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Une multitude d’histoires et d’images forgent l’identité d’une ville. Pour bien l’explorer, on ne peut se contenter d’un seul point de vue, il faut aller au-delà des représentations dominantes, chercher plus loin pour tenter de comprendre la vie qui l’anime, saisir l’esprit des lieux.
Lorsqu’il retourne à Détroit après plusieurs décennies d’absence, le photographe Dave Jordano est frappé par l’ampleur du déclin qui touche sa ville natale. Comme plusieurs, il ne résiste pas à la tentation de photographier les espaces vacants et les bâtiments en ruine, mais cela lui paraît rapidement ne pas suffire à exprimer la complexité de cette cité en transformation. Il tourne alors son objectif vers les habitants, vers ceux et celles qui, depuis longtemps, vivent en ces lieux et sont témoins de leur lente mutation. De 2010 à 2015, il parcourt la ville à la rencontre de ses habitants, pour en proposer, avec Detroit: Unbroken Down, un portrait sensible et différent qui choisit de montrer la vie plutôt que l’abandon.
L’objectif de Jordano est d’ajouter aux récits actuels sur Détroit, en racontant une histoire alternative, non pas celle d’une ville qui se meurt, mais celle de ceux qui survivent et résistent à la ruine. À travers ses portraits, le photographe choisit de montrer ce que l’on ne voit pas, ceux qu’« invisibilise » habituellement la photographie de ruine ; il choisit de raconter ce que l’on ne dit pas, les histoires méconnues, les lieux hors circuit, les vies oubliées. Il s’agit d’une prise de position pour la dignité des personnes et contre le misérabilisme, pour la reconnaissance des luttes, de la persévérance, de la résilience et de la volonté de vivre des habitants de Détroit. En dépeignant ainsi le visage « humain » de Détroit, Jordano raconte une histoire à la fois crue et nuancée, entre espoirs et difficultés, une histoire qui se veut à l’image du vécu réel des personnes qui la vivent, par-delà la ruine et la déréliction.
Portefolio
jORDANO, D. (2015). Detroit: Unbroken Down, Brooklyn (NY), PowerHouse Books.
Appendices
Notes biographiques
Estelle Grandbois-Bernard est étudiante au doctorat en sociologie à l'Université du Québec à Montréal. Sa thèse porte sur les représentations de maisons inhabitées en photographie actuelle, qu’elles proposent de réfléchir comme des prismes pour la compréhension des dynamiques de l’habiter contemporain. Elle est membre du Centre et Laboratoires Cultures, Arts, Sociétés (CÉLAT).
Gil Labescat est chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Il est coordonnateur des formations en Interculturel à l’Institut Universitaire au regard des communautés ethnoculturelles au CIUSSS du Centre-Ouest de l’Île de Montréal et formateur. Il est docteur en sociologie de l’Université de Strasbourg et de l’UQÀM. Sa thèse, soutenue en 2016, s’intitulait « Trajectoire du mourir. L’action rituelle dans le processus funéraire ». Il est également consultant et invité au festival South by Southwest 2017 (https://www.sxsw.com) à Austin (TX, USA) pour y aborder les rituels funéraires dans l’univers des nouvelles technologies.
Magali Uhl est professeure au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directrice du CÉLAT à l’UQAM (Centre et Laboratoires Cultures, Arts, Sociétés). C’est à partir de l’art actuel qu’elle développe, dans ses recherches, des problématiques liées à la subjectivation et au corps sensible en analysant leurs mutations et leurs effets sur la société, notamment sur la ville et ses espaces d’expérience, l’institution hospitalière et la mort, ou les phénomènes culturels émergeants associés aux nouvelles technologies.