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La Nation métisse, les autres Métis et le métissageLes paradoxes de la contingence identitaire[Record]

  • Denis Gagnon

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  • Denis Gagnon
    Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse
    Collège universitaire de Saint-Boniface
    200, av. de la Cathédrale
    Saint-Boniface (Manitoba) R2H 0H7
    Canada

Nous sommes plus familiers avec les torts subis par les Amérindiens et les Inuit qu’avec ceux qu’ont endurés les Métis parce que ce peuple suscite peu d’intérêt dans les milieux de la recherche. J’enseigne depuis deux ans et demi au Collège universitaire de Saint-Boniface (CUSB) et, en guise d’introduction, je vais présenter trois exemples de conflits identitaires qui concernent les Métis du Manitoba ; selon les cas, on craint la perte ou le partage de son identité ou bien on ne reconnaît pas l’identité métisse. Premier exemple : la semaine dernière, sur les ondes de la station CKSB, un professeur franco-manitobain s’est prononcé contre le mélange des races et a encouragé les mariages endogames entre Franco-manitobains d’origine québécoise dans le but de sauvegarder l’identité et la pureté de la race ; il atteignait ainsi directement la communauté métisse francophone et fit ainsi la une du téléjournal. Ces propos ne sont peut-être pas représentatifs de l’opinion générale, mais ils révèlent la peur de l’assimilation à laquelle la communauté franco-manitobaine est confrontée depuis plus de 100 ans. Cependant, la diversité culturelle est bien représentée au CUSB. Bien qu’un fort pourcentage des 900 étudiants soit franco-manitobain, la majorité de ceux-ci sont des Métis du sud de la province. On trouve également des étudiants en immersion dont l’un des deux parents est francophone et l’autre d’origine ukrainienne ou galicienne, allemande, belge, bretonne, française, anglaise, écossaise, irlandaise, islandaise ou autres ; ils sont nés de père franco-manitobain et de mère thaïlandaise, de mère franco-manitobaine et de père africain ; ils sont mennonites, orthodoxes, catholiques, protestants ou musulmans. Plusieurs étudiants viennent d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, et même de Nouvelle-Calédonie. Cette institution a probablement la plus forte proportion de professeurs d’origine africaine au Canada. Les étudiants métissés et les professeurs africains représentent donc une menace pour la préservation de l’homogénéité somme toute relative de la société franco-manitobaine. Deuxième exemple : nous assistons actuellement au coming out des étudiants métis du CUSB. Ces étudiants réclament leur identité métisse souvent contre l’avis de leurs parents et grands-parents qui ont été victimes de discrimination et de racisme et qui ont tenté de s’assimiler à la société franco-manitobaine. Les Métis francophones du sud de la province ne sont pas très bien représentés, car un président de l’Union nationale métisse de Saint-Joseph, fondée en 1906, a refusé dans les années 1960 une offre de subvention de la province et du Conseil privé en expliquant que son association ne faisait pas de politique! C’est donc la Manitoba Métis Federation (MMF), association anglophone fondée en 1967, qui a bénéficié de ces fonds. Comme les étudiants métis francophones du CUSB n’ont pas droit aux subventions de la MMF, j’ai fondé le Regroupement Étudiant Métis en septembre 2003 pour qu’ils puissent revendiquer ces droits. Lors de la première réunion, les étudiants étonnés se regardaient les uns les autres en se disant : « T’es Métis toi? ». Comme quoi les Métis, comme les autochtones, ne sont pas nécessairement une « minorité visible ». Enfin, en 2003, j’ai soumis une demande au Programme canadien de Chaires de recherche pour créer une chaire sur l’identité métisse, et cette chaire, tout comme le REM, est vue comme une menace par la MMF. Troisième exemple : Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC) offre actuellement des subventions pour créer des départements d’études autochtones. J’ai fait une demande pour créer le premier département d’études métisses au Canada mais le ministère a refusé en disant que les Métis ne sont pas inclus dans ce programme. Ce ministère n’a peut-être pas encore été informé que les Métis sont …

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