Chronique bibliographique

Marie-Hélène Parizeau et Soheil Kash (dir.), Néoracisme et dérives génétiques, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, 294 p., ISBN 2763784003.[Record]

  • Silvia Visciano

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  • Silvia Visciano
    Université de Foggia (Italie)
    Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Du fait des progrès liés aux biotechnologies, à la génétique et à la génomique, la question de l’origine des peuples et de leur histoire se pose avec une nouvelle acuité. Cette vague a démarré au début des années 70, lors de l’expérimentation des premières techniques de diagnostic prénatal dans la médecine de procréation, et elle accompagne aujourd’hui tant les dernières découvertes du diagnostic préimplantatoire que les débats liés à la médecine dite ethnique ou raciale. Dès l’introduction, les rédacteurs de l’ouvrage Néoracisme et dérives génétiques, Marie-Hélène Parizeau et Soheil Kash – l’une biologiste, les deux philosophes – mentionnent une certaine continuité logique, parfois opérationnelle, entre la génétique, les pratiques biomédicales, les recherches en génomique (banques d’ADN et profilage génétique, dépistage génétique) et les risques éventuels de dérives néoracistes : Ce recueil d’articles (qui en compte douze au total) est l’aboutissement du colloque « Discriminations sociales et discriminations génétiques : enjeux présents et à venir » (tenu les 30 et 31 mars 2004, à l’Université Laval, à Québec) et s’interroge donc sur la situation actuelle dans le domaine biotechnologique : l’enjeu est-il purement génétique ou faut-il aussi investir la sémantique philosophique, éthique, sociale, juridique ? Et si toutes les techniques utilisant le génome – thérapies géniques, séquençage et stockage des résultats, diagnostics, etc. – prévoient désormais une utilisation clinique, une mise en débat interdisciplinaire et un élargissement des questions aux compétences philosophique, anthropologique, sociale et bioéthique ne sont-ils pas nécessaires, voire indispensables ? Par cette précision, cet ouvrage plonge le lecteur au coeur de deux volets : l’exploration du concept de néoracisme tel qu’il se pose comme problème dans un contexte occidental se fondant sur les différences culturelles (premier volet) et la prise en considération des enjeux éthiques liés à l’existence, éventuelle et non univoque, de différences biologiques entre races humaines (second volet). Dans le premier chapitre, É. Balibar réfléchit sur trois catégories anthropologiques du racisme, soit la différence, l’altérité et l’exclusion : « Analyser la nature et les fonctions du racisme en termes de différences, d’altérité, d’exclusion, c’est en rechercher les analogies, et peut-être les corrélations avec d’autres phénomènes comme le sexisme, le nationalisme, l’impérialisme, les pratiques “bio-politiques” » (p. 28). À la suite d’un excursus historique et épistémologique de ceux-ci (cf. la tentative de rapprochement de la philosophie de H. Arendt aux réflexions de M. Foucault, p. 41-44), l’auteur souligne l’absence d’univocité des définitions due largement à l’alliance fluctuante de la discipline anthropologique avec les propos et le vocabulaire des doctrines scientifiques en général, biologiques en particulier : « Il s’avère que dans notre expérience du monde contemporain le racisme est plus insistant que jamais. Il se révèle autrement résistant et polymorphe que ne l’avaient pensé ceux qui […] en ont défini le concept » (p. 45). Pour rester dans le domaine de l’anthropologie, adressons-nous à J.-L. Amselle qui tente de prendre en considération l’« espace du métissage » (cf. p. 121-126) en y posant un regard rétroactif : cette auteure cherche précisément à s’interroger sur l’applicabilité de ce concept aux époques qui ont précédé sa définition dite scientifique. Abordée selon la double vision locale et globale (qui accompagne les arguments transgénique, du clonage, de l’ethnocide et de l’extinction), la question paraît non résolue et plutôt désordonnée. Pour dissiper cette confusion conceptuelle, Amselle propose l’usage de la métaphore du branchement – « celle d’une dérivation de signifiés particularistes par rapport à un réseau de signifiants planétaires » (p. 132) – qui paraît d’ailleurs insuffisante pour expliquer les quêtes identitaires et les appartenances raciales. Concernant le thème de la race, D.T. Goldberg fait dans le …

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