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Introduction

Aujourd’hui, nous constatons de plus en plus dans le marché du travail que les exigences en matière de profils de qualifications demandés par les employeurs évoluent dans le sens d’intégrer des soft skills et des compétences personnelles en plus des compétences professionnelles. Dans notre étude, la compétence se définit au singulier, mais elle englobe plusieurs dimensions comme celles relatives à la cognition, à la conation et à l’affectivité. Une définition proche de notre investigation est celle qui place la notion de compétence en aval de l’intelligence dans un triptyque constitué de l’attitude sociale, de l’approche cognitive et de l’existence cognitive (Zarifian, 2001). Nous la trouvons également étroitement liée à l’action et exprimée en savoir agir, vouloir agir et pouvoir agir (Le Boterf, 2000), ou résumée en un ensemble composé de savoirs, savoir-faire et savoir-être (Boudreault, 2009), ou enfin comme forme opératoire structurée caractérisée par sa prédisposition à l’apprentissage et à l’acquisition à travers des constructions mentales abstraites et hypothétiques (Gilbert et Parlier, 1992).

Les soft skills ou compétences douces ont la caractéristique principale de couvrir non seulement la composante cognitive et comportementale de la compétence, mais aussi sa composante conative (Naceur, 2010, 2013). Cette dernière provient du latin conatus, -us : « effort, élan, essai, entreprise » (Hatchuell et Weil, 1992) et en psychologie, la conation représente la troisième composante de l’action, avec la cognition et l’affectivité, où elle est dans ce triplet, définie par certains psychologues comme la résultante de l’attitude, de la préférence et des valeurs (Naceur, 2006). Les soft skills sont des compétences transversales essentielles à la vie et à tout type d’activité professionnelle. Parmi les éléments essentiels qui font partie de la composante conative, il y a l’estime de soi. Rosenberg (1979) a montré à travers son échelle (Crépin et Delerue, 2011) que les individus peuvent être répartis entre ceux qui ont une très faible, faible, forte ou très forte estime de soi relativement à un score qu’ils obtiennent sur ladite échelle.

Bien que cette dernière échelle soit pertinente pour mesurer l’estime de soi d’une façon générale, il est judicieux de la peaufiner pour des catégories ciblées telles que les apprenants de la formation professionnelle (FP)[1]. Les constats relevés sur le chômage des jeunes diplômés de la FP stipulent que dans certains cas, leur manque de compétences réside plutôt dans leur déficit d’appropriation des soft skills, notamment d’estime de soi. En outre, une règle générale appliquée par les recruteurs stipule qu’à compétences techniques égales, c’est celui qui a des soft skills développées qui sera embauché.

À partir de là, nous avons mené une étude sur une cohorte d’apprenants dans la période de 2017-2018 qui a touché les composantes d’un modèle de compétence visé intégrant : estime de soi, prise de décision, littératie et esprit entrepreneurial. Dans cet article, nous nous focalisons sur l’importance de l’estime de soi comme composante conative dans la compétence d’un apprenant de la FP à travers une étude théorique suivie d’une expérimentation réalisée sur le terrain. Le travail expérimental a consisté, d’une part, à mener une enquête qui a couvert 506 apprenants inscrits dans 13 centres de FP répartis sur le territoire tunisien, et d’autre part, à effectuer une analyse qualitative basée sur des entretiens semi-directifs avec sept apprenants appartenant à la population (27 apprenants) ayant participé à la préenquête et dont le choix a été principalement fait sur la base de possession de l’interviewé d’une expérience professionnelle avant de s’inscrire à sa formation.

D’abord, nous présentons un aperçu théorique sur l’estime de soi. Ensuite, nous exposons notre travail expérimental relatif à l’enquête et aux entretiens semi-directifs. Cela étant, nous menons une discussion sur les résultats que nous avons obtenus sur la base d’une analyse statistique quantitative et d’une analyse qualitative. Enfin, nous terminons par des perspectives portant sur la prise en compte de la composante estime de soi dans le modèle de compétence à appliquer dans la FP en Tunisie.

Aperçu théorique

Nous avons étudié l’estime de soi comme composante conative dans la compétence d’un apprenant de la FP. Toutefois, nos bases théoriques pour l’appréhender ont été tirées en grande partie des résultats des études de Morasse (1995) et de Tremblay (2010).

Études de Morasse sur l’élève du primaire et de Tremblay sur l’apprenant de la FP

L’estime de soi constitue à la fois une valeur fondamentale dont la personne s’imprègne tout au long de sa vie et une caractéristique spécifique de son cursus d’éducation et de formation. Nous la retrouvons chez les élèves de l’enseignement primaire comme un facteur déterminant dans leur motivation à l’apprentissage selon le type de matières étudiées (Morasse, 1995). Pour les apprenants de la FP, l’étude de Tremblay (2010) a montré que les facteurs savoir, enseignant et climat de la classe influençaient de part et d’autre l’acquisition des compétences par les jeunes, ce qui lui a permis de proposer un modèle d’intervention pédagogique pour favoriser le développement de l’estime de soi de l’élève. Nous nous sommes focalisés sur ces deux études qui ont traité du développement de l’estime de soi respectivement chez l’enfant et chez le jeune apprenant de la FP. En nous appuyant sur la première, nous avons intégré dans le questionnaire une partie qui se rapporte au cursus scolaire du jeune avant de s’inscrire dans la FP. Par la suite, nous nous sommes basés sur la seconde pour écrire les questions relatives au comportement et à l’attitude de l’apprenant dans l’environnement de la FP.

