervenir en classe et la nature des liens que je souhaite entretenir avec les élèves pour avoir un environnement de travail harmonieux. Je peux également dire que le modèle d’enseignant que je souhaite devenir se rapproche davantage du modèle de l’enseignant démocratique.

GC7

J’ai pu me questionner sur mon profil d’enseignante et j’ai pu mieux comprendre mes valeurs. Je me suis également familiarisée avec différentes approches qui concordent avec ma personnalité.

GC31

C’est à l’enseignant de faire ses choix disciplinaires tout en respectant ses valeurs, le code d’éthique et les besoins pédagogiques de ses élèves.

GC18

Il a aussi permis à ces futurs enseignants de s’interroger sur leurs pratiques et de construire leur cadre de référence personnel dans un contexte d’interaction avec les élèves.

Du rétablissement d’un climat de classe efficace par l’acceptation et l’humilité que l’on peut apprendre de ses erreurs

Il est intéressant de constater que les étudiants ne se contentent pas du diagnostic préintervention, ils évoquent aussi l’importance d’évaluer les interventions une fois qu’elles ont été faites. Ils ajoutent que les interventions de l’enseignant doivent tenir compte aussi bien de son impact sur l’élève auprès de qui l’intervention est faite que sur le groupe en présence duquel elle est posée.

Lors de chaque situation d’intervention, l’enseignant doit mener une réflexion et utiliser son sens du jugement critique, car lorsqu’il doit prendre une décision face à un événement spontané non souhaité, il se doit d’évaluer les conséquences de ses actions auprès des élèves, et ce avant et après son intervention. La gestion de classe de l’enseignant doit être organisée, prévisible et adaptée au groupe, mais aussi chacun des élèves.

GC18

L’enseignant doit être en mesure de corriger rapidement toute situation qui est de nature à perturber le climat de travail. Qu’elle se produise entre les élèves ou entre les élèves et l’enseignant.

GC23

Ce long cheminement réflexif des étudiants montre qu’ils ont pris conscience de l’importance d’une bonne gestion de classe. Ceci suggère qu’ils savent, à l’issue de ce cours, se servir avec justesse des pratiques éducatives auxquelles l’enseignant a recours afin d’établir, de maintenir et, au besoin, de restaurer dans la classe des conditions propices au développement des compétences des élèves (Archambault et Chouinard, 2016).

Appréciation des étudiants en Éducation et pluriethnicité

L’activité de jumelage interculturel : un vecteur de lien social

La description et l’analyse des réactions des étudiants en enseignement de FLS et de l’ALS permettent de mieux comprendre la pertinence et l’impact des jumelages sur le développement de leur sensibilité, de leur empathie et de leurs habiletés de communication interculturelle. Les étudiants ont émis des commentaires autant sur les retombées du cours que sur les jumelages interculturels.

Préjugé : nous ne sommes pas la norme

Cet étudiant reconnaît qu’il avait porté des jugements erronés sur des immigrants :

Cette expérience m’a permis d’ouvrir mes yeux davantage sur le monde sans juger. Elle m’a aidé à enlever de nombreux stéréotypes qu’on entend souvent aux nouvelles.

EPQ12

Comme l’ont rappelé Allport (1954) et Brown (2010), le préjugé repose sur une généralisation erronée qui fait fi des différences individuelles. Cet étudiant, comme bien d’autres, a compris que c’est l’ignorance face à la différence qui alimente les préjugés et la discrimination. Force est de constater que la différence se trouve partout et que l’ouverture à l’Autre ne se construit sur les différences, mais bien sur les ressemblances. Cette étudiante, parlant de sa jumelle iranienne, raconte :

Je pense que ce qui rend ces échanges possibles est le fait de voir les similitudes chez l’autre qui nous semblait si différent. Comme nous avons le même âge, que nous sommes des femmes, que nous aimons plusieurs choses en commun, il est plus facile d’établir un contact.

EPQ1

Ces réactions démontrent bien que l’expérience des jumelages a permis aux étudiants de devenir beaucoup plus critiques face aux propos et aux comportements discriminatoires.

