Comptes rendus bibliographiques

AMILHAT-SZARY, Anne-Laure et FOURNY, Marie-Christine (dir.) (2006) Après les frontières, avec la frontière. Nouvelles dynamiques transfrontalières en Europe. La Tour d’Aigues, L’Aube, 169 p. (ISBN 2-7526-0190-5)[Record]

  • Frédéric Lasserre

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  • Frédéric Lasserre
    Université Laval

Les frontières font débat en Europe : frontières extérieures de l’Union, frontières entre pays, parfois même frontières à l’intérieur de certains pays. Avec la mondialisation et l’avènement du marché unifié dans le cadre de l’Union européenne, les frontières internes de l’Europe sont en pleine mutation. Dans ce cadre européen et mondial, plusieurs auteurs ont défendu l’idée de la disparition de l’importance des territoires et des frontières. Les discours sur les frontières abondent, soit pour en décrier l’archaïsme général, ou en demander de plus efficaces, ou encore sur les frontières pertinentes à instaurer, voire sur la dialectique entre élaboration de coopérations transfrontalières et besoin de barrières à renforcer sur les bordures externes. La littérature sur les frontières s’enrichit de plusieurs ouvrages depuis quelques années, témoignage de l’intérêt porté à cette problématique par des géographes, des juristes, des sociologues ou des politologues. Depuis le début du processus de construction européenne, mentionnons Géographie des frontières (1974) de Paul Guichonnet et Claude Raffestin, et également en français Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique (1986 et 1991), LObsession des frontières (2007) de Michel Foucher, Le géographe et les frontières (1997) sous la direction de Jean-Pierre Renard, La frontière des origines à nos jours (1998) de Maïté Lafourcade, et Ville et frontières (2002) de Bernard Reitel et al. La littérature anglo-saxonne rassemble aussi de très nombreux titres, dont les travaux de JRV Prescott et David Newman. Avec l’entrée en vigueur du marché unifié et de l’Espace Schengen, la plupart des frontières internes de l’Union européenne sont désormais ouvertes aux flux de personnes, de capitaux et de marchandises. Sont-elles pour autant comme on peut le lire ou l’entendre ici ou là, archaïques, dépassées, voire effacées ? Le parti pris de cet ouvrage collectif qui rassemble des contributions issues d’un colloque organisé à Grenoble par l’UMR Pacte-territoires et l’Institut de géographie alpine, est de montrer que les frontières politiques internes de l’Europe et les espaces frontaliers qui les jouxtent sont, au contraire, au coeur de dynamiques territoriales complexes qui ne peuvent être résumées par des affirmations caricaturales. Les frontières sont certes déplacées, resignifiées, virtualisées mais elles continuent à marquer et à participer pleinement à des processus de construction territoriale novateurs. Ainsi, les espaces transfrontaliers émergents peuvent être considérés comme de véritables laboratoires, où l’on verrait apparaître de nouveaux rapports au territoire, ce dernier étant considéré dans sa dimension culturelle, sociale, anthropologique et pas simplement dans son acception politique. Pour les auteurs de ce livre, plutôt que de vivre l’après des frontières politiques, soit une nouvelle époque qui verrait l’abolition des frontières, antienne simpliste des médias peu informés, nous sommes en réalité face à un gigantesque chantier territorial. Des dynamiques fines et complexes se mettent en place à différents niveaux, bousculant des espaces transfrontaliers, questionnant les identités locales et nationales, établissant de nouveaux types de relations à travers des frontières qui demeurent mais voient leur vocation changer. En ce sens, ce recueil, issu d’un colloque tenu en 2004, n’est pas novateur, mais se propose de rassembler des textes qui approfondissent la réflexion sur cette dynamique en cours. Cet ouvrage examine ces processus de recomposition frontalière et de construction transfrontalière. Les diverses contributions analysent les acteurs de ces espaces, les définitions identitaires ainsi que les mobilités qui les fondent. Elles révèlent que les frontières internes de l’Europe sont aujourd’hui des laboratoires où se redéfinissent les fondements des relations entre acteurs, les identités et les différences. Quelques remarques de détail tout d’abord. On s’étonnera, dans l’introduction, d’apprendre que l’avènement de la représentation westphalienne du territoire, après 1648, s’est accompagné de l’essor de l’État-nation : c’est …