Morasse (1995) s’est intéressée aux liens entre les dimensions de l’estime de soi et la motivation scolaire chez les élèves de sept et huit ans. Dans notre étude, nous avons considéré qu’à cet âge, l’enfant commence à acquérir certain degré d’estime de soi qui peut se répercuter sur son parcours ultérieur scolaire ou de FP. C’est ce dernier parcours qui nous intéresse et qui nous a amenés, à travers le questionnaire, à analyser les répercussions de la scolarité antérieure sur l’estime de soi de l’apprenant lorsqu’il passe de l’école ou du collège vers le centre de FP. C’est pour cela que les questions posées aux enquêtés ont porté notamment sur l’origine d’un sentiment éventuel de ne pas être à sa place dans la formation, la qualification justifiée de son expérience scolaire, sa confiance vis-à-vis de ses capacités d’acquisition des compétences au début de la formation et son sentiment en participant à la formation.

Les résultats de Morasse relatifs à l’origine et aux conséquences de la motivation qu’aura l’individu envers certaines tâches professionnelles ou scolaires, bien que liés à des enfants âgés de sept à huit ans, nous ont éclairés sur les caractéristiques conatives du profil des jeunes qui viennent en première inscription dans la FP. Nous savons d’emblée que la majorité de ceux qui s’inscrivent en certificat d’aptitude professionnelle ou en brevet de technicien professionnel n’ont pas accompli leur cursus d’enseignement de base ou secondaire avec une performance qui aurait pu leur permettre de poursuivre leurs études dans un niveau supérieur au lycée ou à la faculté. De ce fait, on les retrouve avec une estime de soi plus ou moins affectée par leur passé scolaire. « Bandura (2002) stipule que la confiance en ses capacités d’apprentissage provient entre autres de la perception des performances passées. Cette confiance est en lien avec l’estime de soi » (Tremblay, 2010, p. 10). Dans le même ordre d’idées, Harter (1986, 1990, 1993 cités dans Tremblay, 2010, p. 34) considère que l’estime de soi est influencée par la perception qu’ont les enfants et les adolescents de leurs compétences dans des domaines qui leur importent. En outre, nous observons sur le terrain que les apprenants de la FP ont un malaise lorsque l’apprentissage est dominé par l’aspect théorique au détriment de travaux pratiques et appliqués. Certains acteurs de la FP qualifient ce genre de formation de scolarisée qui s’apparente plutôt à des cours en classe qu’à des mises en situations professionnelles. De là, nous nous sommes fixé l’idée d’analyser l’estime de soi assimilée à une perception de soi générale (Morasse, 1995, p. 4) de l’apprenant de la FP à partir d’une panoplie de facteurs qui couvrent les trois grandes perceptions de soi qui influencent la motivation à apprendre. Ces dernières sont la perception de sa compétence à accomplir la tâche demandée ; la perception de l’importance de la tâche à accomplir et la perception des causes relatives aux succès et échecs (Viau, 1992 cité dans Morasse, 1995).

Tremblay (2010) avait étudié une tranche d’âge couvrant des élèves adultes de la FP. Nous pensons que l’éventuelle différence d’âge entre la population qu’elle avait analysée et la nôtre n’influence pas nos résultats en termes qualitatifs pour deux raisons. D’une part, nous avons repris la même base de définition de l’estime de soi en la considérant comme une représentation de « la valeur qu’un individu s’accorde globalement, valeur qui fait appel à la confiance fondamentale en son efficacité et en son mérite » (Ibid). D’autre part, il s’agit de la même impression portée sur la voie de la FP au Québec qu’en Tunisie. Tremblay disait : « Cette voie de scolarisation est peu valorisée et peu valorisante aux yeux de plusieurs élèves. […] Or, certaines recherches démontrent que le faible rendement scolaire peut avoir un impact négatif sur l’estime de soi » (Tremblay, p. ii).

Elle misait sur l’enseignant (le formateur) pour développer l’estime de soi de l’apprenant à travers l’élaboration d’un modèle d’intervention pédagogique. Ce qui importe pour nous, ce sont les facteurs qu’elle a pris en compte dans son modèle pour modifier les pratiques du formateur. En effet, son modèle a été structuré sous forme de trois zones d’intervention : l’enseignant, le savoir et le climat de la classe. Et son expérimentation visait cinq composantes : l’autonomie, la compétence, l’identité, le climat de la classe et le plaisir (Tremblay, p. iii).

Fondement théorique de notre choix sur Rosenberg pour l’élaboration du questionnaire

Pour élaborer notre questionnaire d’enquête et notre guide d’entretien, nous nous sommes appuyés principalement sur les deux recherches de Morasse (1995) et de Tremblay (2010). Cependant, notre choix a été initialement fondé sur l’échelle de Rosenberg (Crépin et Delerue, 2011) validée comme test usuel relatif à l’estime de soi générale, ce qui nous a amenés à le réajuster pour l’apprenant de la FP.

