Dossier : Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidaritéTémoignages : les amis du Chili

Mon implication dans le Comité Québec‑Chili[Record]

  • Suzanne-G. Chartrand

Je suis la 5e des 7 enfants de Simonne Monet Chartrand et Michel Chartrand. Mes parents ont choisi d’élever leurs enfants dans la nature. J’ai passé mon enfance dans les années 1950 à Varennes, puis à Boucherville et à Longueuil. À la maison, les questions sociales et politiques étaient très présentes. Je me suis politisée très jeune. J’ai commencé à enseigner au secondaire en 1967 après avoir obtenu le baccalauréat français. J’ai passé l’essentiel de ma vie en éducation : dans l’enseignement secondaire, dans des organismes d’éducation populaire et dans l’enseignement universitaire après avoir fait des études doctorales en didactique du français. Après ma retraite de l’Université Laval, j’ai mis sur pied un collectif citoyen pour contribuer à l’amélioration du système scolaire. Le collectif Debout pour l’école ! travaille à la promotion d’une école de qualité et équitable. De nombreux engagements militants ont parcouru ma vie. Quand le coup d’État est survenu le 11 septembre 1973, j’habitais à Montréal. Je travaillais depuis quelques mois au Secrétariat Québec-Amérique latine (SQAL) et au Centre de formation populaire (CFP). L’animateur communautaire Louis Favreau, un des fondateurs du SQAL, et d’autres membres du CFP m’avaient recrutée au printemps 1973. Nous y travaillions vraiment très fort pour des salaires minables. Mais ce n’était pas important, l’argent ne m’a jamais intéressé. Nous faisions de la formation de type sociopolitique avec toutes sortes de mandats auprès de différents groupes sociaux dans les milieux populaires du Québec, syndiqués ou pas. J’y ai travaillé jusqu’en 1980. Le coup d’État ne fut pas une surprise dans nos cercles du SQAL et du CFP. Nous attendions le renversement du gouvernement d’Allende d’une façon ou d’une autre. Il y a d’ailleurs eu le Tanquetazo en juin 1973. On savait que les militaires n’allaient pas accepter de laisser en place un gouvernement socialiste au Chili et encore moins les États-Unis d’Amérique. Mais ce fut tout de même un coup de poing au visage de plusieurs. Beaucoup de gens pressentaient qu’une action importante allait survenir pour tenter de mettre à mal l’Unité populaire et la mobilisation populaire, mais on ne pouvait pas prévoir exactement quand elle viendrait, ni quelle forme elle prendrait. Le golpe (coup d’État) a donc été vécu comme un choc par plusieurs au Québec. Ce sont tous les espoirs d’un peuple, en plein processus de libération, qui ont été annihilés de façon brutale. Ce fut vraiment un choc pour des milliers de gens qui suivaient avec espoir les mobilisations du peuple chilien sous l’Unité populaire. Moi, bien sûr, comme tant d’autres, j’ai ressenti un sentiment de révolte et de colère après le coup d’État. Mais je me suis rapidement mise à l’action. Comme mon père, alors président du Conseil central de la CSN à Montréal, je me disais qu’il fallait faire en sorte que les gens comprennent ce qui s’était passé, et qu’ils refusent cette situation. Car ce qui se passait au Chili avec les militaires aidés par le gouvernement des États-Unis et de la CIA pouvait très bien se passer ailleurs aussi. Au moment du coup d’État, mon père, Jean Ménard, un prêtre ayant vécu de nombreuses années au Chili et revenu au Québec peu avant le golpe, et moi avons immédiatement alerté les trois grandes centrales syndicales de l’époque, la FTQ, la CSN et la CEQ. Nous avons dit : « Il faut vite faire quelque chose ». Il y avait déjà parmi la population progressiste du Québec un grand intérêt pour l’expérience de l’Unité populaire et, évidemment, une consternation devant le coup d’État. Nous avons donc organisé une rencontre à Montréal le 19 septembre, huit jours …

Appendices