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Depuis près de vingt ans, notre pratique de psychologues dans un service de réanimation pédiatrique nous a amenées à accompagner de nombreux adolescents qui risquent de mourir lors d’opérations extrêmement délicates ou dont le pronostic létal est certain. Nous avons découvert que si nous parvenons à établir un lien de confiance avec eux et à être identifiées comme « capables d’entendre », ils montrent une profonde soif d’évoquer la mort, et même de parler de leur propre mort.

Pour mettre en place cet espace de parole où ils osent livrer leurs peurs et leurs espoirs, il faut savoir adapter notre accompagnement à certaines composantes spécifiques de l’adolescence. Durant cette période de remaniement psychique, le jeune cherche à développer tout ce qui peut lui permettre d’être plus autonome physiquement, affectivement, spirituellement et psychologiquement. La maladie ou le handicap vient casser ou empêcher l’émergence de l’autonomie physique, ce qui entraine des répercussions sur le développement des autres sphères. C’est pourquoi il arrive souvent que le jeune patient commence par refuser ou remettre en cause tout ce que nous proposons. Il nous appartient alors de faire preuve de patience et d’adaptation. Moins l’adolescent se sent aimable, plus il nous rejette pour voir si nous allons à notre tour le rejeter ou renoncer à nous intéresser à lui et ainsi confirmer ses pressentiments. En effet, cette mise à distance est le moyen qu’il a de tester nos capacités et nos limites.

Dès lors que l’adolescent est confronté au risque de mourir, nous avons constaté que son comportement change. Il peut prendre pleinement conscience de la réalité de sa mort prochaine, de ce qu’elle représente pour lui, non plus au niveau de son imaginaire, mais comme « quelque chose » qui vient s’inscrire dans une réalité corporelle qu’il ne peut plus ignorer et lui confirme chaque jour davantage qu’elle va vraiment advenir.

Lorsque les médecins comprennent que l’adolescent ne pourra pas être sauvé, ils l’annoncent aux soignants et à sa famille, mais personne ne veut annoncer au jeune qu’il va mourir. Si nous le laissons dans l’ignorance, il s’ensuit très souvent pour lui une solitude extrême. Non pas physiquement, puisque les visites et les soins continuent, mais psychologiquement parce que la plupart des adultes fuient toute discussion sur la mort, tant ils redoutent de ne pas savoir quoi lui dire, ni quoi lui répondre.

Pour vivre sa fin de vie le plus sereinement possible, l’adolescent a besoin que l’on respecte le mécanisme de défense qui lui convient. Certains jeunes se disent « un jour après l’autre et ensuite on verra » et ne désirent rien apprendre de plus que ce qui est en jeu dans leur réalité immédiate. D’autres ont besoin d’imaginer tout ce qui peut arriver de pire pour se sentir prêts à vivre toutes les éventualités. En général, les adolescents ne se projettent que dans un futur proche. Ils vont avoir besoin de faire le deuil de leur famille, de leur vie étudiante ou parfois professionnelle mais, contrairement à leur parent, ils n’iront pas jusqu’à faire le deuil des enfants et petits-enfants qu’ils ne pourront jamais avoir.

Dans tous les cas, la mise en place d’un soutien psychologique régulier permet au jeune de confier ce qu’il ressent et lui offre un espace dans lequel il est pleinement sujet, et ce, dans le respect de tout ce qu’il est. Il y a plusieurs façons d’accompagner un adolescent en fin de vie. Il n’existe aucune méthode infaillible à appliquer. Ce qui compte, c'est de nous adapter à toute sa spécificité : son milieu socio-culturel, son développement, ses centres d'intérêt, son rythme, ses désirs, ses besoins, ses questions, son langage verbal et non verbal... Cependant, notre pratique nous a permis d’identifier des repères que nous présentons ici. Nous commencerons par rappeler l’importance des échanges informels, et d’un lieu contenant avant de poser des questions très larges sur la façon dont l’adolescent perçoit la situation puis plus précises sur l’approche de la mort. Enfin, nous illustrerons nos propos par deux illustrations cliniques.

Commencer par des échanges informels

Tout d’abord, pour entrer en contact avec un jeune malade ou handicapé, il est préférable d’éviter une approche trop formelle. La pratique hospitalière permet que ces premiers contacts n’aient pas lieu dans un bureau, mais qu’ils se déroulent dans les lieux de vie commune (couloir, chambre, salle à manger ou salle de jeux…).

Nous pouvons commencer par prendre le temps de nous intéresser au monde de l’adolescent et à tout ce qui le relie à la vie : ses musiques, séries, émissions de télévision ou vidéos préférées, les réseaux sociaux qu’il utilise... Nous n’hésitons pas non plus à lui parler « de la pluie et du beau temps » ou de ce qui fait le « buzz » en ce moment, à amener une touche d’humour ou à relater un moment de vie du service (telle ou telle fête, la venue de telle ou telle personnalité connue, le gag de tel ou tel soignant…). Cela nous rend plus accessibles, casse certains préjugés sur les psychologues, permet de nouer un contact différent – non médical – de personne à personne et évite les premiers moments de malaise, souvent accompagnés par la peur de ne pas savoir quoi dire au psychologue.

En somme, notre pratique nous a montré qu’une approche trop directe et uniquement centrée sur les émotions n’est pas aidante ; elle peut être vécue comme une intrusion et empêcher l’instauration d’un lien thérapeutique. Pour entrer en contact avec un adolescent, il nous faut apprendre à nous ajuster et à être attentif à ses besoins. C’est à nous de sentir s’il a besoin que nous lui parlions, que nous l’écoutions, que nous nous retirions ou au contraire que nous l’accompagnions en silence. Cette adaptabilité qui témoigne de notre capacité à être à ses côtés, à ne pas fuir lorsqu’il souffre trop, va permettre qu'il accepte par la suite de se faire aider. Cela sollicite nos capacités d’ouverture et notre souplesse psychique.

Proposer un lieu d’échange plus contenant

Lorsque le premier contact est établi, l’adolescent (comme ses parents) ose plus facilement entrer dans notre bureau. Nous avons remarqué plusieurs fois que, selon les ressources externes des patients, ils orientent très différemment les entretiens selon les lieux. Chacun perçoit rapidement la fonction contenante du bureau. Ceux qui bénéficient d’un soutien psychologique ne confient pas des choses qui leur tiennent vraiment à coeur dans un lieu où l’intimité n’est pas assurée. Par contre, cela peut arriver à ceux qui n’en ont pas : ils interpellent facilement les personnes présentes, que ce soit dans la salle à manger ou la salle de jeux, sans tenir compte de leur capacité à « encaisser » leurs questions. L’éducatrice raconte ainsi qu’un jour au cours d’un repas, un enfant gravement malade a demandé aux autres enfants hospitalisés : « Et vous, vous pensez que vous allez mourir bientôt? ». Ces questions taraudent les adolescents, mais faute d’espace pour les exprimer, elles jaillissent dans un contexte peu favorable à les soutenir. L’accompagnement est essentiel et aide à construire une zone d’intimité réservée aux questions difficiles et personnelles.

Lorsqu’arrive le moment où l’adolescent ne peut plus quitter sa chambre, s’il partage sa chambre avec un autre patient, notre rôle est de nous adapter pour maintenir une certaine intimité : mettre un paravent, nous rapprocher du lit de manière à baisser le niveau sonore de la parole, sont des moyens simples mais efficaces, même s’ils sont parfois symboliques, de construire une zone sécurisante propice à un échange plus en profondeur.

Proposer des questions très larges, comme une occasion à saisir

Les moments de transition peuvent être délicats. Passer de l’échange informel à la relation entre psychologue et adolescent se doit d’être le plus fluide possible. Il ne s’agit pas d’effrayer ou de figer la pensée par des questions trop directes. Pour éviter les laconiques réponses « Ok » ou « ça va » à la question « Ça va ? », préférons une question plus large comme « Comment tu te sens ? ». Nous donnons ainsi à l’adolescent le choix de répondre « j’ai mal à la tête » ou « je me sens triste ou seul » ou de ne pas répondre. Nous évitons ainsi une intrusion dans le vécu d’un adolescent qui ne serait pas encore prêt à se confier. Mais il peut également se saisir du sens plus profond de la question qui l’interpelle sur ce qu’il vit et ressent.

Lorsque l’adolescent nous répond que tout va bien, nous pouvons lui préciser que nous faisons partie de ceux qui peuvent entendre : « J’ai accompagné beaucoup de jeunes qui ont vécu comme toi des situations particulièrement difficiles ». Nous pouvons alors partager avec lui notre expérience de ces situations. « Il y a quelque temps, j’ai rencontré un jeune qui m’a expliqué que pour lui le plus dur, c’était de devoir toujours rassurer ses parents, faire comme s’il était fort et que tout allait très bien, alors qu’il était profondément bouleversé par ce qui lui arrivait. Depuis, je me méfie toujours et quand quelqu’un me dit que tout va bien, je m’assure que c’est vraiment le cas ou qu’il veut juste que je le laisse tranquille ! Ou peut-être que là, maintenant, tout va bien, mais comment ça se passe quand tu es seul ? Qu’est-ce qui se passe en toi juste avant que tu t’endormes ? À quoi tu penses ? Qu’est-ce que tu ressens ? ». Les questions restent encore vagues, ouvertes et amorcent les questions plus précises qui vont suivre.

Certains psychologues peuvent penser que ce type de questions induit les réponses de l’adolescent et peut influencer ses pensées. Effectivement cela peut arriver, nous nous en rendons alors rapidement compte et réorientons notre accompagnement. Mais en général, ces sollicitations sont plus aidantes que de longs silences qui mettent l’adolescent mal à l’aise. Elles favorisent le lien et sortent le jeune de son isolement et du sentiment d’être seul au monde à vivre une situation aussi terrible.

Proposer ensuite des questions plus précises

Lorsque l’échange est bien engagé, nous pouvons proposer des questions qui amènent l’adolescent à aborder une dimension affective et à réfléchir sur ce qui lui arrive : « Qu’est-ce que tu as compris de ce que t’ont dit les médecins ou de ce que tu as entendu dans le couloir ? Comment l’as-tu vécu ? Qu’est-ce que tu en penses ? » Ce sont là des invitations à élaborer une construction personnelle à l’aide des mécanismes de défense qui sont les siens. Il nous donne ainsi une idée de ce qu’il a compris, des informations médicales qu’il a eues, de la façon dont il les a interprétées, de ce qu’il en a retenu et comment il vit avec. Nous avons un aperçu de ce qu’il a pu entendre et comprendre à travers les informations reçues, qu’elles lui aient été directement ou indirectement transmises (informations entendues par lui ou un autre enfant dans les discussions des soignants dans le couloir… ce qui est fréquent en milieu hospitalier). Cela peut aussi nous permettre de faire préciser des informations incomplètes données par un médecin. Nous pouvons ainsi ajuster notre accompagnement à ce que vit précisément cet adolescent.

Quand un adolescent a du mal à parler de lui, nous pouvons l’interroger sur ce qu’il perçoit du chamboulement que l’hospitalisation entraîne dans sa famille : « Et tes parents, tes frères et soeurs, tu trouves qu’ils vont comment ? ». Lui faire penser les difficultés et la souffrance de son entourage est une façon de le rendre acteur de la situation en lui permettant de se décentrer de son pronostic vital.

À l’approche de la mort, sa soif de relation et d’amour est très importante. Alors que l’arrivée de la puberté l’avait poussé à mettre le plus d’espace possible entre lui et ses parents, le moment où il comprend qu’il va devoir quitter ses proches et qu’il doit faire le deuil de tout espoir d’autonomie est un moment où il cherche à se rapprocher intensément de tous ceux qui ont compté dans sa vie et notamment ses parents.

Enfin, aider à la mise en mots des émotions

Notre travail consiste à lui apprendre à relier ses sensations corporelles à ses émotions : « Quand tu penses à tout ça, est-ce que ça te fait mal quelque part dans ton corps ? As-tu comme un mal de tête ? Ou la gorge serrée ? Ou le ventre noué ? » Nous pouvons aussi l’aider à comprendre l’émotion qui se cache derrière ces manifestations somatiques. Comme cela n’est pas toujours facile, nous pouvons donc lui donner des pistes : « Lorsque tu penses à ta maladie et que tu as cette sensation d’étouffer, est-ce que ça peut correspondre à de la peur ? de l’angoisse ? de la colère ? de la tristesse ? ». L’adolescent peut, en différenciant ses émotions et leurs significations, essayer de se dégager de leur emprise : ainsi la colère peut renvoyer à l’injustice, la tristesse à la perte, l’angoisse à l’inconnu qui évoque un danger.

L’adolescent mélange souvent ses angoisses personnelles et celles de son entourage. Il s’inquiète beaucoup pour ses proches, notamment pour sa mère. Nous retrouvons souvent cette composante dans nos accompagnements. Quand un adolescent sait qu’il va mourir prochainement, sa plus grande peur peut être la mort, mais ses préoccupations sont surtout en lien avec ses proches : « Que vont-ils devenir ? Et ma mère, comment va-t-elle s’en remettre ? ».

Il arrive parfois que l’adolescent refuse la présence de certains de ses proches pour les préserver. L’agressivité de l’adolescent en fin de vie nous amène toujours à nous interroger : cette agressivité vise-t-elle à le protéger ou à épargner à ses proches une épreuve qu’il juge trop lourde pour eux ? N’oublions pas non plus que la douleur et le manque de sommeil modifient le caractère. L’accompagnement psychologique, quand il est investi, peut lui permettre d’ordonner ses pensées, de clarifier ses émotions et d’essayer d’entrer dans une certaine forme d’acceptation ou de lâcher prise.

Aider le jeune à confier ses angoisses, fantasmes ou représentations de la mort

Tant que sa conscience et son état de santé le lui permettent, le jeune oscille bien souvent entre deux attitudes opposées : par moments, il s’engouffre dans des distractions qui le détournent de son angoisse de mort tandis qu’à d’autres moments, il recherche le sens profond de son existence. Pour qu’il trouve la voie qui lui correspond au moment où nous le rencontrons, il est important de l’inciter à poursuivre : « Et toi, comment tu l'imagines la mort ? Quand tu y penses, ça te fait penser à quoi ? Et comment tu te sens en y pensant ? »

Il peut parfois être difficile pour lui de répondre directement à nos questions. Nous pouvons alors nous appuyer sur notre expérience clinique pour proposer des repères qui aident l’adolescent à s’identifier ou à se différencier : « J’ai rencontré un enfant qui avait très souvent sa gorge qui se serrait, tellement que ça lui faisait mal, mais il ne comprenait pas pourquoi. Nous en avons parlé ensemble et, en fait, il exprimait ainsi sa peur de mourir. Quand il a compris et accepté son angoisse, elle a diminué. »

Les adolescents peuvent passer d’une réflexion sur leur mort imminente à l’évocation, quelques instants plus tard, de projets à plus ou moins long terme. Cela peut nous dérouter ou nous donner l’impression qu’ils n’ont pas bien compris l’aspect irrémédiable de la situation. De plus, même si elle est souvent reléguée très loin au fond de notre conscience, nous avons tous des représentations internes de la mort, contenues par nos mécanismes de défense, mais nous n’avons pas la même capacité à les évoquer, la même labilité émotionnelle que les enfants et les adolescents. Cela ne signifie pas que l’adolescent n’a pas conscience de l’enjeu ultime qu’est la mort, mais qu’il est dans une temporalité différente de la nôtre. Cette mort regroupe une multitude de peurs que nous devons l’aider à dégager.

Afin d’ancrer nos propos dans une réalité de terrain, voici deux illustrations cliniques. Après autorisation parentale, ces deux jeunes ont accepté que leurs propos soient filmés dans un but d’enseignement et de recherche. Ils ont tous les deux exprimé le désir que leurs expériences soient utiles à d’autres, libèrent la parole des adolescents et aident les adultes à cesser de faire de la mort un tabou.

Judith a besoin d’évoquer tous les scénarios possibles avant de subir une opération dont les risques de séquelles ou de mort sont importants

Judith a dix-sept ans, une scoliose congénitale très importante comprime ses poumons. Dans la rue comme au lycée, régulièrement, elle subit les moqueries des uns et des autres, jusqu’au jour où elle apprend qu’une opération peut être tentée pour redresser sa colonne vertébrale. Elle a très peur de cette intervention. Le chirurgien lui explique qu’elle comporte certains risques, dont les séquelles peuvent être lourdes de conséquences.

Judith sait qu’elle ne doit pas parler de la mort, qu’il s’agit d’un sujet tabou. Dès qu’elle essaie de l’aborder, chacun de ses proches lui fait à peu près la même réponse : « Mais arrête, ne pense pas à des trucs comme ça, il n’y a aucune raison que tu meures. Tout va bien se passer. » Ainsi son besoin de partager ses questions, ses doutes, ses représentations ou ses angoisses en lien avec la mort reste sans réponse. Elle doit affronter seule ses bouleversements internes.

Lors du premier entretien, je commence par tenter de comprendre d’où vient son handicap et comment elle le vit. Je m’intéresse à sa perception et à sa façon d’y mettre du sens. Elle m’explique que sa naissance n’a été possible que grâce à la négligence des médecins qui n’ont détecté ni sa malformation du dos, ni son doigt en moins.

Psychologue : Avec du recul, est-ce que tu te dis : heureusement qu’ils ne l’ont pas su ? 
Judith : Oui, parce que j’aurais eu peur que mes parents ne veuillent pas de moi… mais, en fait, ils m’ont gardée après ma naissance… ça me fait penser qu’ils m’ont acceptée comme je suis et ça me fait du bien…

À cause de sa malformation, Judith se demande si sa vie est légitime. Elle est donc intimement convaincue qu’elle doit gagner le droit d’exister, l’amour de ses parents, la considération de son entourage et l’acceptation de sa différence de la part de tous.

Psychologue : À quel moment t’es-tu sentie différente ?
Judith : Quand j’avais 12 ans, j’entendais les gens dire : « Sales handicapés, ils devraient pas être dans le monde »… Ça travaille et ça reste.

J’interroge alors Judith pour l’aider à comprendre ce que ces réflexions ont fait naître en elle, à quelles émotions cela l’a confrontée et sur quelles ressources elle a pu s’appuyer, pour trouver des forces.

Judith : Au début, je ressentais de la colère. Je me demandais toujours : Pourquoi j’ai cette malformation ? J’ai rien demandé. J’avais pas la joie de vivre…
Psychologue : Qu’est-ce que tu as envie de dire à ceux qui subissent les mêmes choses que toi ?
Judith : Faut rester positif et aller de l’avant : Si les gens t’aiment, tant mieux, et sinon tant pis ! On vit pour soi-même. Quand un garçon m’a traitée [d’handicapé], j’ai dit : « je suis une handicapée et je suis bien comme ça », et ses copains lui ont dit que je l’ai bien mouché. Et ça fait du bien…
Psychologue : Comme si le sourire avait gagné sur la moquerie et l’agressivité…

En plaçant Judith en position d’experte qui peut à son tour transmettre son expérience à d’autres jeunes qui ont les mêmes souffrances qu’elle, j’essaie de l’aider à rebondir, à lui montrer qu’elle peut avoir un sentiment de contrôle sur les événements. Cela est bien perçu par elle et l’amène à conclure : « Bien qu’on soit différents, on a le droit de vivre », lui permettant ainsi d’affirmer son droit à exister dans la société.

Avant qu’elle ne soit de nouveau opérée, je tente de comprendre ce qu’elle a vécu lors de sa première opération et dans quel état d’esprit elle se trouve. Elle me dit : « Avant la première opération, je me faisais des films dans ma tête : est-ce que je vais me réveiller ? ou est-ce que je vais me réveiller en pleine intervention ? » Alors qu’elle n’a pas pu en parler avec ses proches, Judith aborde d’elle-même son expérience de mort imminente : « En fait, tout s’est bien passé mais j’ai eu des problèmes respiratoires et je me suis vue partir. Mon âme, elle, est partie… Je suis passée à travers le mur de la salle d’opération, puis dans un tunnel et au bout, j’ai vu ma mamie qui me disait que ce n’était pas mon heure et que je devais encore profiter de ma famille. Et ça, ça m’a vachement marquée… (pleurs). C’est là que j’ai compris que derrière la mort, y’a toujours une vie derrière. »

Lorsque je lui demande quelles sont ses peurs actuelles, elle rationalise et dit que tout va bien se passer. Toute la difficulté de ces suivis consiste à être au plus près des préoccupations de l’adolescent : nos échanges visent à l’aider à mettre en mots ses inquiétudes, ou angoisses et à le préparer à ce qui l’attend sans devancer ses peurs ou en créer de nouvelles.

Psychologue : Il y a la part rationnelle en nous qui dit qu’il faut faire confiance, le chirurgien sait ce qu’il fait. Ta tête a bien compris mais ton coeur, il a peut-être les « chocottes » ? Tu m’as parlé du scénario positif. Mais est-ce qu’il y a un scénario négatif ? Je sais que tu pourras parler du scénario positif avec tes proches mais, tu ne trouveras pas forcément quelqu’un avec qui parler du ou des scénarios négatifs,…si tu as envie qu’on parle… Ça te ferait peur de partager ce côté obscur ? Est-ce que pour toi ce serait lui donner plus d’importance ?
Judith : Le scénario négatif, je le garde en moi. Même aux infirmières, je ne leur dis pas. Je garde la peur pour moi parce qu’elles ne vont pas comprendre et elles vont avoir peur.
Psychologue : On ne peut pas supprimer cette voix de la peur, mais on peut lui faire une plus petite place pour qu’elle n’envahisse pas tout… ton coeur, ta tête, ton corps. C’est en la mettant en mots que tu pourras lui donner une taille supportable.
Judith : Oui, ça va me faire du bien de parler de mes peurs. La peur de ne pas me réveiller. C’est une peur atroce… La peur de quitter ceux qu’on aime est terrible… Pour la première opération, je me suis agrippée au bras de ma maman et je pense que j’ai dû lui faire mal… je m’excuse encore mais j’ai eu tellement la trouille de l’abandonner. Et je lui ai dit : « T’as pas le droit de me quitter. »

Après avoir eu peur d’être abandonnée à cause de ses malformations, la peur que ses parents la quittent refait surface : elle projette sur sa mère ses propres peurs.

L’adolescent peut parfois passer beaucoup de temps et dépenser beaucoup d’énergie à lutter souterrainement contre la peur de la mort, mais malgré ses tentatives de contrôle il se retrouve soudain submergé par un sentiment d’impuissance. Ses peurs sont multiples : peur de souffrir, de laisser sa famille dans la douleur et de ne pas savoir ce qui va lui arriver, peur d’être oublié ou abandonné et qui induit l’ultime peur : celle de la solitude extrême où il faut lâcher un monde connu pour aller vers l’inconnu. Judith aborde sa peur de perdre l’amour de ses parents, sa peur qu’ils l’oublient.

Lorsque j’ai la sensation qu’elle a été aussi loin qu’elle le désirait, je lui propose d’explorer ses autres peurs.

Psychologue : On aborde une autre peur ?
Judith : Il n’y en a pas d’autres, soit je revis normalement et je marche, soit je meurs. (Judith utilise pour la première fois le terme cru)
Psychologue : Il n’y a pas d’entre-deux ?
Judith : Non. Si, peut-être… la paralysie, si l’opération touche la moelle épinière... J’aurai plus jamais ma vie d’avant…
Psychologue : Une vie en fauteuil roulant, tu te dis que c’est la fin de toute la vie ou tu arriverais à surmonter ça ?
Judith : Je n’y arriverai pas. Je serais obligée de tout demander à quelqu’un, je serais dépendante pour tout, tout le temps. C’est pas possible pour moi.

Pour l’adolescent qui risque de mourir ou d’être paralysé lors d’une opération, la peur des séquelles peut être plus forte que celle de perdre sa vie. Judith a une malformation, mais elle marche. Elle fait le pari de pouvoir rendre son handicap moins visible, ce qui lui rendra une allure plus proche de celle des autres jeunes filles. Mais ce pari a un revers possible, celui de ressortir paralysée de l’opération et de rester en fauteuil toute sa vie. Même si la décision d’opérer est médicale et vise avant tout une meilleure capacité respiratoire, Judith appréhende. Elle a la sensation de « tenter le diable », juste pour une raison esthétique et cela fait naître en elle un sentiment de culpabilité.

Psychologue : Tu as déjà vécu des situations extrêmes et tu as trouvé des forces en toi, un chemin de vie au coeur de quelque chose de très lourd. Ça pourrait être pareil ?
Judith : Hum…
Psychologue : On ne sait pas à l’avance comment on réagira face à l’épreuve. Si tu t’écrivais une lettre à toi-même, tu mettrais quoi dedans ? « La vie n’a plus de sens » ou plutôt « Bats-toi, la vie vaut le coup » ou quoi d’autres ?
Judith : Il faut que tu te battes pour ta famille.

La semaine suivante, je reviens sur ce qu’elle m’a confié précédemment :

Psychologue : Tu as envie qu’on aille au bout de « la peur de ne pas te réveiller » ? Puisque c’est comme ça que tu veux qu’on appelle cette peur.
Judith : Oui. Ce que je sais, c’est que d’ici là, j’ai envie de vivre au maximum, de profiter de ma famille et de mes amis.
Psychologue : Tu aurais envie de leur dire une dernière chose au cas tu ne te réveillerais pas ? Une lettre que je pourrais leur donner ? Quel est ton besoin pour être en paix ?
Judith : Leur écrire une lettre : les remercier pour tout ce qu’ils ont fait, leur soutien depuis que je suis petite… Ils ne m’ont jamais lâchée malgré mon handicap et ça, je les remercierai jamais assez… Cette lettre c’est une bonne idée, comme ça s’il arrive un malheur, y’aura toujours une trace de moi. (pleurs)
Psychologue : Comme si tu passais ton message au monde.
Judith : (rires) Et que j’évacuais tout ce que je ressens envers eux. J’arrive pas à leur dire comme je les aime. Mais la lettre le dira pour moi. Je veux que leur vie reprenne, parce qu’autrement ça leur ferait du mal. (pleurs)
Psychologue : Donc, tu leur dirais : « Allez-y, enlevez de ma chambre toutes mes affaires et faites un bureau ? »
Judith : Oui. S’ils y arrivent… s’ils arrivent à passer au-delà de tout ça, ça me ferait passer au-delà de mon sort.

Subir une opération risquée, c’est prendre conscience de sa finitude. L’adolescent mesure soudain le caractère réellement précieux de la vie et est alors obligé de réfléchir ou de revoir ses priorités. Alors que l’enfant n’hésite pas à dire « je t’aime » à ceux qui l’entourent, l’adolescent – à cause de son extrême sensibilité, de sa pudeur et de son besoin de prendre de la distance avec ses proches – cesse de leur exprimer son attachement et son amour. La perspective du risque létal vient modifier son rapport à ceux qui l’entourent et ravive le besoin d’exprimer à ses proches son affection et l’importance qu’ils ont pour lui.

Malo, un adolescent atteint d’un cancer en phase terminale

Il y a trois ans, Malo, 13 ans, a ressenti une très forte douleur dans le dos. Son cancer a alors été diagnostiqué et plusieurs tumeurs découvertes. Maintenant qu’il est à la fin de sa vie, Malo n’est pas révolté. Tous les jours, il souffre, mais il a intégré la douleur comme une des composantes de son quotidien dont il n’a plus peur. Il sait que les médecins ne peuvent plus le guérir, mais qu’ils continueront à l’accompagner jusqu’au bout pour réduire ses douleurs au maximum. Lors de notre dernier entretien, je commence par revenir sur sa façon de vivre cette douleur.

Malo : Il y a des paliers de douleur et la morphine aide, mais c’est par à-coups. Je prends de plus en plus de médicaments…
Psychologue : Et alors, tu as moins mal ?
Malo : Ça va très vite mieux, mais ça ne dure pas longtemps. Alors souvent j’ai de nouveau très mal. Ce qui me fait vraiment du bien ce sont les petits massages.

Lorsque l’adolescent parvient à dire ce qui le soulage, cela permet aux parents de retrouver des gestes qu’ils savent utiles. Ils peuvent alors réendosser une partie de leur rôle de parent protecteur qui est mis à mal par la prise en charge médicale et l’impuissance devant la maladie. En phase terminale, les soins ne donnent plus à l’adolescent la sensation d’être infantilisé mais font naître un sentiment de protection, de bien-être, de sécurité et d’amour.

Lorsque la maladie s’aggrave et devient envahissante, il est important d’aider l’adolescent à ne pas se laisser enfermer par elle ou par la perspective de la mort et de continuer à s’inscrire dans la vie en reprenant possession de son histoire. Ainsi Malo veut revenir sur les grandes étapes de sa maladie, prendre conscience de comment elle s’est déroulée et de ce qu’il a traversé. Il dégage un message qui lui tient à coeur : être dans la vérité.

Psychologue : Quel conseil tu donnerais à un médecin qui doit annoncer une maladie ?
Malo : De toujours tout expliquer à l’enfant.
Psychologue : Est-ce qu’il y a une meilleure façon de s’y prendre et d’expliquer ?
Malo : Mon médecin était bien. Il était en vérité.
Psychologue : Est-ce que c’est surtout ça qui compte ?
Malo : Pour moi, oui. Après il y a peut-être des gens qui ne veulent pas savoir.

Malo, comme bien d’autres enfants ou adolescents que nous avons suivis, demande une information vraie, juste et claire. Mais il est aussi capable de se décentrer pour prendre en compte ce que ressentent les autres.

Psychologue : Quand tu as perdu tous tes cheveux, comment l’as-tu vécu ?
Malo : Au départ, ça fait un peu peur. Parce que quand je passe ma main dans les cheveux, ça fait pff… et ils restent dans ma main. Mais après on m’a expliqué et ça a été. Et puis, si on est le seul à avoir des cheveux, on se sent un peu intrus mais quand on rentre à l’IGR [Institut Gustave Roussy] tout le monde est chauve. Et puis avec ou sans cheveux, c’est comme ça, et moi je suis toujours moi.

Alors que son physique change et lui échappe, Malo reste conscient que cette perte ne lui fait pas perdre son identité. Elle le fait juste appartenir à un autre monde : il quitte celui des bien-portants pour intégrer celui des personnes atteintes de cancer.

Psychologue : Quand ton médecin, après plusieurs chimios qui n’ont pas réussi, t’a dit que tu ne pouvais pas guérir, comment l’as-tu vécu ?
Malo : Ça a été un coup dur quand même… Mais il m’a dit : « T’inquiète pas, on te laissera pas souffrir. » Après je me suis vite ressaisi.
Psychologue : Ça a duré combien de temps le choc de cette annonce ?
Malo : 2 ou 3 jours.
Psychologue : Et tu étais comment ?
Malo : La nuit, je pleurais… Je n’avais pas peur de mourir mais j’étais un peu triste de mourir. C’est l’idée de tout laisser qui fait ça. Et comme je suis chrétien, j’en ai parlé à un prêtre.
Psychologue : Il a su bien t’accompagner ?
Malo : Oui.

À l’approche de la mort, beaucoup expriment une soif spirituelle. C’est une ressource à prendre en compte. Nous pouvons ainsi aider les adolescents à exprimer toutes leurs questions en rapport avec le sens de la vie ou, s’ils le demandent, les mettre en contact avec les représentants de leur religion. Cela leur permet de développer leur vie intérieure, ce qui peut être très important au moment où leur corps se dégrade.

Psychologue : Cette annonce : « Tu ne vas pas guérir », ça veut dire quoi pour toi ?
Malo : Qu’on peut pas me soigner.
Psychologue : Dans ta tête ça veut dire quoi qu’on peut pas soigner ?
Malo : Ben, que je vais mourir. (Malo le dit sur un ton d’évidence)
Psychologue : Tu y penses beaucoup ou pas tellement ?
Malo : Je sais pas. Quand même assez souvent. Mais je profite de chaque jour de ma vie.
Psychologue : Tu penses que tu vas mourir dans longtemps ou rapidement ? Comment vois-tu les choses ?
Malo : Je ne me pose pas la question. Je profite. En ce moment, on essaye un médicament qui peut réduire la tumeur, on va voir si ça marche... Mais si elle grossit encore...
Psychologue : Du coup, tu gardes une part d’espoir en toi ?
Malo : Oui, mais je préfère attendre et ne pas me dire que c’est gagné pour ne pas avoir de fausse joie.

Annoncer à quelqu’un qu’il va mourir, c’est lui permettre de comprendre les sensations corporelles que lui indique son corps et cela lui permet de ne pas le vivre seul. C’est aussi lui permettre de rester jusqu’au bout acteur de sa propre vie et de savourer les derniers moments, d’intensifier les liens à ses proches et de préparer la séparation.

Malgré sa mort prochaine, Malo n’est pas dans une phase dépressive, il est dans la vie, dans l’espoir et en même temps, il fait preuve d’une lucidité et d’une maturité que l’on retrouve souvent chez les jeunes patients gravement malades. Il oscille entre l’acceptation de l’inéluctable et la volonté de croire jusqu’au bout à une autre issue. La partie qui sait (intellect) n’étouffe pas pour autant la partie qui espère (affect). Tant que nous sommes vivants, c’est-à-dire jusqu’à l’instant de notre mort, une part d’espoir ou plutôt d’espérance demeure.

