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Nancy Christie et Michael Gauvreau (dir.), Mapping the Margins. The Family and Social Discipline in Canada 1700-1975. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2004, 407 p., réf., index.[Record]

  • Louise Blais

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  • Louise Blais
    École de service social
    Université d’Ottawa
    43, rue Templeton
    Ottawa (Ontario) K1N 6N5
    Canada

L’ouvrage propose, comme le titre l’indique, une cartographie des marges, des marginalités et des marginalisations à travers une historiographie, sur près de trois siècles, des pratiques familiales canadiennes face au « hors norme ». Des histoires racontées par des historiens de la famille, professeurs, pour la plupart, dans des universités des Maritimes, du Québec, de l’Ontario et de l’Ouest canadien. Comme l’explique Christie dans son introduction, l’ouvrage se donne deux objectifs. D’abord, il cherche à analyser les manières, variables selon l’époque et les traditions culturelles, dont les familles canadiennes ont défini la norme, la dépendance et les rapports d’inclusion-exclusion, afin de montrer comment elles ont été un acteur central – c’est le fil qui traverse l’ensemble de l’ouvrage – dans la construction étatique et institutionnelle de la marginalité. Ensuite, en examinant les histoires des femmes et des hommes qui se situaient en dehors des mesures démographiques de la famille conjugale, l’ouvrage propose de tester l’hypothèse dominante en historiographie selon laquelle la famille nucléaire en Occident est irrévocablement normative. Ainsi, l’analyse des histoires de la veuve et de l’orphelin, mais aussi celles de la « vieille fille », du « vieux garçon », de la famille recomposée, de la personne âgée, de la femme monoparentale, du malade mental, permettra de voir quelles combinaisons de variables – de classe, de genre, de statuts socio-économique et marital – pouvaient donner lieu à la stigmatisation et à la marginalisation de certains membres de la famille. L’hypothèse centrale du livre et son approche théorique sont de concevoir la famille comme une institution politique de régulation sociale, au même titre que toute autre institution, jouant un rôle central dans la création des identités et des codes sociaux, selon un système hiérarchique en fonction de l’âge, du genre et du statut social. Les essais contenus dans ce livre soutiennent que, pour comprendre le rôle croissant de l’État canadien, il faut commencer non pas par l’analyse du regard des institutions publiques de régulation sociale, mais plutôt par l’étude des manières dont les conceptions et les expériences des familles ont façonné les paramètres des interventions de l’État. En ce sens, les auteurs cherchent à se distancier des approches plus classiques de l’historiographie de la famille selon lesquelles la famille ne serait que le dépositaire privé des liens affectifs et émotifs, havre suspendu hors des contextes sociaux et économiques plus larges. Au moyen d’analyses de lettres et de journaux personnels, de romans d’époque, de testaments, d’archives d’hôpitaux et de politiques publiques, les auteurs de cet ouvrage s’efforcent de montrer, au contraire, le rôle déterminant des familles canadiennes et québécoises dans la construction des marginalités et du processus de la formation de l’État. Ils cherchent ainsi à placer la famille au coeur des récits de l’histoire sociale et comme point de départ pour voir comment elle a construit les identités sociales. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première traite des « familles brisées » par la mort (ou l’abandon), laissant l’un ou l’autre des conjoints veuf ou veuve et des enfants orphelins, des familles recomposées par le remariage et l’adoption des enfants du « premier lit ». Dans tous ces cas, rôde la figure de la marginalisation sociale. Pourtant, les auteurs de cette partie montrent que, malgré la discontinuité d’un statut social après la mort et le veuvage, une continuité se voyait réétablie par le remariage, surtout des veufs, par un système de solidarité et d’obligations dans la famille élargie, parfois par une reconnaissance sociale d’un élargissement du rôle des veuves (Brun). Ainsi, la famille doit être conçue, soutient Christie, non seulement comme étant au centre de la production économique …

Appendices