ChroniquesIntervention éducative

Le verbe comme objet grammatical : pratiques déclarées et besoins de formation[Record]

  • Johnni Samson,
  • François Vincent and
  • Priscilla Boyer

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  • Johnni Samson
    Université du Québec à Trois-Rivières (Canada)

  • François Vincent
    Université du Québec en Outaouais (Canada)

  • Priscilla Boyer
    Université du Québec à Trois-Rivières (Canada)

Apprendre une langue à l’oral s’effectue sans avoir besoin systématiquement d’un apprentissage explicite de son fonctionnement. Il en est toutefois autrement à l’écrit, où la simple capacité à s’exprimer oralement ne garantit pas la maitrise des codes. C’est particulièrement vrai pour l’apprentissage de savoirs complexes, comme l’accord et la conjugaison des verbes. La conjugaison des verbes correspond au « système des variations morphologiques du verbe, c’est-à-dire l’ensemble organisé des formes que peut prendre un verbe selon son radical, […] son mode-temps […] et sa personne » (Roy-Mercier et Chartrand, 2016, p. 176). Le verbe est d’ailleurs la seule catégorie grammaticale qui varie selon le mode et le temps (Abeillé et al., 2021), ce qui en fait la catégorie grammaticale qui contient le plus grand nombre de variations sur le plan de sa structure morphologique. Par exemple, le verbe savoir comporte 38 formes verbales écrites distinctes (Blanche-Benveniste, 2002). Plusieurs proposent que la conjugaison soit l’objet d’un travail grammatical spécifique (Roy-Mercier et Chartrand, 2016), ce qui représente un défi pour les enseignants qui doivent l’aborder en tenant compte du niveau des élèves tout en souhaitant qu’ils le réinvestissent lors de l’écriture de leurs propres textes (Gourdet et al., 2016)! Selon Roy-Mercier et Chartrand (2016, p. 176), l’enseignement de la conjugaison demeure souvent ancré dans un enseignement traditionnel, se concentrant sur la mémorisation des formes verbales à partir de tableaux de conjugaison. Cette pratique courante ne vise pas la compréhension des régularités du système de la conjugaison, puisque les tableaux de conjugaison traditionnels ne permettent pas de la concevoir comme un système cohérent, soit « un ensemble organisé d’éléments interreliés et présentant des régularités » (Roy-Mercier et Chartrand, 2016). Ces tableaux rendent l’apprentissage des formes verbales moins efficace et relativement complexe à réinvestir au moment d’écrire un texte. Le verbe comme objet grammatical s’avère peu documenté sur le plan didactique, notamment en contexte de développement des compétences langagières (David et Dolz, 1992). Dans le cadre de nos études doctorales, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de personnes enseignantes de l’ordre d’enseignement primaire du Québec. L’objectif était double : d’une part, recenser les pratiques d’enseignement de la conjugaison, et, d’autre part, recueillir les besoins de formation et d’accompagnement les concernant. Au total, quinze (15) enseignant.e.s de l’ordre d’enseignement primaire ont participé à cette enquête. Les enseignant.e.s consulté.e.s ne correspondent toutefois pas, dans leurs pratiques déclarées, au portrait traditionnel de travail systématiquement décontextualisé du verbe, à partir de tableaux de conjugaison. En effet, plusieurs mentionnent faire appel à des pratiques intégrées aux situations de compétences, notamment en lecture. En effet, la mobilisation de la littérature jeunesse émerge des résultats de l’enquête comme étant une pratique privilégiée pour enseigner la conjugaison : « [l]es élèves aiment les histoires et font de meilleurs liens » (R11) par rapport aux verbes utilisés dans les textes. Qui plus est, la littérature jeunesse propose un contexte authentique qui permet de contextualiser la notion de la conjugaison du verbe : « [l]es albums […] permettent [d]’introduire le temps [verbal] vu et de tirer des observations. » (R13). Dans cette perspective, les apprentissages grammaticaux contextualisés en lecture, puis structurés dans des activités spécifiques, peuvent être par la suite recontextualisés en production écrite (Gourdet et al., 2016). Or, bien que planifié et soutenu par la progression des apprentissages, articuler les notions grammaticales et la production écrite représente un défi pour plusieurs enseignant.e.s, en raison du nombre élevé d’objets grammaticaux à enseigner (Paolacci et Lannelongue, 2021). Parmi ces objets, le verbe, comme notion pivot, a le potentiel de fédérer différents apprentissages orthographiques, grammaticaux, syntaxiques et textuels. Les pratiques recensées peuvent également être …

Appendices