En effet, nous sommes partis de l’idée défendue par James (1890) et appuyée par Rosenberg (1979) stipulant que « l’estime de soi d’un individu dépend de l’écart entre son moi actuel et ses aspirations. [Elle est associée] à une notion d’ambition [et à] l’importance qu’un individu accorde à l’atteinte de la réussite » (Tremblay, 2010, p. 30). Puis, nous nous sommes acheminés vers l’élaboration d’un questionnaire renfermant toutes ces questions liées à l’estime de soi et s’articulant essentiellement autour des variables portant sur la motivation à l’apprentissage, en particulier en matière d’aides ou de freins à l’acquisition de compétences et à l’atteinte de ses objectifs. Nous avons alors résumé ces items dans les huit catégories suivantes : l’identité et le statut d’apprenant, l’utilité ressentie et l’image de soi, le parcours de formation, la reconnaissance sociale de la formation, la considération par les autres, l’intérêt et l’esprit de groupe, l’investissement personnel et l’autonomie et la responsabilisation.

Méthodologie

Notre méthodologie de travail pour analyser l’estime de soi chez les apprenants de la FP a consisté à faire passer le questionnaire, ensuite à réaliser cinq entretiens semi-directifs avec sept apprenants pris seuls ou en binôme. Ainsi, nous avons obtenu des corpus constitués de 506 questionnaires renseignés et de cinq verbatims résultant des entretiens. Ces corpus nous ont permis de mener une analyse quantitative et qualitative dans laquelle nous avons utilisé comme outils, essentiellement le logiciel SONAL pour la transcription du discours des interviewés et le logiciel SPSS pour l’analyse statistique.

Validation du questionnaire de l’enquête et du guidage des entretiens semi-directifs

Le questionnaire élaboré a été utilisé dans la phase de la préenquête qui a touché 27 apprenants. Cette phase nous a permis, d’une part, d’ajuster le questionnaire pour la phase de l’enquête définitive. D’autre part, nous avions constaté que l’ajustement des questions nécessitait encore un travail plus étroit avec les apprenants, notamment sur des aspects pour lesquels ils devraient s’exprimer oralement dans leur langage quotidien dialectal[2]. C’est la raison pour laquelle nous avons dû reporter l’ajustement définitif du questionnaire à une phase suivant la passation des entretiens semi-directifs.

Nous avons préparé les discours autour de thèmes en relation avec l’estime de soi et d’autres compétences transversales, ce qui a constitué notre guidage d’entretien conduit d’une façon spontanée et interactive laissant l’interviewé parler et faire son récit de vie professionnelle et de description d’actions (Dufour, 2014).

Rapprochement à l’échelle de Rosenberg

Après avoir élaboré et validé le questionnaire, nous nous sommes penchés sur sa comparaison avec le questionnaire relatif à l’échelle de Rosenberg (Crépin et Delerue, 2011). Cette comparaison nous a amenés à faire un rapprochement entre nos questions posées dans le questionnaire et celles de Rosenberg pour pouvoir par la suite adopter le même barème de notation et les mêmes interprétations relatives aux niveaux d’estime de soi (très faible, faible, moyenne, forte et très forte).

Les dix items dans l’échelle de Rosenberg (Ibid) correspondent, après rapprochement, aux dix variables suivantes dans notre fichier des données : « Adéquation », « Confiance », « Partage », « Rythme », « Adulte », « Plaisir », « Intégration », « Stress », « Compensation » et « Marge de manoeuvre ». Rosenberg considère l’estime de soi comme résultante de ces 10 variables. Or, dans notre cas, en plus d’admettre cette relation de dépendance, nous avons effectué une analyse statistique descriptive et inférentielle par rapport aux autres variables appartenant aux huit catégories susmentionnées.

Notre méthode de calcul de la résultante de l’estime de soi

Nous commençons par la résultante basée sur le barème de Rosenberg et que nous avons désignée par la variable codée dans notre fichier SPSS par « TOTAL Estime de Soi ». Elle a consisté à attribuer une note allant de 1 à 4 à chaque réponse à une question pour laquelle une variable est associée.

Pour les autres variables appartenant aux catégories susmentionnées, nous avons prélevé et analysé chaque fois une variable qualitative ou quantitative qui fait partie d’une catégorie.

Résultante améliorée de calcul de l’estime de soi

Dans une seconde étape, nous avons analysé l’effet de chacune des variables prélevées sur la variable résultante « TOTAL Estime de Soi ». Nous avons analysé également des relations corrélationnelles ou causales entre les variables relatives aux huit catégories concernées en utilisant les tests de R de Bravais-Pearson ou de (ρ) Rhô de Spearman selon la distribution des variables quantitatives étudiées normale ou non ou bien de (χ) Khi-carré quand les variables sont qualitatives. La notion de normalité de la distribution d’une variable s’avère cruciale dans notre analyse puisqu’elle nous a permis de voir essentiellement comment les scores des apprenants relativement à une modalité sont distribués et si ces scores sont enveloppés par la courbe de Gauss ou non. S’ils le sont, alors les réponses obtenues aux différents items dont dépend la variable considérée ne sont pas liées au sujet (l’apprenant) lui-même, mais à la relation mutuelle entre les items. Et nous en déduisons alors que les tests sont sensibles. Cette analyse nous a permis de déboucher sur une nouvelle résultante à 17 items, que nous avons codée « SecondTOTestimeSoi » et à laquelle une autre amélioration a été apportée en définissant une nouvelle résultante à 16 items, que nous avons codée « TroisiemeTOTestimeSOI ».

