Abstracts
Résumé
Au début du xve siècle, Christine de Pizan participe à un débat déjà en cours sur l’importance littéraire de Jean de Meun. Si les lettres qu’elle adresse à ses adversaires se plaisent à souligner que cet auteur ne mérite aucun éloge, les versions textuelles de ce débat produites entre 1402-1403 redéfinissent dans son ensemble l’enjeu du débat. En effet, Christine affirme dans les versions qu’elle a supervisées que ses interventions dans le débat n’étaient motivées que par son intention d’oeuvrer pour « l’onneur et louenge des femmes ». Aussi en appelle-t-elle au public pour la soutenir dans cette entreprise. Cet article s’appuie sur les travaux de Pierre Bourdieu concernant la formation et la mise en oeuvre des codes culturels ou des « goûts » afin d’examiner la manière dont Christine a formulé son argument en remodelant les critères d’évaluation de la littérature vernaculaire. Il s’agira d’abord d’analyser le mécanisme de l’échange entre l’auteure et ses adversaires avant de s’intéresser à la mise en oeuvre textuelle de ce débat épistolaire en portant un intérêt particulier à l’addition des deux dédicaces qui introduisent le Débat. Cette approche nous permettra de comprendre les différents axes poursuivis par Christine afin de former non seulement une communauté qui lira le débat comme un appel à la défense des femmes, mais qui répondra par un appel aux futurs éloges collectifs, tels que le Livre de la Cité des dames qui sera terminé par l’auteure trois ans plus tard.
Abstract
At the outset of the 15th century, Christine de Pizan joined in an ongoing debate on the literary importance of Jean de Meun. While letters addressed to her opponents are dismissive of this author, according her scant praise, the textual versions of this debate produced between 1402 and 1403 set forth its essential issues. In fact, in the version she supervised Christine claims to have entered the debate solely to work for “l’onneur et louenge des femmes” and she calls on her public to support her in this endeavor. This article draws on Pierre Bourdieu’s work on the formation and implementation of cultural codes or “tastes” to examine how Christine formulated her argument by reinventing the criteria used to assess vernacular literature. Examining first the exchange mechanism between the author and her adversaries, this study then turns to the textual mise en oeuvre of the epistolary debate with particular focus on the addition of two dedications introducing the Débat. This approach shows us the various strategies adopted by Christine to marshal a community that will read the debate as a defence of women and also generate a market for future texts in praise of women, such as the Livre de la Cité des dames that Christine would complete three years later.