Introduction[Record]

  • Dmitriy Oparin and
  • Virginie Vaté

…more information

  • Dmitriy Oparin
    Passages (UMR 5319, Université Bordeaux Montaigne – Université de Bordeaux – CNRS). Lors de la préparation de ce volume, Dmitriy Oparin était employé par l’Université d’État de Moscou (Faculté d’Histoire, Département d’Ethnologie), le Département des études nordiques et sibériennes de l’Institut d’Ethnologie et d’Anthropologie de l’Académie des Sciences de Russie, et l’Institut de Politique Sociale de l’École des Hautes Études d’Économie de Moscou.
    dimaoparin@hotmail.com

  • Virginie Vaté
    Centre national de la Recherche scientifique (CNRS), Groupe « Sociétés, Religions, Laïcités » (UMR 8582 CNRS/EPHE PSL)
    virginie.vate-klein@cnrs.fr

Cela fait quinze ans déjà que la revue Etudes Inuit Studies a publié son dernier numéro entièrement consacré à la région de Tchoukotka et à ses habitants. Si l’on peut voir la Tchoukotka en partie comme une « région marginale du monde inuit », comme le disait Yvon Csonka, rédacteur invité de ce précédent numéro, on ne peut cependant pas nier la nécessité de saisir les dynamiques qui s’y produisent pour une meilleure compréhension du monde eskaléoute mais aussi plus largement de l’Arctique, autochtone ou non. Depuis le dernier numéro thématique consacré à la Tchoukotka, de nombreuses études anthropologiques, historiques, archéologiques et linguistiques ont été publiées sur la région. La Tchoukotka n’a cessé de changer, tout comme la vie quotidienne de la population autochtone. Marquée par une densité démographique faible (moins de 50 000 habitants pour un territoire d’environ 720 000 km2 – une superficie équivalant à environ une fois et demie l’Etat du Yukon), la Tchoukotka regroupe une grande diversité de population. Les Autochtones y sont minoritaires (ils représentent aujourd’hui environ 25 à 30 % de la population totale), mais leur proportion a augmenté par rapport à la fin de la période soviétique. En effet, au cours des années 1990, une grande partie des Allochtones a quitté la région ne trouvant plus les privilèges salariaux accordés à ceux vivant dans le nord (en russe, severnye nadbavki) suffisamment intéressants face aux difficultés économiques de la période post-soviétique, aux conséquences particulièrement prégnantes dans la région. D’autres mobilités ont été induites par la fermeture de certaines agglomérations considérées non rentables comme Iul’tin en 1995 (district d’Iul’tin), Ureliki en 2000 (district de Providenia) ou encore Šahtërskij en 2008 (district d’Anadyr). Ce mouvement général de la période post-soviétique a conduit une partie des autochtones à quitter les villages pour les centres urbains où s’était libérés des logements à la suite du départ de certains allochtones et où la « qualité de vie » semblait meilleure, présentant un bassin de l’emploi plus vaste, de meilleurs salaires, des produits de meilleure qualité, des meilleures écoles et un meilleur accès aux activités culturelles pour les enfants, etc. Dans les années 2000, de nouveaux habitants sont venus de Russie centrale (appelée localement « le continent », materik), en particulier des Républiques de la Volga (Kalmoukie et République des Maris). Ils occupent des postes de gardes-frontières, médecins, enseignants et directeurs d’école. Leur venue a permis de stabiliser la situation démographique de la région sans pour autant entrainer une croissance véritable de la population. Si les villages sont en général à majorité autochtone, ils témoignent également d’une grande diversité. La définition des assignations identitaires peut être sujette à débat, mais quelques données chiffrées, aussi imprécises soient-elles, offrent un aperçu des différentes communautés qui se dessinent : du côté des autochtones, d’après le recensement de 2010, les Tchouktches, qui ont donné leur nom à la région, sont environ 12 800, les Yupik environ 1500, les Evènes 1400 et les Tchouvantses 900. Selon la même source, les populations dites Allochtones sont à majorité des Russes (près de 25 000) ; on y rencontre aussi des Ukrainiens (près de 2900), mais aussi des représentants d’autres nationalités, moins nombreux tels que des Tatars (451), des Azerbaïdjanais (107), des Arméniens (105), des Ouzbeks (79) et des Kazakhs (70). L’attention de ce numéro est portée surtout aux Autochtones, à la fois du fait des intérêts de la revue, mais aussi parce qu’ils sont davantage au coeur des recherches existantes. Située à l’extrême nord-est de la Russie, la Tchoukotka établit un pont entre l’Asie et l’Amérique : si elle fait géographiquement partie de l’espace …

Appendices