Géographie physique et Quaternaire
Volume 59, Number 1, 2005
Table of contents (8 articles)
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Origin of the Great Nemunas Loops, South Lithuania
Valentinas Baltrūnas, Saulius Šliaupa and Bronislavas Karmaza
pp. 3–15
AbstractEN:
The Nemunas River, one of the largest rivers of the Baltic region, is characterised by a generally straight valley. In the middle part of its course the Great Nemunas Loops are distinct features that occupy an area of 320 km2 near the Birštonas Resort. The Nemunas valley here is 1.5‑5 km wide and 45‑80 m deep. The loops are cut into a glaciolacustrine plain confined between glacial and deltaic relief complexes and formed during the two last phases of glaciation. The origin of the entrenched loops, as large as 6‑10 km, can not be explained in conventional terms of river meandering. The activity of underlying tectonic structures is the major factor, the Great Nemunas Loops being confined to the Birštonas tectonic depression. Despite their small magnitudes the neotectonic structures within the depression significantly influenced the glacial and meltwater sedimentation (hence, the topography) that controlled the geometry of the Nemunas valley. The initial sinuosity of the valley was only a little enhanced by later lateral erosion. Fault activity is indicated by numerous mineral water springs and straight channel segments. Only a few sites of similar mineral water discharge are documented in Lithuania, suggesting the specific structural setting of the Great Nemunas Loops. Inspection of drill cores revealed the inheritance of the Nemunas valley from underlying paleovalleys of Eemian and Holsteinian Interglacials, implying persistence of the controlling factors.
FR:
Le fleuve Nemunas, un des plus grands fleuves de la région baltique, est caractérisé par une vallée généralement rectiligne. À la mi-course du Nemunas, les Grandes Boucles occupent un territoire de 320 km2 dans la zone de villégiature de Birštonas. Ces méandres, d’une largeur de 6 à 10 km, entaillent une plaine glaciolacustre confinée entre des complexes glaciaires et deltaïques formés au cours des deux dernières phases de déglaciation. À cet endroit, la vallée du Nemunas a une largeur de 1,5 à 5,0 km et une profondeur de 45 à 80 m. L’origine de ces boucles profondes ne peut être imputée aux processus habituels de formation de méandres. L’activité des structures tectoniques sous-jacentes est le principal facteur à l’origine de leur formation. Les Grandes Boucles du Nemunas sont confinées à la dépression tectonique de Birštonas, sur laquelle se sont formées des structures néotectoniques de moindre ampleur. Ces dernières ont néanmoins eu une influence significative sur la sédimentation glaciaire et celle associée aux eaux de fonte (et sur la topographie) qui a influencé la géométrie de la vallée du Nemunas. La sinuosité initiale de la vallée n’a été que peu accentuée par l’érosion latérale ultérieure. L’activité des zones de faille est décelée par la présence de nombreuses sources d’eau minérale et le redressement de certains segments du fleuve. Seuls quelques sites ayant des sources minérales similaires sont connus en Lituanie, ce qui met en relief la singularité structurale des Grandes Boucles du Nemunas. L’examen des carottes de forage révèle la filiation entre la vallée actuelle du Nemunas et les paléovallées interglaciaires de l’Eemien et du Holsteinien sur lesquelles elle repose.
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River Incision in Relation to Post-Glacial Events in the Humber River Basin, Ontario
Roger T.J. Phillips and André Robert
pp. 17–30
AbstractEN:
River valleys in the Humber River drainage basin have derived most of their morphology from processes occurring over the last 13 000 14C BP. Some of the valley reaches possess very distinct characteristics in terms of plan-view morphology, such as valley meandering and loop features along the valley sides. In this study, the valley morphology and stratigraphy of the upper Humber River basin are examined in order to assess the character of post-glacial valley evolution. Existing knowledge of late Wisconsinan and Holocene events has been considered to place this valley evolution into a regional context. Radiocarbon dating and digital elevation models suggest that the majority of valley incision occurred during or soon after regional deglaciation. Looping valley features and terrace patterns indicate that most valley morphology can be attributed to larger ancestral rivers. Although direct melt-water contributions are expected due to deglaciation, it is suggested that other processes due to the climatic and hydrogeologic effects of fluctuating proglacial lake levels also played a role.