Les multiples visages de la discrimination

Selon Bourhis et Gagnon (2006), la discrimination est un comportement négatif dirigé contre les membres d’un exogroupe envers lequel nous entretenons des préjugés. Plusieurs étudiants ont été secoués par la dure réalité vécue par les immigrants et par les différents types de discrimination dont ils sont victimes. Ici, une étudiante déplore que sa jumelle ne puisse pas exercer son métier au Québec puisque son diplôme n’est pas reconnu.

Ce jumelage m’a apporté une plus grande compréhension du processus d’immigration économique. Je comprends mieux la réalité de ma jumelle qui doit faire reconnaître son diplôme et refaire ses études pour obtenir son emploi de rêve dans son domaine.

EPQ15

Grâce au jumelage et à ma jumelle, je comprends mieux les difficultés auxquelles font face les nouveaux immigrants pour trouver un premier travail.

EPQ7

La discrimination par l’accent porte un nom : le linguicisme. Cette forme de discrimination vise des exogroupes locuteurs d’une langue ou ayant un accent différent (Bourhis et Carignan, 2010). Une étudiante rapporte que sa jumelle est une jeune Cubaine de 24 ans qui vient parfaire son français à l’UQAM parce qu’elle souhaite retourner à l’Université pour refaire un diplôme de baccalauréat. Elle écrit que sa jumelle a été victime de discrimination en raison de l’accent de la part de clients dans la boutique de vêtements où elle travaille.

Parce qu’elle avait un gros accent, un client lui a demandé d’aller chercher un employé qui parle français, alors que ma jumelle comprend bien le français. Cela l’a atteint.

EPQ28

Nos étudiants ont exprimé le souci d’offrir à leurs élèves une classe sécurisante où ils pourront apprendre. Ils rappellent qu’ils ne doivent jamais laisser passer un acte de discrimination, quel qu’il soit.

Les adultes ferment les yeux sur beaucoup d’actes de violence. Il faut les dénoncer et surtout agir pour que cela cesse immédiatement, en classe comme dans la cour d’école.

EPQ21

Bourhis et collab. (1997) nous rappellent que les orientations d’acculturation des étudiants en éducation permettent de mieux saisir les dynamiques relationnelles en présence des étudiants non francophones, et nous avons vu que c'est l’endossement de l’individualisme, de l’intégrationnisme et de l’intégrationnisme de transformation qui favorise des relations harmonieuses avec les immigrants parce que ces trois orientations d’acculturation sont accueillantes envers eux.

Individualisme : individu vu à travers le prisme de son mérite personnel

Pour les individualistes, ce sont les caractéristiques personnelles, les compétences et l’accomplissement individuel qui prévalent, et non le fait d’appartenir à un groupe culturel, linguistique ou religieux en particulier. Le jumelage a permis de consolider l’idée qu’au-delà d’une culture, ce sont les individus qui la composent qui sont intéressants.

Je ne serais sûrement pas allé vers ma jumelle, si n’était dans ce contexte spécifique. Finalement, j’ai découvert une femme intelligente, critique, ouverte et drôle avec qui je partage plusieurs champs d’intérêt… et avec qui j’ai eu un grand plaisir à discuter.

EPQ2

Une fois de plus, l’individualisme permet de définir l’autre en tant qu’individu qui s’assume pleinement et non de le voir à travers le prisme déformant des préjugés positifs ou négatifs et qui est assujetti aux caractéristiques d’un groupe.

Intégrationnisme : valorisation de la réciprocité

Les intégrationnistes valorisent les immigrants qui endossent la culture d’accueil tout en acceptant qu’ils maintiennent leur culture d’origine. Dans un continuum interactif, l’intégrationnisme considère le sentiment de réciprocité envers les membres de l’autre groupe. Cette étudiante décrit son expérience en ces termes :

Ce projet m’a permis de développer une certaine sensibilité face à la diversité culturelle. Je pense que le jumelage ne consiste pas uniquement à montrer à l’immigrant des aspects de la culture d’accueil, mais c’est également une question d’échange culturel… J’étais émerveillée par toutes les informations et connaissances que ma jumelle possédait.

EPQ9

Intégrationnisme de transformation : accepter que les immigrants transforment « ma » société

La particularité de l’intégrationnisme de transformation pratiquée par les membres de la communauté d’accueil réside dans le fait de leur acceptation de modifier certains aspects de leur culture et de leurs pratiques institutionnelles afin d’adopter certains aspects de la culture des immigrants pour faciliter leur intégration.

