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Introduction

Les migrants en situation de précarité, en l’occurrence les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes sans statut et les travailleurs agricoles saisonniers, font dans l’ensemble partie des populations les plus vulnérables dans le monde. Généralement, ils occupent des emplois précaires, ont des conditions de travail difficiles et vivent dans des logements surpeuplés et insalubres. Ils sont également confrontés à des obstacles pour répondre à leurs besoins en matière de santé. Au delà de potentielles barrières linguistiques et de leur manque de connaissance du système de santé de leur pays d’accueil, les migrants en situation de précarité ont un accès restreint aux services de santé et aux soins médicaux. En général, ils doivent attendre entre 3 et 18 mois pour accéder à un programme complet de soins médicaux ou être admissibles à un régime d’assurance maladie publique. Cela explique que la plupart d’entre eux ont des problèmes de santé.

Depuis mars 2020, le monde fait face à une crise sanitaire sans précédent provoquée par la pandémie de COVID-19. Des recherches effectuées entre 2020 et 2022 ont démontré que les migrants en situation de précarité sont touchés de manière disproportionnée par cette pandémie, parce qu’ils subissent un triple fardeau résultant de trois crises imbriquées (crise sanitaire, crise socioéconomique, crise de la protection), ce qui accroît leur vulnérabilité et augmente leur risque d’infection par le coronavirus. Plusieurs estiment que les besoins de ces groupes n’ont pas été pris en compte dans les réponses à la pandémie COVID-19.

Il existe une abondante littérature sur l'impact de la pandémie sur les migrants en situation de précarité. Cependant, il existe peu de données sur la façon dont le système de soutien aux migrants s’est adapté pour répondre à leurs besoins. Cette étude de la portée brosse un portrait des interventions implantées pour répondre aux besoins des migrants en situation de précarité dans les pays occidentaux pendant la pandémie COVID-19 et les classe par axe d'intervention. Cette étude cible les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes sans statut et les travailleurs agricoles saisonniers arrivés dans leur pays d’accueil depuis janvier 2016.

Méthodologie

Pour identifier les études pertinentes, nous avons consulté plusieurs bases de données (MEDLINE, PubMed, etc.), les sites Web des principaux organismes et institutions qui travaillent avec les migrants et les références des publications sélectionnées. Les publications incluses comprennent des articles scientifiques et de la littérature grise. Chaque publication incluse devait : a) être publiée entre mars 2020 et février 2022; b) être rédigée en anglais ou en français et c) décrire une intervention intersectorielle ciblant spécifiquement les migrants en situation de précarité des pays occidentaux. Les publications qui ne respectaient pas ces critères ont été exclues. Une feuille de calcul Excel a été utilisée pour extraire les informations suivantes : nom de famille du premier auteur, année de publication, pays de publication, objectifs de l’intervention, période d’implantation, groupes cibles, principales activités, type d’intervention.

Résultats

Un total de 31 publications provenant de neuf pays occidentaux sont incluses dans cette étude de la portée. La plupart d’entre elles (23/31) ont été produites aux États-Unis d’Amérique (12) et au Canada (11), le reste (8/31) en Europe. La majorité des interventions sélectionnées sont des initiatives communautaires (19/31), qui impliquent des organisations des groupes cibles. Les 12 autres sont des initiatives gouvernementales. Les interventions ont été réparties en cinq catégories, correspondant à cinq axes d’intervention : la politique d’immigration; la sensibilisation à la COVID-19; l’insécurité alimentaire; les besoins essentiels primaires et secondaires; la santé mentale et enfin le contrôle des infections de la COVID-19 dans les milieux à forte concentration de migrants. Le premier axe visait à faciliter l’accès aux soins de santé liés à la COVID-19 et à des services publics spécifiques pour les migrants en situation de précarité. Le deuxième visait à leur communiquer des informations linguistiquement adaptées sur la COVID-19, à recourir à des intervenants de leur communauté pour les informer des mesures préventives et les sensibiliser aux moyens de se protéger. Le troisième axe cherchait à répondre à leurs besoins fondamentaux (nourriture, produits d’hygiène) et à les accompagner dans leurs démarches auprès des institutions. Le quatrième axe visait à réduire les effets négatifs de la pandémie sur leur santé mentale. Le cinquième axe ambitionnait de freiner la transmission et la propagation du coronavirus dans les fermes, les centres d’accueil et de détention.

Discussion et conclusion

Selon les informations extraites des 31 publications sélectionnées, parmi les cinq axes d’intervention, c’est l’axe de sensibilisation à la COVID-19 qui a été priorisé. Ces résultats suggèrent qu'au moins dans 9 pays occidentaux, des efforts ont été faits pour rendre les informations sur les recommandations de santé publique accessibles aux migrants en situation de précarité et pour assurer leur sécurité. En revanche, les interventions relatives à la santé mentale ont été minoritaires, ce qui indique que la santé mentale des migrants en situation de précarité aurait été négligée dans les réponses à la pandémie. Notre recherche révèle également que la plupart des interventions ont été implantées dans la communauté par des organismes communautaires. Ces résultats ne sont pas surprenants, car ces organismes sont plus accessibles aux migrants. De plus, toutes les interventions sélectionnées étaient le résultat d'une collaboration intersectorielle entre plusieurs secteurs et des citoyens.

La principale limite de cette étude de la portée est liée au nombre d’interventions sélectionnées, ce qui peut introduire un certain biais de représentativité dû au fait que très peu d’interventions implantées sont diffusées ou publiées dans des revues scientifiques. De plus, notre choix de sélectionner les interventions ciblant uniquement les migrants en situation de précarité a eu comme conséquence d’exclure les interventions qui leur sont destinées mais qui impliquaient d’autres catégories de migrants ou de groupes vulnérables.

En conclusion, cette étude de la portée confirme deux assertions. La première est le rôle important des organismes communautaires dans l’amélioration des conditions de vie des migrants et la seconde est la pertinence de l’approche intersectorielle comme stratégie pour répondre efficacement aux besoins des réfugiés, des demandeurs d’asile, des personnes sans statut et des travailleurs agricoles saisonniers.