FR:
La morphologie des vallées dans le bassin de la rivière Humber découle essentiellement des processus ayant agi durant les derniers 13 000 14C BP. Certains segments de vallées présentent des caractéristiques uniques, particulièrement en ce qui a trait à la morphologie en plan : les boucles et les méandres. Dans cette étude, l’évolution des vallées du bassin de la rivière Humber au cours de l’Holocène et à la fin du Wisconsinien est étudiée de façon à déterminer les changements morphologiques et leur évolution vers leur forme actuelle. Des datations au 14C et des modèles d’élévation de terrain indiquent que la majeure partie de l’incision des vallées s’est produite durant ou peu après la déglaciation régionale. Les composantes des méandres de vallées et les patrons des terrasses fluviatiles indiquent que la morphologie actuelle des vallées est attribuable à des rivières ancestrales plus larges. Outre le rôle attendu des apports en eau de fonte associés à la déglaciation soient attendues, il est probable que les effets climatiques et hydrogéologiques des changements du niveau d’eau des lacs proglaciaires aient aussi joué un rôle dans l’évolution des vallées du bassin de la rivière Humber.
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Conditions climatiques hivernales et processus d’érosion périglaciaires dans les bad-lands marneux de Draix (800 m, Alpes du Sud, France)
Georges Rovéra and Yannick Robert
pp. 31–48
AbstractFR:
Dans les Alpes du Sud, à 800 m d’altitude, les conditions climatiques hivernales génèrent des processus d’érosion périglaciaires dans les bassins-versants marneux à bad-lands. Sur le site de Draix (bassins-versants expérimentaux du CEMAGREF-RTM, Préalpes de Digne), des enregistrements thermiques et des mesures de l’érosion obtenues au cours de l’hiver 2000‑2001 ont permis de préciser les caractéristiques suivantes de la morphogenèse périglaciaire : 114 cycles de gel-dégel dans l’air, opposition morphoclimatique entre les versants adret et ubac des ravins, gélireptation et gélifluxion en surface du régolite marneux et présence d’un gélisol saisonnier jusqu’à 30 cm de profondeur en versant ubac. La gélireptation et la gélifluxion régularisent les versants, comblent les fonds de ravins et provoquent une ablation du régolite de 1 à 3 mm par hiver. Sur les versants ubacs, la gélifraction provoque une ablation des corniches de 0,3 à 1 mm par hiver. Dans les premiers décimètres du substrat, la glace participe à la disjonction des strates et à la genèse du régolite. La gélifraction expérimentale sur blocs confirme la sensibilité au gel de la marne et l’importance des plans de fissuration dans la fragmentation. Malgré une durée d’action limitée aux trois mois les plus froids, les processus périglaciaires participent au bilan érosif annuel des marnes, fragilisent le substrat et facilitent l’action du ruissellement.
EN:
In the French Southern Alps, at an elevation of 800 m, winter climate conditions give rise to periglacial erosional processes in the badland topography of the marly catchment basins. At the Draix site (CEMAGREF-RTM experimental catchment basins in the Pre-Alps near Digne), temperature records and erosion measurements obtained during the winter of 2000‑2001 were used to identify the following periglacial morphogenetic characteristics: 114 freeze-thaw cycles in the air, morphoclimatic contrasts between north and south slopes at the gully scale, frost creep and gelifluction on the surface of the marly regolite, and presence of seasonally frozen ground down to a depth of 30 cm on the north slopes. Frost creep and gelifluction displace debris, thereby smoothing slope profiles and filling in the bottoms of the gullies. Surface denudation rates affecting the regolite vary between 1 and 3 mm/winter. On the north slopes the rate ablation of rock ledges by frost splitting is between 0.3 and 1 mm/winter. Down to several decimeters in the substrate, segregation ice disrupt of the strata and helps the development of the regolite. Frost splitting experiments on blocks confirmed the hight sensitivity of marls and the role of fissures in the ice action. Although periglacial processes are limited to the three coldest months of the year, they contribute directly to the annual erosion of the marls, weakening the substrate and thereby facilitating run-off action in the gullies.
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Trimline Mapping from Multispectral Landsat ETM+ Imagery
Bea M. Csatho, Cornelis J. Van Der Veen and Catherine M. Tremper
pp. 49–62
AbstractEN:
Multispectral Landsat ETM+ imagery is used to study the ice-marginal region in the vicinity of Jakobshavn Isfjord, west Greenland. In particular, the trimline indicating margin retreat since the maximum stand attained during the Little Ice Age maximum is reconstructed, and compared with earlier maps based on aerial photogrammetry and ground surveys. Applying supervised classification, fourteen different surface types were identified, ranging from snow and ice, debris-covered ice and water with differing turbidities, to different types of vegetative landcover. After similar classes were merged into five, distinctively different classes, a digitized geomorphologic map was used to assess the accuracy of the classification. The positional accuracy of the trimline was checked by using results from a GPS survey along northern slope of the Jakobshavn fjord. By merging three spectral bands with the panchromatic band, a pan-sharpened image with a spatial resolution of 15 m is obtained that clearly shows morphological features on the ice surface, as well as increased resolution of glacial geomorphology.