En tant que future enseignante de français langue seconde, il serait pertinent, pour moi, de faire des échanges culturels et d’apprendre davantage sur les autres cultures, puisque nos élèves viendront de différents pays. La culture de l’apprenant-immigrant est aussi importante que la culture du pays qui l’accueille. Voilà pourquoi il faut en apprendre sur elle, afin de pouvoir faire des ajustements pour les aider lorsque cela s’avère nécessaire.

EPQ14

Assimilationnisme, ségrégationnisme, exclusionnisme : rejet de la différence

Quant à elles, les orientations d’acculturation endossées par des étudiants assimilationnistes, ségrégationnistes ou exclusionnistes sont moins favorables aux immigrants. Les études démontrent que ces étudiants sont plus ethnocentriques et qu’ils ont le sentiment que leur groupe est menacé par la présence des immigrants avec qui les relations sont problématiques, voire conflictuelles. Un étudiant a dû changer trois fois d’équipe en raison d’incompatibilité de valeurs perçues, de sa grande difficulté à comprendre l’accent de son jumeau et du sentiment de perte de temps face à un jumeau qui, selon lui, ne lui apprenait rien.

Il est intéressant de souligner que certains étudiants ont eu l’honnêteté d’émettre, tant dans les discussions en classe que dans leurs écrits, leur réticence à participer au jumelage proposé.

Après la présentation de l’activité de jumelage, j’étais nerveuse et en même temps perplexe. J’ai senti comme un sentiment d’insécurité, puis je ne voyais pas ce que ces rencontres pouvaient nous apporter à ma jumelle et à moi. Je dois reconnaître que je me suis trompée. (EPQ26)

Comme pour d’autres de ses collègues, il a fallu, pour cette étudiante, faire un long cheminement réflexif avant de prendre conscience de l’importance du jumelage.

L’apprentissage du vivre ensemble

Malgré tout, certains commentaires très encourageants permettent de voir émerger à toutes les étapes de réalisation des jumelages que les valeurs de réciprocité, de coopération et d’égalité sont source d’inspiration (Carignan, 2006). 

Cette activité de jumelage est une révélation pour moi. J’ai rencontré une inconnue qui est devenue une personne que j’apprécie. Elle m’a fait découvrir une multitude de choses. Je ne pensais pas au début du projet que j’aurais appris autant de choses. Le côté humain m’a beaucoup plu.

EPQ25

Les jumelages interculturels démontrent que sur le terrain, l’adaptation réussie des immigrants peut dépendre autant des efforts des étudiants de la majorité d’accueil que des efforts d’adaptation déployés par les étudiants immigrants (Carignan, Deraîche et Guillot, 2015; Caza, 2014).

Discussion

Le cours Gestion de la classe visait à développer les compétences nécessaires pour gérer efficacement une classe dans le contexte de l’enseignement d’une langue seconde. Ce cours visait à permettre aux étudiants de se familiariser avec les concepts de base de gestion de classe, à planifier et maintenir une gestion de classe efficace et à rétablir une gestion de classe devenue inefficace.

Les étudiants ont mentionné l’importance d’adopter des stratégies pour prévenir l’émergence de comportements non appropriés et pour intervenir efficacement lorsqu’ils se manifestent. Cela suppose de prime abord une capacité de reconnaitre rapidement les comportements inappropriés et de les interrompre le plus discrètement possible avant qu’ils ne produisent des dérives ou des interruptions des activités en cours. Si de tels comportements persistent, ils ont saisi l’importance d’analyser la situation afin d’appliquer des mesures propres à un élève ou de discuter des situations inacceptables avec l’ensemble de la classe ou encore de revoir leur système de fonctionnement de manière à prévenir les perturbations récurrentes, ou les deux à la fois. Comme le rappellent Martineau, Gauthier et Desbiens (1999, p. 479), « les enseignants doivent aussi démontrer leur volonté et leur habileté à agir quand les règles sont violées. »

