PrésentationFin de vie et mourir contemporainsPresentationContemporary End-of-Life and DyingPresentaciónFin de vida y morir contemporáneos[Record]

  • Sylvie Fortin and
  • Josiane Le Gall

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  • Sylvie Fortin
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, Pavillon Lionel-Groulx, C. P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    sylvie.fortin@umontreal.ca

  • Josiane Le Gall
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, Pavillon Lionel-Groulx, C. P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    j.le.gall@umontreal.ca

La fin de vie interpelle. Elle est un objet foisonnant de recherches en sciences sociales et en sciences du soin, suscitant réflexion tant dans les champs politique et économique que social et culturel. Comme le donne à voir ce numéro double de la revue Anthropologie et Sociétés, ces réflexions sont à la fois publiques et privées, portant sur autrui, mais aussi sur soi. Proches, personnes en fin de vie et soignants témoignent tour à tour de la complexité (ou non) de trajectoires de vie et de trajectoires de soins aux horizons tantôt indéfinis tantôt définis. Ce mourir contemporain rappelle le vieillissement de la population. Il évoque également la chronicité de la maladie, un éventail thérapeutique à la fois très large et restreint selon la population visée (du jeune au grand âge) et des pratiques de soins variées, selon les localités et les lieux de soins. De même, les rites évoluent tout comme les modalités du mourir et son anticipation, favorisant l’émergence de pratiques nouvelles, de façons de penser la mort, de la dire, de la sonder. Alors que les travaux sur la mort (et, davantage, « les morts », selon Gilles Bibeau [2013 : 51]) et les rituels funéraires sont chers à l’anthropologie (Kaufman et Morgan 2005 ; Jérôme et Poirier 2018 ; Engelke 2019), le mourir en tant que fenêtre extraordinaire sur le social contemporain est un thème récent, émergent. Avec et par-delà les pratiques de soins et dans la continuité de Maurice Godelier (2014) et ses travaux sur la mort, la fin de vie et le mourir sont ici discutés comme une construction sociale et non comme un état d’être délimité par la clinique. Puis, fin de vie et mort se déclinent pour plusieurs sur fond de traditions culturelles et religieuses. Les rites entourant la mort, présents dans toutes les sociétés, s’inscrivent dans les grandes traditions religieuses (Thomas 1980 ; Coyer 2015) et aussi en marge de ces dernières dans les sociétés hypermodernes où la diversité, l’hyperdiversité (Hannah 2011), résulte à la fois de la mobilité et des mouvements migratoires (Vertovec 2007 ; Foner et al. 2019), mais aussi des transformations sociales qui accompagnent la mondialisation des échanges de tout ordre (Humphris 2014). Cela dit, la culture — entendue comme un ensemble de significations, de normes et de valeurs partagées qui sous-tendent comment les membres d’un groupe social comprennent le monde qui les entoure (Crowley-Matoka 2016) et y agissent — participe à façonner, selon les contextes et les interactions, les pratiques, savoirs et croyances d’un groupe donné en regard de la maladie, de la mort, du soin. Cette même culture est actrice dans les prises de décisions qui jalonnent la grande maladie, tout comme l’est la médecine tout entière en tant que système culturel qui oriente les pratiques soignantes et les attentes de part et d’autre. Cette culture médicale embrasse généralement l’action comme moteur alors que les progrès scientifiques génèrent un éventail thérapeutique toujours croissant, donnant lieu ou pouvant donner lieu à des fins de vie qui interpellent. Cette culture médicale est elle aussi multiple, selon l’organisation des soins (hospitaliers, de longue durée ou dans la communauté) et les localités. L’expression de cette culture ou cette culture performée s’inscrit à son tour dans un social complexe où institutions et individus, proches et malades interviennent constamment avec des ressources variables selon des trajectoires souvent incertaines. Sans viser une définition de la « bonne mort » (Kaufman et Morgan 2005 ; Gunaratnam 2013 ; Castra 2014 ; Engelke 2019), rappelons qu’elle évoque tantôt une fin de vie sans douleur ou avec pleine conscience, une mort chez soi (dans la …

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