FR:
La zone proglaciaire de la région de Jakobshavn Isfjorf, au Groenland occidental, est étudiée par l’imagerie multispectrale Landsat ETM+, avec un accent sur la limite atteinte par les glaces durant le Petit Âge Glaciaire. L’extension maximale des glaces est reconstituée par télédétection satellitaire et comparée aux données cartographiques basées sur la photogrammétrie et des mesures de terrain. Une classification dirigée a permis d’identifier 14 types de surfaces allant de la neige et de la glace, avec ou sans débris en surface, à divers types de couverture végétale, en passant par divers degrés de turbidité de l’eau. Une carte morphologique digitale de synthèse, avec cinq classes distinctes, est produite pour déterminer la justesse de la classification. La précision de l’emplacement de la trimline est validée par des mesures au GPS le long du versant nord du fjord de Jakobshavn. Après la fusion de trois bandes spectrales avec la bande panchromatique, une image avec une résolution spatiale de 15 m montre clairement la morphologie des glaces, avec une finesse accrue de la géomorphologie glaciaire dans la zone marginale attenante.
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Spectral Characteristics of Greenland Lichens
Cornelis J. Van Der Veen and Bea M. Csatho
pp. 63–73
AbstractEN:
Spectral reflectance measurements conducted during two field campaigns in west Greenland, and in the laboratory using samples collected during those campaigns, are discussed to evaluate the spectral signature of lichens. Given the diversity in lichen species, colors, and appearance — ranging from crust-like (crustose) to almost like mini shrubs (fructicose) — it is not surprising that no single signature was found. Some of the brighter fructicose lichens have reflectance characteristics very similar to those of green vegetation, with a pronounced rise in reflectivity around 750 nm. However, the most abundant lichen species covering rocks in the ice-marginal zone of west Greenland are dark grey to black crustose and foliose ephilithic (rock-growing) lichens and the shape of the reflectance spectrum for these lichens is generally very different from that of other surface types and landcovers, with near-zero reflectance at visible wavelengths, and a maximum around 1 600 nm. This characteristic allows rock-covered lichen to be identified on multispectral satellite imagery.
FR:
L’évaluation de la signature spectrale des lichens est effectuée à partir de mesures prises en laboratoire et sur le terrain, au Groenland occidental. Aucune signature spécifique ne peut être identifiée, en raison de la diversité des espèces quant à leur couleur et à leur port, allant de la croûte à l’arbuste nain. Les lichens arbustifs les plus brillants montrent une signature spectrale semblable à celle des plantes vertes, avec un pic très prononcé autour de 750 nm. Toutefois, les lichens les plus abondants sur les roches à proximité des glaces sont gris foncés à noirs et du type crustacé ou foliacé; leur spectre de réflectance montre une allure très différente de celle des autres types de surface et de couverture, et se rapproche de zéro dans le spectre visible avec un pic autour de 1 600 nm. Cette caractéristique permet l’identification des roches recouvertes de lichens par l’imagerie satellitaire multispectrale.
Notes
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Horizontal Cylindrical Structures in an Unconsolidated Quaternary Deposit at Saint-Joachim, Near Québec City (Canada)
Jean-Claude Dionne and Simon Laliberté
pp. 75–80
AbstractEN:
Two series of six horizontal cylindrical structures (pipes) were discovered recently in a Late Pleistocene (11‑10 ka BP) emerged delta deposit about 40 km NE of Québec City, Canada. The pipes occur at a depth of 19 m in a slightly oxydized layer of fine sand which is interlayered with two strata of compact blue silty clay, respectively 35 and 45 cm in thickness. The maximum length of the pipes is not known, but the remaining exhumed pipes measure 34 to 59 cm. Their diameter ranges from 6.5 to 14.5 cm. The pipe core generally consists of clean and loose medium to coarse sand whereas the outer ring, made of oxydized fine sand, is semi-consolidated. Pipes are the result of water flow in a permeable sand layer enclosed between two non-permeable layers; water enclosed in a shallow basin created by local collapsing was under hydraulic pressure and forced to drain out on the delta front. These water escape features are possibly the first known site of horizontal cylindrical structures observed in unconsolidated Quaternary sediments.