Facteurs déterminants de l’estime de soi définis par la méthode ACP

Des deux exercices précédents, nous avons déduit qu’une analyse plus raffinée s’imposait pour définir plus finement les facteurs déterminants de l’estime de soi, c’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à la méthode d’Analyse en Composantes Principales (ACP).

Analyse quantitative

Notre analyse a été progressive. Nous sommes partis de l’étude de normalité de la variable de base « TOTAL Estime de Soi », puis nous avons analysé la variable « SecondTOTestimeSoi », ensuite la variable « TroisiemeTOTestimeSoi » pour terminer avec l’ACP. Nous présentons et discutons ci-après, dans cet ordre, des résultats de chaque niveau d’analyse pour qu’après, nous puissions conclure sur la typologie de l’estime de soi de l’apprenant de la FP en Tunisie et sur son importance comme composante conative dans la compétence de ce dernier.

Analyse statistique descriptive de la variable « TOTAL Estime de Soi »

Le test de la variable « TOTAL Estime de Soi » est valide pour les 506 apprenants enquêtés. La moyenne de l’échantillon est 28,61 presque égale à la médiane et au mode, donc la distribution est quasi-normale comme le montre la figure (figure 1).

Figure 1

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « TOTAL Estime de Soi » de Rosenberg

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « TOTAL Estime de Soi » de Rosenberg

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Nous avons conclu, d’après les valeurs trouvées de l’estime de soi calculée selon l’échelle de Rosenberg, que plus de 89% des apprenants enquêtés ont une estime de soi de moyenne à très faible, dont 62% une estime de soi entre faible et très faible, ce qui nous permet de penser à prévoir des mécanismes pédagogiques et professionnels permettant de renforcer l’estime de soi chez les apprenants de la FP.

Nous verrons, dans ce qui suit, que l’estime de soi est affectée par des facteurs autres que ceux considérés par Rosenberg. C’est le résultat de l’analyse de la variable « SecondTOTestimeSoi » construite par nos propres soins sur la base des items du questionnaire.

Construction et analyse de la variable « SecondTOTestimeSoi »

Nous avons étudié, comme l’illustrent les deux exemples suivants, l’existence ou l’absence de relation entre la résultante de base « TOTAL Estime de Soi » et chaque facteur correspondant à une variable prélevée parmi celles qui appartiennent aux huit catégories susmentionnées.

Exemple de la variable « OriginSentimentEtrange »

Les résultats obtenus pour cette variable montrent que la valeur de signification «p» du test est inférieure à 0,05 pour les réponses codées FCAAPT (Contenu trop facile pour moi, je n’apprends rien, je perds mon temps) et NCBAPT (Cela n’a rien à voir avec mes besoins et attentes, je perds mon temps) à la question « En participant auparavant à une formation, vous avez eu le sentiment de ne pas être à votre place parce que ? ». Nous en déduisons que les réponses susmentionnées affectent l’estime de soi. Dans la figure (figure 2), nous avons représenté, pour la réponse JEUS (Jamais, je n’ai eu ce sentiment), l’écart par rapport à la normale en fonction des valeurs observées. Nous remarquons que, pour les valeurs comprises entre 20 et 36, l’écart par rapport à la normale est presque nul, ce qui montre que la distribution est normale. Ceci est confirmé d’emblée par la courbe de Gauss que nous avons tracée par-dessus l’histogramme de la modalité en question, donné par la figure (figure 3). En revanche, pour la modalité DCNPB (Contenu trop difficile pour moi, je n’ai pas les bases), la valeur de «p» est supérieure à 0,05, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de relation entre l’estime de soi et la variable « OriginSentimentEtrange » pour la modalité DCNPB.

Figure 2

Écart des valeurs observées par rapport à la normale pour la variable « OriginSentimentEtrange » pour la modalité « JEUS »

Écart des valeurs observées par rapport à la normale pour la variable « OriginSentimentEtrange » pour la modalité « JEUS »

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Figure 3

Histogramme des effectifs d’apprenants qui n’ont jamais eu le sentiment étrange ramenés à la variable « TOTAL Estime de Soi »

Histogramme des effectifs d’apprenants qui n’ont jamais eu le sentiment étrange ramenés à la variable « TOTAL Estime de Soi »

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Exemple de La variable « EstimationDroitErreur »

D’après le tableau 1, plus l’estimation de son droit à l’erreur est élevée, plus «p» est élevée et s’approche de 0.05, c’est-à-dire les estimations moyennes (les réponses « plutôt oui » et « plutôt non ») qui affectent énormément l’estime de soi. Il est aussi à remarquer que la distribution de la variable « EstimationDroitErreur » suit une loi normale (figure 4), de même pour la distribution de « TOTAL Estime de soi » rapportée à la modalité « 3 » correspondant à la réponse « plutôt oui » de la variable « EstimationDroitErreur » (figure 5).

Tableau 1

Test de normalité de la variable « TOTAL Estime de Soi » rapporté aux modalités de la variable « EstimationDroitErreur »

Test de normalité de la variable « TOTAL Estime de Soi » rapporté aux modalités de la variable « EstimationDroitErreur »

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Figure 4

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « EstimationDroitErreur »

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « EstimationDroitErreur »

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Figure 5

Histogramme des effectifs d’apprenants qui estiment avoir plutôt droit à l’erreur, ramenés à la variable « TOTAL Estime de soi »

Histogramme des effectifs d’apprenants qui estiment avoir plutôt droit à l’erreur, ramenés à la variable « TOTAL Estime de soi »

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Nous avons pu conclure, d’après l’analyse qui précède, que vu la relation que nous venons de confirmer entre certaines variables qui n’ont pas été prises en compte par Rosenberg et l’estime de soi, nous avons jugé opportun d’étudier leur effet sur l’estime de soi en analysant leur effet sur la résultante « SecondTOTestimeSoi ».

Pour ce faire, nous avons pris en considération, en plus des items de Rosenberg, des variables extraites du questionnaire d’enquête que nous avons désignées comme étant des variables additionnelles, dont les modalités ont une relation avec la variable « TOTAL Estime de Soi ». La variable « SecondTotEstimeSoi » est notée sur 68, qui est le total corrigé du total défini par Rosenberg.

Analyse statistique de la variable « SecondTOTestimeSoi »

Selon Rosenberg, l’estime de soi est considérée comme moyenne lorsque sa valeur est supérieure à 30, c’est-à-dire aux deux tiers (2/3) de la valeur maximale (40). En procédant par analogie dans l’interprétation de la variable « SecondTOTestimeSoi », nous pouvons considérer que l’estime de soi est moyenne lorsque sa valeur est strictement supérieure à 45.

D’après le tableau (tableau 2), le test de la variable « SecondTOTestimeSoi » est valide pour les 506 apprenants enquêtés. La moyenne de l’échantillon est 43,07 presque égale à la médiane et au mode, donc la distribution est quasi-normale comme le montre la figure (figure 6).

Tableau 2

Caractéristiques statistiques de la variable « SecondTOTestimeSoi »

Caractéristiques statistiques de la variable « SecondTOTestimeSoi »

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Figure 6

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « SecondTOTestimeSoi »

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « SecondTOTestimeSoi »

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Les apprenants qui ont des valeurs strictement supérieures à 45, c’est-à-dire ceux qui possèdent au moins une estime de soi considérée comme moyenne, sont au nombre de 194, soit environ 38% de l’effectif total enquêté.

Croisement ou corrélation entre les variables

Après avoir effectué l’analyse de l’influence de chacune des variables sur l’estime de soi, nous avons analysé la relation mutuelle entre chaque couple de variables parmi celles étudiées en faisant appel au test de Khi carré lorsqu’il s’agissait de deux variables qualitatives et au test de Bravais Pearson lorsqu’il s’agissait de deux variables quantitatives.

À partir de là, nous avons conclu que les variables quantitatives sont corrélées et que pour les variables qualitatives, il y a celles qui sont en relation et d’autres qui ne le sont pas.

En conséquence, nous avons révisé la résultante de l’estime de soi en introduisant une autre variable « TroisiemeTOTestimeSoi » calculée sur la base des mêmes items de « SecondTOTestimeSoi » sauf la variable « MethoPrefereApprentissage », ce qui nous a donné un total qui passe de 68 à 64 et une estimation considérée moyenne dans la fourchette (43, 52). L’analyse statistique de la nouvelle variable « TroisiemeTOTestimeSoi » donnée par le tableau 3 et la figure 7 montre que le taux de l’effectif des apprenants possédant une estime de soi jugée moyenne passe de 38% à 44,7% et que celui ayant une valeur jugée forte passe de 3,75% à 9,1%. Le reste, soit 46,2%, a une estime de soi jugée faible ou très faible.

Tableau 3

Caractéristiques statistiques de la variable « TroisiemeTOTestimeSoi »

Caractéristiques statistiques de la variable « TroisiemeTOTestimeSoi »

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Figure 7

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « TroisiemeTOTestimeSoi »

Histogramme des effectifs d’apprenants par rapport à la variable « TroisiemeTOTestimeSoi »

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Nous confirmons par ces dernières déductions que, quelle que soit l’échelle de mesure appliquée dans le calcul de l’estime de soi, si nous tenons compte seulement des variables quantitatives dont les distributions suivent une loi normale, alors l’analyse statistique menée est fiable. En outre, la prise en compte de variables additionnelles à celles apparentées aux items de Rosenberg apporte davantage de finesse quant à la compréhension du phénomène de génération de l’estime de soi. En effet, en passant de la méthode de Rosenberg à la nôtre par le calcul des résultantes obtenues des variables (SecondTOTestimeSoi) et (TroisiemeTOTestimeSoi), nous avons conclu qu’entre 1/3 et 2/5 de l’échantillon a une estime de soi jugée moyenne par les différentes échelles et que les taux respectifs de l’effectif ayant une estime de soi située entre moyenne et très faible sont très comparables (89%, 96,25% et 90,9%).

