L’idée de la participation citoyenne est un peu comme celle de manger des épinards : personne ne s’y oppose en principe, parce qu’il s’agit d’une bonne chose. La participation des gouvernés à leur gouvernement est, en théorie, la pierre angulaire de la démocratie – une idée vénérée que tout le monde ou presque applaudit chaleureusement. Les applaudissements perdent toutefois de leur vigueur lorsque ce principe est défendu par les non-possédants, qu’ils soient Noirs, Mexicains, Portoricains, Autochtones, Inuits ou Blancs. Et lorsque les non-possédants définissent la participation comme une redistribution du pouvoir, le consensus américain sur ce principe fondamental s’effrite pour divers motifs raciaux, ethniques, idéologiques ou politiques. De nombreux discours, articles et livres récents explorent en détail qui sont les non-possédants de notre époque. Parmi eux, beaucoup examinent pourquoi ces derniers sont devenus si vexés et aigris par leur impuissance à faire face aux profondes iniquités et injustices qui marquent leur quotidien. Toutefois, il y a eu très peu d’analyses du sens des expressions controversées « participation citoyenne » ou « participation maximale possible ». En bref : Qu’est-ce que la participation citoyenne, et quelle est sa relation avec les impératifs sociaux de notre époque ? Puisque la question est source de contentieux dans l’arène politique, la plupart des réponses ont été volontairement dissimulées sous des euphémismes creux tels que « s’aider soi-même » ou « s’impliquer dans sa communauté ». D’autres encore ont été enjolivées par une rhétorique trompeuse, comme celle du « contrôle absolu » – lequel ne sera jamais à la portée de quiconque, y compris du président des États-Unis. Entre euphémismes et rhétorique exacerbée, même les spécialistes ont du mal à suivre la controverse. Il y a de quoi rendre le grand public perplexe. Ma réponse à la question fondamentale de ce qu’est la participation citoyenne est simple : c’est le pouvoir des citoyens. Il s’agit de la redistribution du pouvoir qui permettra aux non-possédants, actuellement exclus des processus politiques et économiques, d’être délibérément inclus. Il s’agit de la stratégie par laquelle les non-possédants s’unissent pour déterminer comment l’information circule, les objectifs et les politiques sont définis, les ressources fiscales sont allouées, les programmes sont mis en oeuvre, et les avantages tels que les contrats et les appuis financiers sont répartis. En bref, il s’agit du moyen par lequel ils peuvent induire une authentique réforme sociale qui leur permette de profiter des avantages de la société d’abondance. Il existe une différence majeure entre le fait de se soumettre au rituel vain de la participation et celui de détenir le pouvoir réel nécessaire pour influencer le résultat du processus. Cette différence est brillamment résumée dans une affiche peinte au printemps dernier par les étudiants français pour expliquer la rébellion étudiante et ouvrière (voir Figure 1). L’affiche met en évidence le principe fondamental selon lequel la participation sans redistribution du pouvoir est un processus vide et frustrant pour ceux et celles qui n’ont pas de pouvoir. Elle permet aux détenteurs du pouvoir de prétendre que toutes les parties ont été prises en compte, alors que seulement certaines d’entre elles sont en mesure de bénéficier d’avantages réels, maintenant ainsi le statu quo. Pour l’essentiel, c’est ce qui est en train de se passer dans la plupart des 1 000 programmes d’action communautaire (Community Action Programs), et ce qui promet de se répéter dans la grande majorité des 150 programmes des Villes modèles. Une typologie des huit niveaux de participation peut aider à analyser cette question confuse. En guise d’illustration, les huit types sont disposés sous forme d’échelle, la hauteur de chaque échelon indiquant l’étendue du pouvoir …
Appendices
Bibliographie
- Austin, David. [n. d.] « Study of Resident Participants in Twenty Community Action Agencies », CAP Grant 9499.
- Coles, Robert. 1964. « Social Struggle and Weariness », Psychiatry, 27 : 305-15.
- Cunningham, James V. 1967. Resident Participation. Rapport non publié préparé pour la Fondation Ford.
- Department of Housing and Urban Development. 1966. Workable Program for Community Improvement: Answers on Citizen Participation, Program Guide 7.
- Department of Housing and Urban Development. 1968. « Citizen Participation in Model Cities », Technical Assistance Bulletin, 3.
- Fellman, Gordon. 1969. « Neighbourhood Protest of an Urban Highway », Journal of the American Institute of Planners, 35, 2 : 118-122.
- Office of Economic Opportunity. 1968. OEO Instruction, Participation of the Poor in the Planning, Conduct and Evaluation of Community Action Programs. Washington, D.C.
- Organization for Social and Technical Innovation. 1969. Six-Month Progress Report to Office of Economic Opportunity: Region 1.
- Walinsky, Adam. « Review of Maximum Feasible Misunderstanding by Daniel P. Moynihan », New York Times Book Review, 2 février 1969.