Article body

Écrit dans une langue soignée et selon une approche événementielle, À l’aune de la Guinée équatoriale aborde trois thèmes principaux: la colonisation; la colonisation et la néocolonisation; la corruption nationale et internationale, et la démocratisation. Le livre s’ouvre avec une longue préface de Luis Ondo Ayang, qui y souligne l’immense travail accompli par M. Liniger-Goumaz sur la Guinée équatoriale, ce qui ferait de celui-ci le plus grand spécialiste de ce minuscule pays devenu grand producteur de pétrole et de gaz depuis les années 1990. Outre cette reconnaissance du travail accompli, Luis Ondo Ayang dégage et questionne cinq principaux enjeux de la Guinée équatoriale, à savoir la terreur que l’État fait subir à son peuple, la corruption généralisée, la gestion du quotidien ou l’enfer des Équato-guinéens, un système judiciaire inféodé au chef de l’État, et enfin le non-respect des droits de la personne. Enl’absence d’une introduction, cette longue préface aurait pu en tenir lieu et, au besoin, remplacer le chapitre 1 qui constate, dénonce, juge et questionne le bien-fondé de certaines attitudes des milieux académiques face à l’Afrique.

Après avoir reconstitué la chronologie des principaux faits historiques qui ont marqué le passé de la Guinée équatoriale entre 1533 et 1883, le professeur Liniger-Goumaz analyse les visées allemandes sur Fernando Poo à la fin du XIXe siècle. On y découvre qu’elles sont dictées par la trilogie commerce-politique-religion. Les chapitres 4 et 5 font revivre les manoeuvres politico-diplomatiques entre la France et l’Allemagne dans leur volonté de conquérir le golfe de Guinée. Les chapitres 6 à 16 expliquent en quoi consiste la corruption, comment l’auteur perçoit la démocratie et la démocratisation en Afrique, comment les responsables équato-guinéens et les milieux internationaux se livrent à diverses manipulations dans la désinformation ou encore comment les uns et les autres combinent leurs efforts pour spolier le pays. Il s’agit d’un véritable réquisitoire, abondamment documenté, où faits historiques, analyses sociologiques, enjeux politiques nationaux et internationaux, luttes d’hégémonie, ambitions personnelles sont peints dans un style très caustique.

Face au clan de Mongomo, que l’auteur méprise et ridiculise (ce petit dictateur imprésentable, p. 12; un tropical gangster devant les Nations unies, p. 26), À l’aune de la Guinée équatoriale se déroule sur un fond de règlement de compte et s’enveloppe volontiers d’un air patibulaire. Il nous apprend comment les responsables pétroliers des grandes puissances soutiennent et régulent les actions des membres du clan de Mongomo, quitte à fouler aux pieds leurs propres valeurs occidentales les plus sacrées comme la démocratie, la justice, la liberté et les droits de la personne. On n’est ni coupable ni responsable tant que coule le pétrole.