Chronique bibliographique

Patrick Forest (dir.), Géographie du droit – Épistémologie, développement et perspectives, coll. Diké, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, 286 p., ISBN 978-2-7637-8799-2.[Record]

  • Guillaume Provencher

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  • Guillaume Provencher
    Université Laval

Depuis sa création, la collection Diké s’est donné pour mission d’offrir un lieu de rencontre non restrictif en vue de permettre des débats autour de questions de nature juridique. La direction de cette collection a su démontrer avec efficacité au fil de ses publications antérieures qu’un débat autour des questions juridiques implique nécessairement la rencontre avec d’autres champs d’études. Les ouvrages de cette collection ont habitué le lectorat à la philosophie du droit, à la philosophie politique et à la sociologie. Ils l’ont également surpris parfois en l’initiant à la communication, à la linguistique et à la bioéthique, par exemple. La collection Diké continue maintenant sur sa lancée avec une rencontre à première vue pour le moins inusitée : elle propose un rendez-vous entre le droit et la géographie. Patrick Forest assure la direction de l’ouvrage collectif intitulé Géographie du droit. Il rassemble pour l’occasion des géographes et des juristes de traditions juridiques et géographiques variées. Il organise et présente les textes d’une douzaine d’auteurs avec pour objectif ultime de stimuler les échanges entre les disciplines du droit et de la géographie. Forest « cherche davantage à susciter la réflexion sur leurs complémentarités qu’à [rompre] avec un passé qui serait “négligent” de cette interdisciplinarité » (p. 9). Son ouvrage est essentiellement exploratoire. Il permet aux lecteurs de découvrir l’interface géolégale dans laquelle « espaces et normes se conjuguent dans le développement de concepts et de dispositifs méthodologiques communs » (p. 7). Les pays anglo-saxons ont déjà établi, quant à eux, les jalons d’une discipline commune au droit et à la géographie qu’ils nomment legal geography. L’approche interdisciplinaire géolégale demeure à ce jour un lieu peu fréquenté dans la francophonie. L’ouvrage sous la direction de Forest constitue la première tentative de la discipline en français. Il fonde ainsi les bases de la legal geography dans la langue de Molière. Il se distingue également de ses voisins anglo-saxons par la présence non seulement de travaux critiques, mais aussi de textes de nature positiviste. En effet, les travaux effectués jusqu’à présent dans le domaine de la legal geography constituent une tribune privilégiée pour le développement d’une perspective critique. Si la francophonie n’en est qu’à ses balbutiements sur l’interface géolégale, la legal geography demeure tout de même une discipline récente dans les pays anglo-saxons. Ce ne sera que durant les années 80 et 90 que les rapports spationormatifs seront pour la première fois théorisés. Les travaux bidisciplinaires antérieurs limitaient habituellement la portée de leurs analyses au seul impact de l’une des disciplines sur l’autre. Il s’agissait certes d’une démarche nécessaire, mais elle demeurait insuffisante pour la mise en place d’un cadre d’analyse singulier. La première étape de francisation de la discipline s’intéressant à l’interface géolégale consiste à lui trouver un nom. À cet égard, la traduction littérale de legal geography doit être exclue, car elle a un caractère trop restrictif, précise Forest. Elle renvoie à l’idée de loi ; or la loi, ce n’est pas le droit et, du même coup, la loi ne constitue pas le seul champ d’intérêt de la legal geography. Après quelques tentatives de dénominations infructueuses, Forest reprend, emploie et consacre la formulation géographie du droit, telle que l’a proposée Henri Dorion qui est à la fois géographe et juriste. Selon lui, l’expression « géographie du droit » a pour avantage « de n’impliquer aucune hiérarchisation, de s’affirmer interdisciplinaire et de rassembler l’ensemble des chercheurs s’intéressant aux liens géographie-droit » (p. 27). C’est l’usage de l’expression qui saura dire si elle constitue la désignation la plus appropriée mais, à la lecture de l’ouvrage, nous sommes à même …