Article body

L’intention dans ce manuel d’allier théorie et pratique est intéressante. En général, c’est réussi, mais il y a encore beaucoup d’améliorations à y apporter pour en arriver à un produit fini à une prochaine édition. Cela dit, j’ai trouvé l’auteur très courageux de se lancer dans cette aventure que personne d’autre parmi nous n’avait eu le courage d’entreprendre, même si nous trouvions que les manuels classiques que nous utilisions pour nos cours (ex. Derruau) nous obligeaient à apporter beaucoup de compléments. Camerounais d’origine, l’auteur est géomorphologue et directeur du Département de géographie de l’Université Laurentienne, à Sudbury. Il est aussi l’auteur d’un dictionnaire de géographie écrit en français, publié chez le même éditeur en 2002, et dont un compte rendu a été fait dans le Bulletin de l’AQQUA (2003, 29 [2]).

Un des points forts du manuel est la grande hiérarchisation de la matière avec une table des matières très détaillée de sorte qu’il est facile de s’y retrouver. Ensuite, son grand format avec des caractères de grande taille et une iconographie très lisible rendent la lecture facile et agréable. Chacun des 16 chapitres, bien monté, comporte une introduction, une conclusion et des références, formant un tout. Il n’y a pas de listes des figures (et photographies, lesquelles sont numérotées séparément) et des tableaux. Il semble que l’éditeur n’a pas bien fait son travail, ce qui ternit un peu l’ouvrage : ainsi, un tableau est présenté couché alors qu’il devrait se lire debout (tableau 8.2), certaines figures sont mal numérotées (p. 24 et 211) ou ne le sont pas (p. 219), d’autres devraient être décomposées et porter des numéros différents (fig. 2.7.1, 2.9, 2.20 et 6.1) ; enfin, il y a deux figures 2.6. De nombreuses figures, particulièrement au chapitre 2, ne sont de toute évidence pas l’oeuvre de l’auteur et leur source n’est pas identifiée. À noter aussi que la plupart des photographies sont sombres ou floues.

La matière est divisée en 16 chapitres : après le chapitre d’introduction, une partie sur la structure (chap. 2 à 5), une partie sur les processus externes (chap. 6 à 13) et, pour terminer trois chapitres portant respectivement sur la géomorphologie appliquée (chap. 14), sur les techniques et méthodes (chap. 15), ainsi que sur la géomorphologie interplanétaire (chap. 16).

Le premier chapitre porte sur l’historique, l’approche et les divisions de la géomorphologie ainsi que ses relations avec les sciences connexes.

Le deuxième chapitre s’intéresse à la formation, à la composition et à la structure de notre planète. Deux points faibles sont à signaler : le premier est l’absence de section sur les types et les réseaux de fractures, sauf les failles, qui constituent pourtant un des éléments essentiels en ce qui a trait à l’érosion différentielle ; le deuxième est le manque d’uniformité entre l’exposé sur les agents et processus, le tableau 1.3 (chap. 1) et le tableau 2.2 (chap. 2). Dans les trois chapitres suivants, l’auteur se penche sur l’origine et les caractéristiques des roches intrusives, sédimentaires et métamorphiques ainsi que sur leurs formes associées, issues de la sédimentation et de la destruction. Il y aurait lieu d’améliorer la section sur les formes associées aux roches intrusives, faible comparée à celles qui sont consacrées aux autres types de roches.

Le sixième chapitre, dont le sujet est la dynamique externe, aborde le rôle de la gravité ainsi que celui des agents mécaniques (thermiques et hydriques), chimiques, physiques et biologiques. On y traite aussi de la mobilisation des matériaux, de même que de la formation et de l’évolution des versants. Parlant des agents hydriques, on mélange cependant desquamation et dessiccation (photo 6.3). Le septième chapitre concerne le fluvial. On y présente les notions de cycle d’érosion et de bassin versant, ainsi que la mécanique des processus et des principales formes dérivées (plaines alluviales, terrasses, cônes et deltas, glacis, etc.). Le huitième chapitre concerne le glaciaire. On y parle des types de glaciers, de l’écoulement, de l’érosion et du transport glaciaires ainsi que des formes afférentes. Il n’y a cependant rien sur le glaciolacustre et le glaciomarin. Le neuvième chapitre porte sur le périglaciaire. On y examine les caractéristiques et la répartition des milieux périglaciaires ; toutefois, une carte de zonage des types de pergélisol aurait été utile. On y traite aussi des différentes formes associées à ce milieu ainsi que de l’évolution des versants et des terrasses. Le dixième chapitre a pour objet l’éolien. On y aborde la répartition mondiale des actions éoliennes, les processus, le transport, les formes d’érosion, les types de dunes, les loess et le nivéo-éolien. Le onzième chapitre traite du karst. On y fait un bref survol de l’érosion des roches calcaires et des principales formes associées ainsi que de l’évolution des karsts. Le douzième chapitre concerne le littoral. On y examine les questions du zonage du littoral et de la classification des côtes, des principaux agents et processus et des principales formes d’érosion et d’accumulation. Il faudrait améliorer la distinction entre les processus et les agents, la nomenclature du littoral (notamment sur la fig. 12.1, où le plateau continental semble correspondre à la zone de marée basse), l’explication du rôle du gel dans les falaises des formations meubles gélives, de même que des actions du glaciel ; bizarre de lire que le pied de glace fond lorsqu’il est atteint par l’eau salée. Il faudrait aussi établir clairement que le terme « falaises » comprend celles des formations meubles et d’en traiter en conséquence, tant en ce qui concerne leurs formes que la façon dont elles s’érodent. Dans les types de côtes, les côtes de glace sont absentes. Par ailleurs, le Saint-Laurent n’est pas un « golf ». Le treizième chapitre porte sur la géomorphologie tropicale. On y parle des contextes spatial et structural de ces milieux climatiques, des principales formes surtout issues de l’érosion, ainsi que de la formation des sols.

Les quatorzième et quinzième chapitres ont trait à la géomorphologie appliquée ainsi qu’aux techniques et méthodes. Ces deux chapitres sont passablement imbriqués notamment parce beaucoup d’éléments du premier chapitre se retrouvent dans le deuxième. On y explique d’abord l’évolution de la géomorphologie appliquée mais en négligeant le rôle des Canadiens, dont ceux de la Commission géologique du Canada (ex. : Denis St-Onge et sa cartographie géomorphologique détaillée), de l’Université de Montréal (ex. : Gilles Ritchot et sa cartographie géotechnique), de l’Université de Sherbrooke (ex. : Jean-Marie Dubois et sa cartographie dynamique des littoraux), etc. On traite ensuite brièvement de la confection des cartes et des données qui y sont représentées (morphométriques, morphologiques, morphogéniques et chronologiques), des instruments et méthodes de terrain ainsi que des techniques de laboratoire classiques. Enfin, on y discute de l’utilisation des cartes géomorphologiques pour l’évaluation et la gestion des ressources, de même que pour l’évaluation des risques naturels, dont ceux liés à l’érosion et à la construction en milieux pergélisolés, pour terminer par quelques notions sur l’évaluation d’impacts. Il y aurait lieu d’améliorer ou de clarifier cinq aspects : 1) dans le cas du risque d’inondation, il faudrait mentionner que l’on recherche les indices de récurrence annuelle, aux 20 ans et aux 100 ans ; 2) quand on parle de taux d’érosion littorale, on pourrait ajouter des données du Canada ; 3) on devrait éviter de désigner l’érosion des côtes par le terme de « dégradation », l’érosion étant aussi « noble » et naturelle que la sédimentation ; 4) il n’est pas exact de dire que partout dans le monde l’évolution des côtes « s’est amorcée depuis bientôt 5 à 6000 ans » ; et 5) dans le schéma méthodologique (fig. 15.1), il faudrait inclure les données de photo-interprétation et les données multidates, de plus en plus utilisées.

Le dernier chapitre aborde la géomorphologie interplanétaire. On s’intéresse extrêmement brièvement à la Lune, à Mercure et à Vénus pour s’attarder un peu plus sur Mars. Ce chapitre, non illustré, est embryonnaire.

En définitive, même en tenant compte des corrections qu’un enseignant doit y apporter et qui sont signalées ici (d’autres experts en trouveront probablement d’autres), c’est un manuel qui vaut l’achat, d’autant plus que sont coût est raisonnable.