Dossier : L’enseignement de l’histoire au premier cycle universitairePrésentation

L’enseignement de l’histoire au 1er cycle universitaire : portrait, enjeux et perspectives d’avenir[Record]

  • François-Olivier Dorais and
  • Martin Pâquet

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  • François-Olivier Dorais
    Département des sciences humaines et sociales, Université du Québec à Chicoutimi

  • Martin Pâquet
    Département des sciences historiques, Université Laval

Il en va d’abord de la lucidité du constat : l’enseignement de l’histoire au 1er cycle universitaire se porte mal au Québec. Comme l’étude de François Guérard nous le montre en ouverture du présent dossier, de toutes les disciplines des sciences humaines enseignées dans les universités québécoises, c’est bien l’histoire qui a connu les baisses de recrutement les plus significatives ces dernières années. Depuis 1992-1993, année record pour les nouvelles inscriptions dans les programmes de 1er cycle, 1210 étudiant.e.s entamaient un baccalauréat en histoire au Québec ; ils et elles sont 600 en 2017-2018, ce qui représente une diminution de moitié au chapitre du recrutement. À divers degrés et à différents rythmes selon les établissements, les taux d’inscriptions sont globalement en déclin de 39 % depuis 2011. Ces données trahissent une diminution effective de l’attractivité des programmes d’histoire à l’université. Elles trahissent sans doute aussi une remise en cause de leur pertinence en regard d’une culture universitaire qui, tendanciellement indexée aux lois du marché, valorise de plus en plus la formation technique et le retour immédiat sur investissement. Enfin, il y a peut-être lieu de se demander si elles ne trahissent pas certains défis internes à notre discipline. À l’heure du régime de l’opinion, de la relativisation de l’expertise scientifique, de la diversification des accès à la connaissance historique par le numérique et de la remise en cause des grands récits dominants, l’histoire universitaire n’est peut-être plus à même d’incarner, aussi aisément qu’avant, une parole d’autorité et de vérité. Nous le savons, le problème n’est pas propre au Québec. Au cours de la dernière décennie, il y a une tendance générale à la baisse des inscriptions dans les programmes d’histoire à l’échelle nord-américaine, alors pourtant que les taux de fréquentation des universités ne cessent, eux, d’augmenter. Aux États-Unis, les reculs sont significatifs : entre 2008 et 2017, la fréquentation des « majeures » en histoire est passée de 34642 à 24266 étudiant.e.s. Ces reculs ont particulièrement accéléré depuis l’année universitaire 2011-2012, avec une tendance accentuée dans le Midwest. Il en va de même pour le Canada anglophone, où les effectifs étudiants dans les départements d’histoire n’ont cessé de diminuer pendant la même période. Des témoignages récents de professeur.e.s des départements d’histoire des universités York, Waterloo et Trent confirmaient que leurs cohortes étudiantes au baccalauréat ont fondu de plus de la moitié dans les dix dernières années. Bien que l’évolution de la fréquentation des programmes soit soumise à des fluctuations cycliques – personne n’a oublié les creux inquiétants des années 1980 et ceux de la période 1992-1997 –, le fléchissement actuel, que plusieurs attribuent aux effets de la crise économique de 2008, n’en représente pas moins une tendance lourde et préoccupante. D’autant que, là encore, elle semble frapper plus durement l’histoire que toutes les autres disciplines des sciences humaines et sociales. Il y a matière à s’interroger. À l’intérieur de la crise généralisée des humanités qui frappe le monde universitaire depuis plusieurs décennies, l’histoire connaîtrait ainsi un sort particulièrement préoccupant. D’aucuns s’étonneront peut-être de ce constat, alors que l’engouement public pour l’histoire ne démord pas, que la concurrence des mémoires s’exacerbe dans l’espace public, que les polémiques entourant la gestion du patrimoine et de la commémoration fusent, que l’édition historique se porte plutôt bien et que le rendement professionnel des diplômé.e.s en sciences humaines et sociales au Canada est plutôt bon. Constat d’autant plus surprenant que la gravité des problèmes de notre époque – ceux des changements climatiques, du défi de la gouvernance …

Appendices