Depuis l’appel lancé par Susan Strange en 1970, l’économie politique internationale (Epi) s’est imposée comme une discipline centrale en relations internationales. Aujourd’hui, c’est plus du quart des professeurs en relations internationales aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni qui s’en réclament. Cette importance croissante de l’Epi n’est évidemment pas sans lien avec l’actualité internationale des dernières décennies. Crises pétrolières, krachs boursiers et négociations commerciales ont mis en évidence l’interdépendance des enjeux économiques et politiques sur la scène internationale. De même, la complexité de ces événements rappelle l’importance de fondements théoriques solides pour la recherche en Epi. Comme Stéphane Paquin l’écrit dans Theories of International Political Economy, les chercheurs en Epi ne peuvent tout simplement pas adopter une « approche de touriste ». Une connaissance théorique approfondie est indispensable. À ce titre, l’ouvrage représente un excellent manuel d’introduction pour les nouveaux étudiants en Epi. Paquin y remplit les deux fonctions de base qu’un manuel en Epi devrait remplir. D’une part, il présente l’évolution historique de la discipline et, d’autre part, il explique avec clarté les postulats des principales théories utilisées en Epi. Dans les deux premiers chapitres, Paquin revoit plus spécifiquement les débats qui ont animé l’Epi depuis sa création. Il y souligne la différence entre les approches orthodoxes et hétérodoxes. Sans rejeter le bien-fondé d’un dialogue, il soutient qu’elles sont en dernier recours irréconciliables. La préférence pour l’individualisme méthodologique et le positivisme des approches orthodoxes s’oppose à la vision plus holiste et postpositiviste des approches hétérodoxes. Dans les chapitres trois à huit, qui forment le coeur du livre, Paquin emprunte habilement les concepts de centre, semi-périphérie et périphérie de la théorie du système-mondé d’Immanuel Wallerstein pour présenter les principales théories de l’Epi. Le centre est ainsi composé des théories réalistes, libérales et de l’économie ouverte. À ceux qui pourraient affirmer que le réalisme n’est pas aussi central en Epi qu’il peut l’être dans les études sur la sécurité, Paquin rappelle que les théories libérales se sont principalement développées en réaction au réalisme. Par ailleurs, les approches libérales et réalistes adoptent les mêmes postulats rationalistes qui font d’elles les approches orthodoxes par excellence en Epi. Cette adoption du rationalisme leur permet notamment de dialoguer plus aisément entre elles qu’avec les théories en périphérie de la discipline. Paquin positionne subséquemment le marxisme, le néo-gramscisme et l’école anglaise en semi-périphérie de la discipline. Sans être complètement en marge, ces théories hétérodoxes jouent un moins grand rôle dans la recherche en Epi. Ici, il est clair que Paquin a été influencé par la récente littérature sur le soi-disant clivage transatlantique. Bien qu’il ne mette pas autant l’accent sur l’élément géographique, il lie très clairement les théories hétérodoxes aux travaux de chercheurs venant majoritairement de l’extérieur des États-Unis. Cela contribue d’une certaine façon à expliquer leur position périphérique. Paquin souligne néanmoins que toutes les théories hétérodoxes ne sont pas équivalentes. En termes épistémologiques, il soutient que le marxisme est un programme de recherche dégénératif au vu de ses récents résultats. À l’opposé, il est d’avis que le néo-gramscisme est un programme de recherche progressif, puisqu’il est utilisé pour expliquer de nouveaux phénomènes. L’écologisme et le féminisme représentent finalement la périphérie des approches théoriques en Epi. Peu d’auteurs adoptent ces théories particulièrement critiques et postpositivistes. Au mieux, les approches libérales abordent l’environnement comme objet d’étude, mais elles ne révisent pas fondamentalement leurs postulats théoriques. Il reste à voir si cette incorporation des enjeux environnementaux au sein des approches orthodoxes pourrait à terme permettre aux …
Theories of International Political Economy, Stéphane Paquin, 2016, Don Mills, Oxford University Press, 227 p.[Record]
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Guillaume Beaumier
Warwick University / Université Laval, Warwick, Royaume-Uni / Québec, Canada