Cet ouvrage de Jocelyn Coulon et de Damien Larramendy, en collaboration avec Marie-Joëlle Zahar, porte sur la gestion de la fragilité étatique. Les auteurs analysent les activités des Bureaux onusiens de consolidation de la paix (bcp) en République centrafricaine (rca), qui a accueilli sur son sol plus de dix missions de paix entre 1997 et 2014. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première porte sur le cadre théorique de l’étude. La deuxième est consacrée à l’analyse du cas centrafricain et la dernière se focalise sur le cas du Tchad comme élément de contraste pour mieux étudier le cas centrafricain. L’érosion des institutions et la violence interne sont les deux symptômes les plus fréquemment associés à la fragilité étatique. Mais il existe une multitude d’États fragiles qui ne présentent pas de signes d’instabilité politique imminente. Les agences et organisations internationales spécialisées dans l’aide au développement considèrent qu’un État est fragile lorsqu’il ne peut ou ne veut remplir les trois fonctions de l’État à savoir : la provision de la sécurité, la représentation de la population, et la provision des services essentiels. Ainsi donc, la fragilité étatique est liée à trois types de déficits : un déficit sécuritaire qui intervient lorsque l’État perd le monopole de la violence légitime sur son territoire ou l’exerce de manière abusive, un déficit de gouvernance qui se traduit par la non-représentativité des gouvernants et leur illégitimité, et un déficit développemental qui se manifeste par l’incapacité de l’État à pourvoir aux services essentiels. Les causes de la fragilité étatique sont attribuables à deux catégories de facteurs : d’une part, les facteurs d’ordre interne, généralement, c’est la capture de l’État par des intérêts privés et le développement des inégalités ; d’autre part, les facteurs externes font référence à la localisation géographique dans une zone d’instabilité chronique et aux interventions étrangères. Pour mesurer la fragilité étatique, le failed state index est l’initiative la plus complète dans le domaine. Elle se base sur douze indicateurs répartis en trois grandes catégories (économique, sociale, politico-militaire) et subdivisés chacun en une série de composantes. Plusieurs critiques sont formulées à l’encontre des indicateurs de la fragilité. Nous en évoquerons trois. La première critique insiste sur le fait que les indicateurs de la fragilité n’incluent pas certaines données qui peuvent aider à comprendre les différences de performance entre deux pays au contexte différent. La deuxième rappelle que les indicateurs de la fragilité se penchent uniquement sur les catégories à problème alors elles n’évaluent que les symptômes sans offrir une explication des causes et des remèdes possibles. Enfin, une dernière critique concerne l’attribut « fragile » qui pourrait être décerné à des États pour des raisons politiques plutôt que sur des bases objectives. Les éléments de fragilité en rca relèvent du déficit de gouvernance et de la régionalisation de la crise centrafricaine. Les dirigeants centrafricains et leurs opposants cherchent toujours des appuis politiques et militaires à l’étranger. Ainsi, l’instabilité en rca ne peut, être déconnectée de l’intervention d’un grand nombre d’acteurs régionaux et internationaux. Au Tchad, les failles se situent aussi à deux niveaux selon les auteurs : c’est d’une part le déficit de gouvernance et de sécurité, car il y a une fracture entre le nord et le sud du pays, et, d’autre part, la dimension transnationale de la fragilité tchadienne. Le Bureau de l’Organisation des Nations Unies au Congo (bonuc) et le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (binuca) n’ont pas été en mesure de mettre en oeuvre une partie de leurs mandats, notamment en ce qui …
Consolidation de la paix et fragilité étatique. L’onu en République centrafricaine, Jocelyn Coulon et Damien Larramendy, 2015 Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 228 p.[Record]
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Papa Samba Ndiaye
Maître-assistant associé, Section Science politique, ufr Sciences juridiques et politiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal