Abstracts
Résumé
L’auteure relate une expérience unique de ravissement et de doute qu’est celle de participer à la construction d’une bibliothèque, de passer d’un dépôt de livres à un espace de vie, de concilier passion et raison, créativité et besoins bibliothéconomiques. Pour réussir le projet, la complicité d’un dialogue constructif entre les partenaires est essentielle.
Abstract
The author describes the unique experience of wonderment and doubt that is inherent in the construction of a library, transitioning from book depot to a living space, merging passion and reason, creativity and library service requirements. A close and constructive dialogue amongst all the partners was essential if this project was to succeed.
Resumen
El autor relata una experiencia única de embelesamiento y de incertidumbre: la de participar en la construcción de una biblioteca, de pasar de un depósito de libros a un espacio de vida, de conciliar pasión y razón, creatividad y necesidades biblioteconómicas. Para garantizar el éxito del proyecto, es esencial la complicidad de un verdadero diálogo constructivo entre las partes.
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Émotions, craintes, pérennité des décisions : ce n’est pas chose facile que de travailler à la construction d’une bibliothèque. Comme l’expérience est rarement au rendez-vous plus d’une fois dans la vie d’un bibliothécaire, on ne peut miser sur le vécu. Qui plus est, passer d’un dépôt de livres à un espace de vie se fait avec ravissement, certes, mais avec appréhension. La liste des besoins à pourvoir est très longue et la représentation spatiale que l’on se fait du projet est plutôt éthérée : un changement souhaité qu’on a du mal à structurer. Le concours d’architecture va permettre d’entrevoir une occupation du sol intéressante, mais pourra-t-on s’assurer que la proposition réponde aux nombreuses attentes? C’est là tout le dilemme. La passion et la raison dans un face-à-face où on veut éviter toute collision. La créativité, l’esthétisme et les besoins bibliothéconomiques sont-ils conciliables?
La réponse est affirmative (oui, oui et oui) à travers le Programme fonctionnel et technique (PFT). Il s’agit d’un exercice de premier ordre pour les bibliothécaires et pour les architectes. Pendant une année, la directrice de la Bibliothèque publique de La Malbaie, Marie-Claire Fortin, a répertorié de façon méthodique les besoins et elle les a conciliés dans un rapport. Plus cette étape est détaillée, plus elle répond aux attentes des architectes. À la question « Que voulez-vous comme bibliothèque? », il est possible de répondre de façon précise par le descriptif des fonctions et des services que les architectes peuvent par la suite traduire spatialement. Les deux équipes, bibliothèque et firmes (le Consortium Bisson/ACDF*/Desgagnés, architectes, et la firme d’ingénieurs Technika HBA), se sont mises d’accord sur trois principes de base : la transparence, le bois et le blanc (couleur). Le concept reposait sur cette acceptation mutuelle. Il n’en fallait pas plus pour établir une complicité qui a marqué toutes les étapes du projet. Les architectes et les ingénieurs ont intégré cette vision et ont établi un dialogue constructif. L’énergie a été décuplée et il s’en est suivi une composition dynamique.
Les architectes ont présenté les éléments d’inspiration au conseil d’administration de la bibliothèque : la grève et son bois, rappel de la forêt et des goélettes d’autrefois; le fleuve et la rivière, au gré des saisons; le perron d’une maison ancestrale, avec ses berçantes et ses vieilles histoires... Intéressant, on n’était pas dépaysé. Beauté du paysage charlevoisien que des spécialistes utilisaient judicieusement : patrimoine, urbanité, intégration à l’environnement. On était de plus en plus à l’aise. Les barrières tombaient peu à peu. On entrait dans le discours : marier le bâtiment au paysage, faire entrer la mer, apprivoiser la luminosité. La magie opérait. Le concept partait d’éléments connus, transplantés dans un processus créatif bien établi : des espaces, des couleurs et de la fluidité. De larges baies vitrées, le prolongement de l’espace intérieur vers l’extérieur avec un plancher qui devient un perron et, en son centre, un grand arbre : le symbole végétal de la forêt face au fleuve, dans toute sa splendeur. De l’ombre l’été, de la couleur à l’automne, de la vie à longueur d’année. La transparence du verre pour rappeler le ciel, l’infini, le voyage par le rêve.
Bien que sous le charme, il a fallu néanmoins retomber sur terre. Le budget, les mètres carrés, les besoins immenses et l’espace qui semblait rétrécir comme peau de chagrin. On voulait parer à tous les inconvénients du vieux bâtiment, on ne voulait rien oublier. On a eu peur, on a redouté l’erreur avec laquelle on devrait vivre pendant des décennies.
Et puis, les plans ont été présentés. Tout y était, mais à une échelle réduite : la visite de bibliothèques récentes bien cotées dans des zones urbaines, dans des territoires très peuplés, avait laissé une impression de services démultipliés. Comment tout intégrer dans un espace moins vaste qu’on ne le croyait? Les architectes avaient une longueur d’avance. Ils connaissaient les limites imposées par un budget et s’y conformaient. De notre côté, l’apprentissage s’est fait au fur et à mesure. On questionnait, on évaluait, on réfléchissait et on déduisait que l’expérience de la firme constituait une assurance afin de présenter un tout harmonieux. Et les normes bibliothéconomiques fournissaient une assise solide pour confirmer les besoins et dialoguer avec ces spécialistes.
Quelques esquisses sont venues confirmer que l’architecte avait bien saisi l’essence de la demande initiale. Tout était calculé, mais dans une approche de détente et de services. L’esthétique était au rendez-vous : le puits de lumière, raccord entre deux fonctions d’un même bâtiment; des couleurs fortes, distribuées avec parcimonie; un mur carmin, clin d’oeil aux flamboyants couchers de soleil; un vert pomme acidulé dans l’espace des tout-petits, qui capte la lumière pour les enfants et qui stimule leur bonne humeur.
Un espace aéré où le blanc et le noir créent le contraste requis dans des aires plus calmes, meublées avec harmonie. Et le bois qui serpente comme une bordure de littoral…
La bibliothèque forme un espace intégré : tout y est à sa place et la configuration des lieux laisse une impression de complétude. La planification serrée a permis d’atteindre cet équilibre qui caractérise les lieux. L’usager se sent bien et l’organisation générale en fait un véritable milieu de vie. Tout est réfléchi, à sa place.
Quant à l’art et à l’esthétique, ils ont trouvé place tout naturellement. Comme toutes les exigences de fonctionnement étaient satisfaites, il a été possible d’intégrer une démarche artistique pour accrocher et l’oeil et le coeur. Le beau n’est pas en opposition à l’utile et au fonctionnel. Il fait corps et se traduit par une perception sensorielle.
L’esthétique en architecture n’est pas un « plus » surajouté par un architecte cache-misère sur un bâtiment construit par de vrais constructeurs. Une construction est belle si elle a sa place et si le geste qu’elle sous-tend est lisible.[1]
On peut lire la bibliothèque, car elle expose ses zones d’activités, ses espaces dédiés (coin enfants et espace adolescence), son espace culturel pour faciliter la fréquentation d’artistes en devenir. En somme, un milieu fort de vie qui appelle à la découverte.
Appendices
Note
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[1]
Quéromain, Yves. 1991. Le geste de l’architecte. Autres temps. Les cahiers du christianisme social 32 (32), 13-15. <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1991_num_32_1_1481> (consulté le 17 décembre 2013).