FR:
Deux séries de structures cylindriques horizontales ont été observées récemment dans un dépôt deltaïque émergé mis en place à la fin du Pléistocène (11‑10 ka BP), à une quarantaine de kilomètres au nord-est de la municipalité de Québec. Sises à 19 m de profondeur, les structures cylindriques occupent un lit de sable fin, légèrement oxydé, inséré entre deux couches d’argile silteuse, bleue, compacte, respectivement de 35 et 45 cm d’épaisseur. La longueur maximale atteinte par les structures est inconnue en raison de l’exploitation avancée de la gravière. Toutefois, dans la partie restante, dégagée manuellement, elles ont une longueur minimale comprise entre 34 et 59 cm. Le centre des cylindres est composé de sable, moyen à grossier, non stratifié alors que l’enveloppe extérieure de quelques centimètres d’épaisseur est constituée de sable fin, oxydé et semi-induré. Les structures horizontales ont été formées après la mise en place du dépôt par un écoulement souterrain d’eau sous pression hydraulique provenant d’une cuvette peu profonde produite par un affaissement local. La pression a été suffisamment forte pour créer des cavités de type suffosion. Lors de la baisse de pression, elles ont été comblées par des sédiments plus grossiers que la couche encaissante. L’eau, qui a migré parallèlement aux couches, devait s’écouler sur le front du delta. Ces structures cylindriques horizontales semblent les premières du genre à avoir été observées dans un dépôt meuble quaternaire.
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De l’absence de débris grossiers dans les rythmites tidales de la transgression laurentienne, moyen estuaire du Saint-Laurent (Québec)
Jean-Claude Dionne
pp. 81–89
AbstractFR:
Mises en place lors de la Transgression laurentienne (6 à 5 ka BP) dans le secteur amont du moyen estuaire, les rythmites intertidales limono-sableuses exposées dans la partie supérieure des diverses coupes examinées ne contiennent pas de sédiments détritiques plus grossiers que du sable fin à moyen, alors que la batture vaseuse et argileuse actuelle est couverte de cailloux de tailles variées allant du galet au méga-bloc. Bien que peu abondants, on trouve, par contre, des cailloux dans les trois faciès intertidaux plus récents (0,1 à 0,9 ka) exposés dans la micro-falaise du schorre supérieur en érosion, à Montmagny et à Sainte-Anne-de-Beaupré. L’absence de cailloux dans les rythmites intertidales de l’Holocène moyen demeure difficile à comprendre et à expliquer. L’hypothèse d’une période plus chaude sans couvert glaciel hivernal est séduisante mais peu plausible. On pense plutôt que, lors de la Transgression laurentienne, la batture argileuse actuelle était recouverte d’un dépôt semblable à celui observé à la base de la falaise vive de la terrasse de 8‑10 m à Montmagny, daté de 8 à 7 ka BP. Si tel était le cas, les cailloux résiduels reposant sur la surface d’érosion taillée dans l’argile de la Mer de Goldthwait, entre 9 et 8 ka, n’étaient pas exposés à l’action des glaces d’estran ni à celle des vagues et des courants de marée. Postérieurement à l’émersion des terres (après 4 ka BP), l’érosion aurait érodé le dépôt limono-argileux au-dessus de la surface argileuse et exposé les cailloux concentrés sur la surface d’érosion taillée dans le substrat argileux. Les cailloux actuellement visibles sur la batture comprennent donc ceux mis en place avant la Transgression laurentienne et ceux qui se sont ajoutés au cours des derniers millénaires.
EN:
Deposited during the Laurentian Transgression (6 to 5 ka BP), the tidal rhythmites, exposed in various localities of the upstream area of the middle St. Lawrence estuary do not contain any debris coarser than fine to medium sand, whereas the modern muddy and clayey tidal flat is covered by abundant clasts of various size ranging from pebbles to mega-boulders. Although less frequent, there is coarse debris in the three recent (0.1 to 0.9 ka) intertidal facies exposed in the microcliff of the high marsh at Montmagny and Sainte-Anne-de-Beaupré. The absence of coarse debris in the mid-Holocence tidalites remains difficult to understand and explain. The existence of a warmer climate without an ice cover in winter at the time is interesting but unlikely. It is suggested instead that when the Laurentian Transgression occurred, the clay substrate of the modern tidal flat was covered by a fine grained deposit similar to the silty-clay deposit exposed at the base of the cliff cut into the 8‑10 m terrace at Montmagny which is dated 8 to 7 ka. In this case the coarse debris lag characterizing the erosion surface cut into the Goldthwait Sea clay was not exposed; consequently, coarse debris were not available for reworking by shore ice, waves and tide currents. Following land emergence after 4 ka BP, erosion of the silty-clay deposit exposed the former coarse debris lag whereas additional coarse material was most likely added during the last millennium. Consequently, there is a great contrast between the mid-Holocene tidalites and the modern tidal flat deposit.