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Le livre que proposent Hélène Mathian et Lena Sanders s’appuie sur un courant méthodologique qui prend de plus en plus d’importance, autant en géographie, en archéologie et en géomatique qu’en économie, soit celui de la modélisation spatiotemporelle. Si on a longtemps étudié les phénomènes sous l’angle temporel (analyse des séries chronologiques) puis sous l’angle spatial (analyse spatiale), ce n’est que récemment qu’on s’est intéressé à l’étude spatiotemporelle des phénomènes. Il faut avouer, comme le mentionnent à juste titre les auteures, que le développement rapide de la technologie, avec le traitement de masse des données et le développement de logiciels spécialisés, a largement contribué à la popularité de l’analyse spatiotemporelle.

Objets géographiques et processus de changement : approches spatio-temporelles s’inscrit directement dans la ligne éditoriale de la série de livres proposée par les éditions ISTE, c’est-à-dire rendre accessible à un large public des sujets qui, a priori, pourraient sembler trop spécialisés. Cette série des éditions ISTE propose de démocratiser plusieurs champs des sciences sociales en offrant une documentation simple, adéquate, précise, et ce, à un coût abordable (la version électronique se vend à moins de 10 euros tandis que la version imprimée se vend à moins de 40 euros).

Le livre de Mathian et Sanders est accessible à un large public qui s’intéresse à la modélisation spatiotemporelle. Les auteures ont réussi à rendre le compte accessible sans faire appel à de longues démonstrations mathématiques, un défi difficile à relever lorsqu’il est question de modélisation spatiotemporelle. Les auteures proposent un tour de piste intéressant, bien que loin d’être exhaustif, des différentes approches de modélisation spatiotemporelles dans le cadre de la géographie humaine et des domaines connexes.

Structuré autour de quatre chapitres, le livre se veut un outil d’introduction pour des méthodes appliquées telles que les systèmes d’information géographique (SIG) et les modèles de microsimulation, dont les systèmes multiagents (SMS) et les automates cellulaires (AC). Le premier chapitre présente les concepts importants et utiles pour la suite de la lecture du livre : il permet notamment de mettre tous les chercheurs sur un même niveau en définissant clairement tous les concepts. Ce chapitre normalise un vocabulaire qui, dans un contexte où les collaborations multidisciplinaires se multiplient, peut avoir plusieurs connotations pour des chercheurs d’horizons différents. Cette mise en contexte est donc non seulement utile, mais elle s’avère nécessaire.

Les trois autres chapitres permettent une introduction aux microsimulations en mettant l’accent sur les différentes étapes de la modélisation, mais en soulignant l’importance des choix effectués par le chercheur-modélisateur. Ils mettent en lumière les différentes approches possibles tout en soulignant leurs forces et leurs faiblesses. Le lecteur est ainsi amené à analyser le processus de création d’un « modèle » dans toutes ses phases. Le livre permet clairement de bien expliciter pourquoi un modèle ne peut pas nécessairement apporter des réponses à toutes les questions : l’orientation choisie au départ est largement tributaire des questions de recherche posées par le chercheur-modélisateur. Après tout, un modèle se veut une simplification de la réalité. Les éléments qui sont mis de côté ne sont autre chose que des choix (explicites ou implicites) effectués par le chercheur en fonction de ses objectifs, préalablement établis.

Les explications sont simples à suivre tout au long du livre, même pour un non-initié. Elles sont, la plupart du temps, accompagnées d’exemples tirés de la documentation empirique. Ce lien entre théorie et pratique facilite la progression et la compréhension. D’ailleurs, le livre présente plusieurs courants théoriques en lien avec la croissance démographique et, en ce sens, propose une couverture intéressante et assez large d’un certain pan de la littérature dans ce domaine.

La seule ombre au tableau est probablement la faible présentation de certaines méthodes statistiques (au chapitre III), qui est faite rapidement sans que le lecteur puisse nécessairement apprécier le choix et le rôle de ces méthodes dans l’analyse. C’est le cas du recours aux analyses factorielles, par exemple. Bien que décrites rapidement, les auteurs font le choix de mettre un accent plus grand sur les méthodes utilisées que sur l’intuition de celles-ci. La discussion intuitive des choix des approches statistiques aurait probablement mieux complété la démarche choisie au départ.

Nonobstant ce point mineur, le livre permet, au final, une introduction vulgarisée à la modélisation spatiotemporelle dans un contexte de microsimulations. L’approche choisie par les auteures permet une présentation simple et facilite la lecture par le plus grand nombre possible. Cet ouvrage de référence m’apparaît particulièrement pertinent pour les étudiants et les chercheurs non spécialistes qui souhaitent se lancer dans la modélisation spatiotemporelle, mais dont le langage mathématique les rebute souvent. Le livre permet non seulement de comprendre la logique derrière le fonctionnement des outils présentés, mais également d’entrevoir tout le potentiel d’application, ainsi que la pertinence des outils mathématiques et statistiques en sciences sociales appliquées.