En ce qui concerne le cours Éducation et pluriethnicité au Québec, il aborde le rôle et la place de l’institution scolaire dans la société des savoirs, l’impact du contexte socioéconomique et culturel sur le comportement et la performance scolaire, l’évaluation des stratégies pédagogiques et sociales mises en place pour neutraliser l’effet des inégalités et la sensibilisation à la réalité d’une société pluriethnique. Dans une perspective sociologique, les thématiques présentées dans le cours invitent les étudiants à établir des liens entre leurs visions de l’enseignement et de leurs champs disciplinaires, l’arrimage des modèles théoriques et pédagogiques et leurs pratiques enseignantes, lesquelles leur permettraient de lutter plus efficacement contre les préjugés et la discrimination.

Il serait souhaitable aussi de combiner les modes de communication référant à la fois aux aspects cognitifs et émotifs. Les aspects cognitifs permettent l’acquisition de savoirs comme une meilleure connaissance de l’héritage des Autochtones, des Français et des Britanniques; de l’histoire de l’immigration canadienne et québécoise; des relations intergroupes; des types et des causes de discrimination; du phénomène des gangs de rue; et des défis de l’intégration des immigrants. Aboud et Levy (2000) rappellent que la présentation d’informations factuelles sur l’histoire, les réalisations, les attitudes et les comportements des groupes en présence doit être complétée par des activités qui s’inspirent des aspects émotifs du mode de communication. Ces contenus émotifs permettent de sensibiliser les étudiants face aux thématiques étudiées au moyen de la projection de films et de documentaires (Carignan, Bourhis et Balde, 2016). Les rencontres de jumelage interculturel s’inscrivent dans le même registre. D’ailleurs, des étudiants ont expliqué avoir été bouleversés par certains récits de vie racontés par leur jumeau/jumelle.

Après avoir suivi, en séquence, respectivement le cours de Gestion de la classe puis le cours Éducation et pluriethnicité au Québec donné par le même enseignant, la majorité des étudiants a souligné l’impact positif de leur acquis sur leur vision de leur pratique enseignante. Force est de constater qu’ils ont reconnu l’importance d’adopter une posture introspective sur les défis de la gestion relativement à la diversité en classe, notamment en ce qui a trait à l’attitude à avoir vis-à-vis de leurs futurs élèves dans diverses situations. Ils ont aussi souligné que l’effet cumulatif des deux cours prépare l’enseignant à contrer les situations qui reproduisent des formes de discrimination, à mettre en place des dispositifs qui assurent le respect et l’équité à l’égard des différences et à fournir aux élèves l’attention et l’accompagnement appropriés.

Conclusion

Grâce au cours Éducation et pluriethnicité au Québec, le jumelage a amené les étudiants à comprendre davantage l’ampleur des difficultés des parents immigrants face à leur intégration sociale, économique, juridique, linguistique, politique et religieuse. Quant au cours Gestion de la classe, il leur a fait prendre conscience qu’ils doivent fournir aux élèves une attention et un accompagnement appropriés, afin de devenir des « professionnels » de l’enseignement. La réflexion qu’ils ont menée lors de la réalisation du bilan des apprentissages leur a permis de prendre conscience du fait que dans l’exercice de leur profession, ils doivent à la fois maîtriser la matière (planification, enseignement et évaluation) et « gérer » la classe (climat favorable au travail scolaire, relation maître-élève, discipline, sanctions, motivation et gestion des émotions).

Les thématiques abordées dans les deux cours visaient à permettre aux étudiants d’être sensibilisés à l’importance d’établir un climat de classe qui favorise la motivation, la coopération, l’entraide et le vivre ensemble. Au regard de ce qu’ils ont rapporté, les étudiants ont prouvé qu’ils étaient prêts à poursuivre leurs réflexions et à consolider leurs apprentissages pour des pratiques enseignantes efficaces autant dans leurs stages que dans leurs futures carrières. L’effet cumulatif de ces cours révèle qu’ils ont développé leur sensibilité à contrer les situations de discrimination, à mettre en place des dispositifs assurant le respect et l’équité à l’égard des différences et à fournir aux élèves l’attention et l’accompagnement appropriés. Ils ont aussi souligné qu’ils se sentaient mieux outillés pour devenir des enseignants « pédagogiquement » et « interculturellement » compétents.