Psychologue : Est-ce que ça aurait été mieux que tes parents ne te disent pas que le cancer a récidivé ?
Malo : Ah non ! Ça, je suis pas d’accord. Faut que je sache quand même. Je suis en âge. Et enfin non, même, y’a pas d’âge. C’est pas bien, des parents pas en vérité avec leur enfant. Ne pas dire la vérité, c’est égoïste.

Malo pointe du doigt le fait suivant : ne pas dire la vérité ne vise pas à protéger l’adolescent, mais à protéger les parents. Ils ont si peur, ils souffrent tellement qu’ils pensent que ne pas dire que l’issue est certaine, permet de passer les derniers jours dans la paix. Ils n’imaginent pas que taire la vérité à leur enfant puisse lui être néfaste. Or en réalité, le jeune va à la fois devoir tout quitter sans pouvoir s’y préparer mais aussi affronter seul l’angoisse de l’inconnu.

L’adolescent a besoin qu’une relation de confiance puisse perdurer. Seules des relations authentiques peuvent lui permettre de lutter contre le sentiment de solitude qui est si fort lorsque l’on souffre ou que l’on sait que l’on va être séparé définitivement de ceux que l’on aime.

Psychologue : Comment ça se passe avec la tristesse de tes parents ?
Malo : Je pense qu’il faut faire attention à eux. Mais ma mère m’a dit : « Promets-moi que tu me cacheras rien », et je lui ai promis.

Cette famille a réussi à réaliser un double pacte : que chacun soit en vérité avec l’autre. Cela permet à l’adolescent de rester adolescent et de pouvoir être soutenu dans ses peurs, même si elles sont difficiles pour ses parents et difficiles pour lui à exprimer car il voit que cela les rend tristes. Instaurer un rapport authentique permet de rester dans un lien vrai et d’abattre la barrière invisible que l’on retrouve habituellement entre l’adolescent et ceux qui vont rester après lui. Il n’est ainsi pas exclu et maintenu dans une zone de non-échange.

Malo : Vous pensez que la peur s’en va puis revient. Mais c’est plus compliqué. C’est pas vraiment de la peur. C’est plutôt des questionnements. Des questions qui sont là, des pourquoi… Non, en fait j’ai rien dit... Vous ne pouvez pas comprendre ça. Je veux rien dire.

Être à l’écoute de celui qui va mourir, c’est forcément être celui qui ne peut pas comprendre. L’adolescent va donc alterner entre des moments où il se confiera facilement et d’autres où il se repliera dans une position qui signifie : « de toute façon, tu ne peux pas comprendre ». À nous de faire la part entre une nécessaire remise en cause de notre approche et un point de vue intrinsèque qui ne doit surtout pas nous chambouler au point de venir justifier notre désir de fuir.

Comme le montrent ces deux illustrations cliniques, l’adolescent qui va mourir a besoin des autres, d’être en lien, de se rapprocher de ceux qui l’aiment. Pour lutter contre l’inéluctable sentiment de solitude, il a aussi besoin d’une personne avec qui parler de sa mort. En nous mettant à son écoute et en l’aidant à formuler ses questions, qu’elles soient pleinement élaborées ou qu’elles se cherchent, nous l’aidons à dire, à penser, à ressentir, à verbaliser ses sensations, ses sentiments ou ses émotions. Il peut nous être difficile d’entendre ses tristesses, ses angoisses, ses colères, ses impuissances, son sentiment d’injustice… Notre rôle est de l’accompagner dans son cheminement, même lorsque nous n’avons pas de réponse à lui apporter, même lorsque nous nous sentons impuissants, que nous ne parvenons pas à le rassurer ou que nous avons envie de fuir. Ce qui est important, c’est que nous soyons là afin de recueillir, et si possible, de contenir ses affects négatifs et l’aider à réaliser qu’ils ne le définissent pas. Cela lui permettra alors d’entrer dans une sorte d’acceptation du destin.

La force de vie de l’adolescent qui traverse des situations extrêmes peut être pour nous une source d’enrichissement considérable. Il nous apprend à avoir un regard plus juste sur nous-mêmes et sur notre propre vie, à relativiser certaines choses et à revenir à l’essentiel. Mais pour pouvoir faire cette lecture ou relecture de nos pratiques, il nous faut sans cesse changer notre regard, accepter de perdre des repères bien appris et rassurants. Cela nous demande aussi d’apprendre à prendre soin de nous-mêmes (nous épargner parfois, connaître nos limites, savoir trouver la juste proximité…) pour que ce que nous ressentons, notre contre-transfert, n'interfère pas négativement sur la prise en charge de notre patient.

Lorsque je termine l’entretien, je demande à Malo ce qu’il voudrait faire passer de plus important. Il me répond : « On a jusqu’au bout besoin d’être en vérité les uns avec les autres, même si c’est dur pour les autres… parce qu’après on se sent plus libre, plus soudé… et pour de vrai, on peut être plus joyeux… ».