Utilisation de la méthode d’Analyse en Composantes Principales (ACP)

Dans les paragraphes précédents, nous avons constaté une légère différence d’interprétation sur l’effectif des apprenants enquêtés et leur niveau d’estime de soi. Cette différence est due à la détermination exacte des variables (items ou facteurs) qui agissent sur l’estime de soi parmi l’ensemble des variables renfermées dans les huit catégories qui contiennent en tout 28 variables. En effet, nous avons pris en compte 10, puis 17 et enfin 16 variables selon la méthode de calcul utilisée.

Dans ce qui suit, nous fignolerons l’analyse en faisant appel à la méthode d’ACP qui nous permet, à partir des variables numériques parmi l’ensemble des 28 variables susmentionnées[3], d’extraire les composantes principales, c.-à-d., dans notre cas, de regrouper les variables en facteurs les plus déterminants dans le calcul de l’estime de soi.

Dans le premier exercice de l’ACP, nous avons pris toutes les variables numériques de chacune des huit catégories, ce qui a réduit le travail sur 21 variables dont les résultats d’interprétation de la matrice des composantes fournie par SPSS nous permettent de regrouper les facteurs en sept composantes comme suit :

  • La première composante comprend les sept variables :

    • DegréDadéquation,

    • DegréUtilité,

    • Plaisir,

    • QualitéTransfert,

    • EstimationAttractiviteSupportMethodologie,

    • Rythme et Compensation ;

  • La deuxième composante comprend les trois variables :

    • EstimationDroitErreur,

    • Intégration et Adulte ;

  • La troisième composante comprend les trois variables :

    • FaireDesComptesRendus,

    • DegréDeConfianceEnSoi,

    • EstimationCapaciteSeRappelerMemoire ;

  • La quatrième composante comprend les deux variables :

    • JugementScoAntérieure,

    • ExistenceBambiance ;

  • La cinquième composante comprend les deux variables :

    • ValSuiviForm,

    • Stress ;

  • La sixième composante comprend les deux variables :

    • DegréPartage,

    • ValValorisationForm ;

  • La septième composante comprend les deux variables :

    • ValSentiment,

    • Mmanoeuvre.

À la suite de ces résultats, nous avons jugé qu’il est important de regrouper davantage et de voir quels sont les trois facteurs (axes) déterminants dans la mesure de l’estime de soi, c’est-à-dire que nous ferons un passage d’un regroupement en sept composantes à un regroupement en trois seulement.

Les principaux résultats de l’exercice de l’ACP à trois facteurs montrent que trois composantes ne peuvent couvrir qu’environ 33% de l’ensemble des informations statistiques de la distribution, c.-à-d. 20% de moins par rapport à la couverture par sept composantes.

La rotation de la matrice des composantes (tableau 4) donne la répartition des variables par composante comme suit :

  • La première composante comprend les onze variables :

    • DegréDadéquation,

    • EstimationAttractiviteSupportMethodologie,

    • Plaisir,

    • QualitéTransfert,

    • DegréUtilité,

    • Adulte,

    • ExistenceBambiance,

    • Rythme,

    • Compensation,

    • EstimationCapaciteSeRappelerMemoire,

    • Intégration ;

Six font partie des variables de Rosenberg et deux additionnelles.

  • La deuxième composante comprend les six variables :

    • FaireDesComptesRendus,

    • Stress,

    • ValSuiviForm,

    • DegréDeConfianceEnSoi,

    • ValSentiment ;

Deux font partie des variables de Rosenberg et trois additionnelles.

  • La troisième composante comprend les quatre variables :

    • EstimationDroitErreur,

    • JugementScoAntérieure,

    • Mmanoeuvre,

    • DegréPartage ;

Deux font partie des variables de Rosenberg et une additionnelle.

Tableau 4

Rotation de la matrice des composantes obtenues par SPSS pour les 21 variables analysées par la méthode ACP

Rotation de la matrice des composantes obtenues par SPSS pour les 21 variables analysées par la méthode ACP

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Donc, nous retrouvons les dix variables de Rosenberg réparties sur les trois composantes, nos six variables additionnelles y sont également réparties et les cinq autres variables sont spécifiques à l’apprentissage et auraient pu être prises en considération dans le calcul de l’estime de soi, particulièrement dans un contexte de la formation professionnelle.

Enfin, nous pouvons qualifier les trois composantes selon les variables qu’elles contiennent comme suit :

  • La première composante est liée aux attentes de l’apprenant dans son environnement de formation ;

  • La deuxième composante est liée à la psychologie cognitive de l’apprenant ;

  • La troisième composante est liée à l’estimation de ses compétences personnelles.

