Comptes rendus

FRENETTE, Yves, Martin PÂQUET et Jean LAMARRE, dir., Les parcours de l’histoire. Hommage à Yves Roby (Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Culture française d’Amérique », 2002), xvi-368 p.[Record]

  • Damien-Claude Bélanger

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  • Damien-Claude Bélanger
    Département d’histoire
    Université McGill

Pionnier de l’histoire socio-économique du Québec et doyen des études franco-américaines, Yves Roby a pris sa retraite de l’enseignement en 1999 après une carrière de trente-six ans à l’Université Laval. Ce remarquable chercheur au parcours singulier a profondément marqué l’historiographie contemporaine du Québec. Faisant fi des théories totalisantes, ses travaux — en particulier sa brillante étude socio-économique et intellectuelle des relations canado-américaines, Les Québécois et les investissements américains (1976) — ont apporté une perspective continentale à une discipline trop souvent marquée par le provincialisme et ont ainsi contribué à décloisonner le Québec en tant qu’objet d’étude. Pour rendre hommage au professeur Roby, Yves Frenette, Martin Pâquet et Jean Lamarre ont rassemblé en volume les travaux d’un atelier de recherche tenu en son honneur à l’Université Laval en avril 2000. Intégré à l’importante série « Culture française d’Amérique » publiée sous l’égide de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN), ce collectif regroupe quatorze articles de fond touchant aux champs d’intérêt du professeur Roby et deux textes explorant la vie et l’oeuvre de l’historien. L’ouvrage se divise essentiellement en deux parties. Plus disparate, la première explore divers aspects de l’histoire socio-économique du Québec, mais comprend également un article de Martin Pâquet sur les relations entre l’expérience et la discipline historique, une réflexion de Matteo Sanfilippo sur l’histoire nationale et la question migratoire en Europe et un texte de Nelson Ouellet sur les relations entre Blancs et Noirs dans le Tennessee de la Reconstruction. On y retrouve également un article de Pierre Poulin sur la « reconnaissance sociale » des Caisses populaires au Québec de 1900 à 1906. Dans ce texte fort intéressant, l’auteur examine la rivalité entre le modèle d’Alphonse Desjardins et celui de l’Allemand Friedrich Wilhelm Raiffeisen d’une banque populaire axée sur les besoins des plus démunis, sorte de mont-de-piété que Desjardins juge trop imprégné de l’esprit philanthropique. Au début du siècle, le modèle Raiffeisen avait beaucoup d’adeptes au Canada français et s’était imposé auprès de la classe politique québécoise et du clergé. Cependant, Desjardins réussit à convaincre ces élites de la validité de son modèle et à l’étendre à l’échelle du Québec. Enfin, soulignons la présence dans cette première section de deux articles substantiels sur l’espace économique et social du Bas-Canada. Dans son « Landscape and Hinterland », John Willis propose une nouvelle lecture de l’espace préindustriel de la plaine montréalaise qui intégrerait à la fois l’homme et son environnement, la ville et son arrière-pays rural. Pour l’auteur, l’environnement est malheureusement absent de l’historiographie bas-canadienne et, de plus, celle-ci crée généralement une fausse dichotomie entre l’espace urbain et l’espace rural. Marc St-Hilaire poursuit cette réflexion sur l’espace économique et l’espace social du xixe siècle québécois dans son article sur les réseaux de sociabilité bas-canadiens. Selon lui, « les logiques qui sous-tendent les différents réseaux de sociabilité s’écartent des rationalités économiques ou d’organisation des réseaux de transport » (p. 182). Ainsi, après avoir examiné les aires matrimoniales du Bas-Canada, il constate que « la sociabilité se déploie dans ses propres espaces » (p. 192). Axée sur les études franco-américaines, la deuxième section du collectif est plus importante et cohérente que la première. En effet, l’histoire franco-américaine connaissait un certain essoufflement depuis quelques années et une réflexion d’ensemble s’imposait. C’est d’ailleurs ce que fait François Weil dans son bref article sur « L’espace franco-américain » où il souligne que l’émigration reste un sujet marginal dans l’historiographie canadienne-française en dépit des nombreuses études effectuées depuis trente ans et de l’engouement des historiens québécois pour l’américanité. Réintégrer l’histoire franco-américaine à l’histoire …