Étude qualitative

Bien que le questionnaire d’enquête ait intégré des questions précises sur l’estime de soi, nous avons repris certaines d’entre elles d’une manière plus directe dans les entretiens semi-directifs afin de cibler des items qui n’étaient pas clairs ou non évoqués dans le questionnaire et nous les avons creusées davantage comme ces passages tirés de notre guide d’entretien et correspondant au thème d’intégration dans la formation.

« Vous avez eu de bons souvenirs de votre formation ? Ou alors il y a des personnes avec qui ça n’a pas trop collé ? (Si oui ?) Qui c’était : les formateurs, les collègues, les tuteurs en entreprise ? (Nous le laissons répondre et après) De quoi ça venait à votre avis ? C’était vous, vous n’étiez pas bien avec eux, ou bien c’était eux ou bien… (si non) ? Alors vous vous sentiez bien ? Vous étiez content ? Vous vous rappelez pourquoi ? Vous avez eu d’autres difficultés particulières pour faire une formation, celle-là ou autre ? Difficulté de transport ? D’achat de fournitures ? Pas de restaurant au centre ? (Pause) Comment ça a influencé votre poursuite de la formation ou du stage en entreprise ? ».

L’analyse qualitative a pris la forme d’une comparaison détaillée des interviews, en particulier par la détection des passages de récits et de description d’actions par question et par séquence figurant dans quatre grandes questions identifiées correspondant à quatre thèmes de l’entretien semi-directif qui sont : l’intégration dans la formation, les capacités d’autonomie et de communication demandées par les employeurs, les capacités de responsabilité et de décision demandées par les employeurs et l’appréhension de la complexité des tâches et activités relatives aux métiers envisagés et connaissance des diplômes correspondants.

Nous avons choisi les interviewés sur la base d’un traitement préliminaire exécuté sur les résultats de la préenquête et nous avons adopté des critères de choix susceptibles de faciliter le travail sur les thèmes susmentionnés. À cet effet, nous avons veillé à assurer dans la population interviewée une représentativité en matière de genre, de spécialité de formation, de niveau de qualification et d’expérience professionnelle cumulée dans un secteur ou champ d’activité exercée avant de s’inscrire dans un cursus de formation professionnelle. Cela nous a amenés à interviewer quatre garçons et trois filles faisant des formations dans les secteurs de l’habillement, de l’électricité de bâtiment et de la menuiserie d’aluminium et ayant des expériences professionnelles antérieures à leur formation, exercées dans divers secteurs d’activité professionnelle pour des périodes allant de quelques mois à deux ans.

Les résultats ressortant de l’étude qualitative menée sur l’estime de soi nous ont montré qu’elle dépend énormément des attentes de l’apprenant dans son environnement de formation au centre ou en entreprise. Cet environnement inclut la relation de l’apprenant avec son encadrant (formateur ou tuteur) ainsi que les conditions du stage en entreprise (Tremblay, 2010).

En nous référant à ces deux items, nous avons obtenu les deux résultats suivants. D’une part, le modèle de compétence est en train de produire des apprenants qui n’ont pas de relations satisfaisantes avec leurs encadreurs, particulièrement en entreprise, et d’autre part, les conditions de l’apprentissage par l’expérience qui se réalise dans l’entreprise sont généralement défavorables. Le modèle de compétence est censé préparer les bonnes conditions de mise en oeuvre de la formation, y compris prévoir un terrain propice pour des relations fructueuses entre l’apprenant et son encadrant. Ceci n’est pas obtenu puisque la majorité des apprenants interrogés sur ces points n’ont pas su surmonter convenablement les conditions difficiles auxquelles ils ont été confrontés. Dans le même contexte, l’un des interviewés a affirmé qu’en entreprise, on ne lui a pas donné une marge de manoeuvre dans l’organisation de son travail. Nous avons constaté, d’après son discours, que son niveau de prise d’initiative était affecté négativement, vu notamment son manque d’expérience professionnelle et l’excès de sous-estimation de ses capacités. D’autres interviewés ont vécu des situations similaires marquées par des difficultés vécues au centre ou en entreprise ainsi que par leur interaction mitigée avec le formateur ou l’encadreur, ce qui a influencé leur poursuite de la formation ou leur abandon.

Discussion

Dans cette étude qui s’inscrit dans une étude plus globale portant sur les dimensions : cognitive, comportementale et conative d’un modèle de compétence, nous avons mis l’accent sur une sous-composante conative, qui est l’estime de soi. Nous sommes partis de l’influence qu’elle exerce sur la motivation du jeune à apprendre et à acquérir des compétences, confirmée par certaines recherches antérieures telles que celles de Morasse (1995), Tremblay (2010) et Masmoudi et Naceur (2010). De là, il s’avère que l’estime de soi revêt une importance considérable dans tout modèle de compétence à adopter au sein d’un dispositif d’éducation et de formation. Nous avons cherché à révéler l’origine de cette importance à travers la détermination de la typologie de l’estime de soi et de son rôle. Pour ce faire, nous avons pris comme exemple, dans notre présente investigation, le cas du modèle appliqué dans la FP en Tunisie. Nous avons étudié et mesuré à travers une analyse quantitative et qualitative l’estime de soi chez l’apprenant de la FP sur la base de l’échelle de Rosenberg et d’une échelle améliorée que nous avons élaborée par nos propres soins. Nous avons montré que les deux échelles se complètent et leur comparaison nous a permis de définir les facteurs dominants dont dépend l’estime de soi.

En effet, nous avons constaté que trois composantes principales affectent l’estime de soi chez l’apprenant de la FP. Elles se présentent comme suit :

  • La première composante est celle qui traduit les attentes de l’apprenant dans son environnement de formation telles que ses attentes envers les méthodes et outils d’apprentissage et de transfert de compétences par le formateur, l’ambiance de formation, le rythme et la qualité de l’apprentissage. Pour résumer ces attentes, nous disons que l’apprenant aura une bonne estime de soi s’il juge que la formation que lui est dispensée est adéquate et répond à ses attentes socio-personnelles et professionnelles.

  • La deuxième composante est liée à la psychologie cognitive intégrant essentiellement des fonctions psychologiques de l’apprenant telles que l’utilisation du langage dans l’élaboration de comptes rendus oraux ou écrits, la gestion du stress, les émotions, en particulier le sentiment éprouvé à sa formation, la confiance en soi pour résoudre des problèmes liés à son apprentissage et la perception de la valeur de sa formation.

  • La troisième composante est liée à l’estimation de ses compétences personnelles, en particulier l’estimation du droit à l’erreur qu’il a pour apprendre, le jugement qu’il a sur ses acquis d’apprentissage antérieurs, l’estimation de la marge de manoeuvre dont il dispose pour accomplir une tâche professionnelle ainsi que le degré de partage de connaissances et de compétences avec ses pairs.

Nous concluons que le résultat de l’analyse quantitative de la composante « estime de soi » a montré qu’elle est incohérente dans le modèle actuel de compétence puisque la plupart des apprenants enquêtés semblent avoir une faible estime de soi d’après les différents scores que nous avons obtenus quelle que soit l’échelle de mesure adoptée. Ce résultat a été confirmé par l’analyse qualitative dans laquelle nous avons ressorti particulièrement les facteurs défavorables à une bonne estime de soi, à savoir la relation tendue apprenant/encadreur notamment en entreprise et les mauvaises conditions de l’apprentissage par l’expérience. L’incohérence constatée sur le plan de la préparation aux compétences « estime de soi » et d’autres compétences transversales comme « la prise de décision » et « la littératie » se répercuterait négativement sur l’employabilité des diplômés.

Les résultats qualitatifs nous ont montré à quel point le déficit d’estime de soi constitue une entrave pour la bonne insertion professionnelle des diplômés de la FP.

Donc, un travail s’imposait, qui devait se concentrer sur les composantes d’un nouveau modèle de compétence tout en définissant leurs différents éléments censés apporter au diplômé de la FP plus d’efficacité et d’aptitude à mieux s’insérer dans le marché du travail et la société. Les nouvelles composantes comprennent essentiellement l’estime de soi, mais aussi d’autres soft skills qui lui sont complémentaires.

Ainsi, nous pouvons en déduire que la composante « estime de soi » n’est pas cohérente au sein du modèle de compétence actuellement appliqué au sein du dispositif tunisien de la FP, ce qui confirme nos résultats quantitatifs présentés ci-avant.

Conclusion

Dans notre étude, nous avons adopté une approche qui s’est proposée notamment de tester la cohérence (ou l’incohérence) de la dimension « estime de soi » du modèle de compétence par rapport à l’idée sous-jacente d’une production de la compétence par le système de FP en Tunisie : montrer la non-effectivité de cette dimension permettrait alors de justifier la nécessité de son inclusion dans le modèle visé. C’est ce que nous avons obtenu au terme d’une analyse quantitative confirmée par les résultats d’une étude qualitative basée sur l’analyse des entretiens semi-directifs.

Nous avons choisi de limiter le périmètre de notre recherche au secteur public de la formation, privilégiant ainsi une couverture régionale et sectorielle au détriment de la prise en compte des apprenants inscrits dans les centres privés de formation. De même, nous nous sommes limités, dans nos analyses, aux apprenants en estimant que des travaux similaires sur les autres acteurs intervenant dans la FP tels que les formateurs, les employeurs et les parents pourraient nourrir la réflexion sur le système global de la formation, en particulier sur la dimension « estime de soi » des apprenants. Par ailleurs, l’analyse des discours de ces derniers aurait pu être plus fine et plus approfondie pour ouvrir sur d’autres aspects dans le profil d’un apprenant de la FP qui ne sont pas forcément en relation directe avec l’objet de notre étude. Nous citons par exemple l’analyse socioculturelle de la situation des apprenants, l’approche genrée, etc.

En fin, notre étude sur l’estime de soi des apprenants interpellera, lors du passage à la mise en place du modèle, les responsables du dispositif de la FP (décideurs, concepteurs et techniciens) à intégrer une démarche d’assurance qualité dans le système de la formation qui sera étroitement collée au modèle de compétence pour assurer régulièrement l’évaluation de son fonctionnement et son amélioration continue. Cette approche qualité gagnerait davantage d’efficacité si elle est institutionnellement instaurée et appropriée par toutes les parties prenantes.